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[Noël] Découvrez un extrait de Jordan, la loi du plus fort

Noël approche, chers lecteurs, et quoi de mieux à trouver dans son calendrier de l’avent que du basket, du basket, et encore du basket ? En attendant les fêtes de fin d’année, Basket Infos vous proposera des extraits du livre Jordan, la loi du plus fort paru cette année en français chez Mareuil Éditions. Traduction du mythique The Jordan Rules de Sam Smith, le livre relate la saison 1990-91 des Chicago Bulls, et après avoir lutté contre les Celtics lors des épisodes de mardi et de jeudi, on retrouve Jordan au quotidien. Pas toujours facile à vivre pour ses coéquipiers…

 

La nuit de Jordan ne fut guère plus paisible. De manière générale, Jordan dormait peu, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Adolph Shiver était du voyage. Shiver était un ami de Jordan rencontré à North Carolina, qui l’accompagnait régulièrement lors des déplacements, tout comme Fred Whitfield et Fred Kearns, deux hommes d’affaires eux aussi originaires de Caroline du Nord. Au beau milieu de la nuit, l’infatigable Jordan pouvait se retrouver assis à une table avec l’un ou l’autre de ses accompagnateurs qui battait un jeu de cartes. La star des Bulls ne supportait pas de rester inactive, un trait de caractère commun à de nombreux sportifs de haut niveau, qui peut d’ailleurs expliquer leur attirance pour la vitesse. Charles Barkley a toujours assuré qu’il mourrait au volant, un destin auquel Jordan avait échappé jusque-là à la stupeur générale. Les agents de sécurité du Chicago Stadium s’étaient habitués à le voir débarquer à toute allure, le crissement des pneus les avertissant de son arrivée imminente. Le chemin jusqu’à la salle était devenu pour lui un terrain de jeu où il roulait à tombeau ouvert, esquivant véhicules, feux de signalisations et priorités à droite comme s’il cherchait à tester ses réflexes. Un perpétuel besoin de se mettre au défi sans doute propre aux athlètes de son calibre.

Les Bulls ayant transféré Rod Higgins puis Charles Oakley, Jordan n’avait plus de véritable ami au sein de l’équipe. Il amenait donc avec lui ses copains extérieurs à la franchise, des personnes capables de suivre son rythme effréné et de tolérer ses caprices. Le fait que l’arrière des Bulls n’arrive pas à s’entendre avec ses coéquipiers n’avait rien d’étonnant en soi, sa compagnie n’ayant rien d’un long fleuve tranquille. Se balader en ville avec Michael Jordan s’avérerait aussi éprouvant que de traverser un lycée aux côtés de Mick Jagger dans les années 60. « C’est comme si on était avec une rock-star ! » avait expliqué le rookie Anthony Jones lors d’une tournée promotionnelle. Plus tôt dans la saison, Cartwright et Hodges dînaient dans un restaurant quand un petit garçon s’était approché de leur table. « Monsieur Cartwright, ça fait cinq ans que j’attends ce moment », avait-il dit en tendant au pivot une feuille de papier. « Est-ce que vous pourriez me rapporter un autographe de Michael Jordan ? »

Les autographes étaient un sujet tabou entre joueurs. S’il arrivait que certains coéquipiers demandent à Jordan d’en signer pour leurs amis, l’arrière n’acceptait que très rarement et attendait systématiquement quelque chose en retour. C’est d’ailleurs pour cette raison que les coaches furent contraints de cesser de lui en demander. Comme n’importe quel employé des Chicago Bulls, leurs proches les harcelaient pour un bout de papier signé par Jordan mais ce dernier attendait une contrepartie si jamais il leur en fournissait un. Jackson avait expliqué qu’en arrêtant de lui en réclamer, il avait fait « un grand pas dans l’amélioration de [ses] relations » avec Jordan. « En tant que coach, je ne pouvais pas me permettre de lui être redevable. » L’entraîneur des Bulls put ainsi lui dire non à son tour quand Jordan lui demanda l’autorisation de faire monter ses amis à bord du bus ou de l’avion, ce que les coaches précédents avaient jusque-là autorisé. Bien qu’il soit sans doute la personne la plus proche de Jordan au sein de la franchise, Bach avait aussi mis un terme à ses demandes d’autographes une fois avoir pris conscience que Jordan s’en servait pour prendre l’ascendant sur lui.

« À un moment j’imitais sa signature », avait raconté Pippen. « Mais j’ai arrêté. J’ai quand même ma fierté et je n’ai aucune envie d’aller mendier auprès de lui. Maintenant je dis juste « Non, je ne demanderai pas ». Je ne m’embête plus avec ça. »

Jordan était une star comme il en existait peu dans le monde du sport, que ce soit au niveau du talent ou de sa dimension commerciale. ProServ, la société qui le représentait, avait tendance à gonfler les chiffres de ses revenus afin d’attirer le plus de clients possible. On peut toutefois affirmer que l’arrière a amassé au moins 10 millions de dollars au cours de la saison 1990-91 via ses contrats marketing. Chacune des cassettes vidéo qu’il a publié s’est vendue à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Il était désormais plus rentable pour une marque de faire appel à Michael Jordan pour vendre son produit plutôt qu’à n’importe quelle autre personnalité sportive. Le joueur des Bulls en était arrivé à un point où il pouvait se permettre de décliner des propositions telles que 18 000 dollars pour une heure d’apparition à l’inauguration d’un magasin, ou 250 000 dollars pour intervenir lors d’un weekend de séminaire. S’il avait prévu de jouer au golf ce jour-là, il n’irait pas. Une telle démesure contribuait à agrandir le fossé qui existait déjà entre lui et le reste de l’équipe, aucun autre joueur des Bulls n’ayant de revenus publicitaires significatifs. Paxson avait décroché un contrat avec une marque de rasoirs parce que celle-ci était à la recherche de trois frères pour sa publicité. Pippen avait dû attendre sa sélection au All-Star Game pour qu’une marque de chaussures accepte de le sponsoriser. Hodges, malgré deux victoires consécutives au concours à trois-points, n’avait jamais reçu d’offre et Cartwright était seulement sollicité par la mairie de Chicago pour des campagnes d’affichage auxquelles il participait bénévolement. Jordan était différent, c’était un fait. Un fait parfois dur à accepter pour ses coéquipiers.

« Ils ont créé un monstre », avait affirmé Stacey King, à juste titre.

Et puis il y avait ces fameuses « Jordan Rules. » Dans les journaux et les magazines, le terme désignait les tactiques des Pistons pour contenir Jordan. Mais dans le vestiaire des Bulls, les « Jordan Rules » possédaient une toute autre signification.

Comme lors de ce jour de décembre où Jordan avait attrapé la grippe. Il avait téléphoné pour prévenir qu’il était malade et qu’il ne viendrait pas à l’entraînement. Jackson avait dépêché un membre du staff chez lui afin de s’assurer que tout aille bien.

Une semaine plus tard, Paxson était tombé malade à son tour. Après avoir passé la nuit à vomir, il avait pris son téléphone et appelé pour prévenir qu’il n’était pas en état de s’entraîner. Jackson lui avait tout de même demandé de venir afin de statuer sur son état. Car  si l’un des joueurs tombait malade, le règlement interne stipulait qu’il devait être vu par un membre du staff dans la journée. Paxson se présenta donc au gymnase. Jackson s’est  rapidement rendu compte que son meneur était en effet très loin d’être apte à jouer, et l’a donc laissé rentrer chez lui. Mais cette fois-ci, personne ne s’était donné la peine de se déplacer.

Cela faisait déjà longtemps que deux règlements cohabitaient au sein des Bulls ; un pour Jordan et un pour les autres. Beaucoup de joueurs s’en agaçaient : « Qu’est-ce qui interdit à Jordan de jouer perso pendant que les autres sont tenus d’appliquer le système ? Rien. Qu’est-ce qui l’empêche de penser qu’il peut faire comme bon lui semble ? Rien. » Les dirigeants avaient fait en sorte que Jordan se sente différent des autres au quotidien, rien ne l’empêchait donc d’en déduire qu’il en allait de même sur les parquets.

Les innombrables anecdotes dans ce domaine avaient fait naître un dilemme insoluble. Jordan était le meilleur, son apport sur le parquet était inégalable, ne méritait-il donc pas un traitement à part ? D’ailleurs, les autres superstars du sport ne bénéficiaient-elles pas aussi de traitements de faveur ?

Jordan était toujours le dernier à monter dans le bus : il n’aimait pas attendre les autres pendant que les fans s’amassaient devant sa vitre. Il arrivait donc systématiquement en retard et à chaque fois, toute l’équipe l’attendait pour pouvoir partir. Un jour, alors qu’il avait déjà pris place à bord du véhicule, Rory Sparrow, éphémère joueur des Bulls, était encore bloqué à la réception. Quand il parvint enfin à sortir de l’hôtel, le bus était déjà parti. Autre exemple : au cours de la saison 1988-89, Jordan avait été contraint de manquer un match en raison d’une déchirure à l’aine. L’équipe avait installé chez lui un appareil destiné à accélérer son rétablissement. Si un autre joueur se blessait et voulait obtenir un suivi médical de la part de la franchise, il fallait qu’il accompagne le reste du groupe lors des déplacements.

C’est sans doute au cours de la saison 1988-89 que les « Jordan Rules » connurent leur épisode le plus marquant. Les Bulls devaient jouer à Charlotte le 23 décembre et Doug Collins avait annoncé à ses joueurs qu’il n’y aurait pas d’entraînement le lendemain afin que chacun puisse s’organiser pour le réveillon. Mais quand l’équipe s’inclina contre toute attente face à de biens faibles Hornets, l’entraîneur revint sur sa décision et inscrivit sur le tableau du vestiaire : « Entraînement au Multiplex à 11 h. »

« Hors de question », rétorqua Jordan lorsqu’il vit le tableau.

Le lendemain matin, les joueurs prirent péniblement place à bord du bus, contraints et forcés de se rendre à l’aéroport pour être à l’heure à Chicago. Mais Jordan manquait à l’appel. Collins, hors de lui, tenta de joindre la chambre d’hôtel de son joueur, qui ne daigna pas décrocher. Collins dépêcha Mark Pfeil, l’un de ses assistants, pour aller le chercher. Pfeil s’exécuta, mais Jordan refusa de descendre : il ne rentrerait pas à Chicago juste parce que Collins était en pétard. Il avait prévu de passer Noël ici, en Caroline du Nord, et il était hors de question de faire l’aller-retour pour les beaux yeux de son coach. Pfeil n’avait qu’à aller le répéter à Collins.

L’assistant s’exécuta. Mécontent de la réponse de Jordan, Collins le renvoya à la charge. « Dis-lui que s’il se donne la peine de venir jusqu’à l’aéroport, j’annule l’entraînement. » Le pauvre Pfeil était terrifié.

« D’accord, mais je ne reste que cinq minutes », consentit Jordan. « Pas une de plus. »

Une fois averti de la réponse de son joueur, Collins fit signe au bus de démarrer. Jordan n’aurait qu’à les rejoindre sur place. En ce 24 décembre, l’aéroport était noir de monde. Les Bulls s’impatientaient déjà depuis plusieurs minutes à la porte d’embarquement quand Jordan fit enfin son arrivée. Collins rassembla alors ses troupes, puis expliqua vaguement qu’il avait changé d’avis, qu’il annulait l’entraînement de la veille de Noël.

À peine eut-il achevé son propos, que Jordan prit congé de ses coéquipiers. Paxson remarqua alors qu’il ne s’était même pas donné la peine de mettre des chaussettes. Partir à Chicago en plein mois de décembre sans chaussettes ? Pas besoin d’aller chercher très loin pour comprendre qui avait décidé d’annuler l’entraînement.

 

Découvrez un nouvel épisode lundi prochain ! En attendant, vous pouvez toujours vous procurer Jordan, la loi du plus fort chez Amazon, à la Fnac ou chez votre libraire…

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