Cahier des rookies. Ingram, Brown et Chriss: qui est le meilleur ailier de la draft 2016?

Cahier des rookies. Ingram, Brown et Chriss: qui est le meilleur ailier de la draft 2016?

Le petit monde des rookies est un univers à part dans une saison NBA. Toutes les deux semaines, Basket Infos vous propose d’analyser les performances, bonnes ou mauvaises, des débutants dans la grande ligue.

 

Quatre ailiers ont été choisis dans les huit premiers de la dernière draft: si Ben Simmons, blessé, n’a pas encore joué, Brandon Ingram (2e), Jaylen Brown (3e) et Marquese Chriss (8e) foulent eux les parquets NBA depuis deux mois. Alors que Chriss, titulaire à Phoenix, sort de son meilleur match de la saison cette nuit (18 pts, 6 rbds), qu’Ingram joue beaucoup dans une équipe très jeune et que Brown se bat pour gagner des minutes dans la rotation d’une très bonne équipe, il est temps de faire un petit comparatif des trois joueurs.

 

Profil général

Taille Poids Envergure
Brown 2,01 m 102 kgs 2,13 m
Ingram 2,06 m 89 kgs 2,21 m
Chriss 2,08 m 106 kgs 2,14 m

Physiquement, Brandon Ingram est clairement le profil le plus original des trois. Mince comme une allumette, mais plus grand que Jaylen Brown et presque autant que Chriss, il a aussi une envergure de bras absolument démente, supérieure aux deux autres. Brown et Chriss, eux, ont un physique assez proche, Brown étant plus petit et légèrement plus costaud, en regard de sa taille. Notons que Chriss, pour sa taille, n’a pas une envergure immense. Mais il compense par une élasticité exceptionnelle.

Logiquement, ces caractéristiques physiques se retrouvent dans le positionnement sur le terrain des trois joueurs. Le graphique ci-dessous représente le temps de jeu passé à chaque poste par nos trois compères :

 

Comme on le voit, Ingram, plus léger, joue logiquement plus loin de la raquette. Luke Walton l’utilise davantage dans le backcourt qu’en tant qu’ailier-fort dans un 5 small ball, alors qu’on peut faire le constat inverse pour Jaylen Brown, dont un quart du temps de jeu se fait au poste 4. Ingram comme Brown, néanmoins, sont sans aucune ambiguïté considérés par leurs coachs comme de vrais postes 3. Chriss, quant à lui, profite de sa taille pour jouer la grande majorité du temps au poste 4. Plutôt conservateur dans l’utilisation de son rookie, Earl Watson tente assez peu l’expérience à l’aile ou en pivot.

(Notons que ces stats sont aussi dépendantes des effectifs des trois franchises concernées : le poste 4 est complètement bouché aux Lakers, et particulièrement indigent aux Suns, pour ne prendre qu’un exemple).

 

Scoring

En attaque, les trois joueurs ont, comme la plupart des rookies, un peu de mal à mettre leur shoot en place. Les pourcentages au shoot, indiqués dans le tableau ci-dessous, témoigne de certaines difficultés (en gras, le meilleur dans chaque catégorie) :

Adresse générale Dans la peinture Mi-distance 3-points
Brown 44.6 % 54.9 % 21.1 % 31.6 %
Ingram 34.5 % 43.5 % 32.2 % 24.1 %
Chriss 42.2 % 52.1 % 32.1 % 30.1 %

Jaylen Brown est, dans l’ensemble, le plus adroit des trois ; c’est aussi, ce qui n’est pas un hasard, celui qui joue le moins et qui a donc le moins l’occasion de shooter (et de rater). Catastrophique à mi-distance, Brown est en revanche correct à 3-pts et dans la raquette, ce dernier point étant important pour un joueur qui inquiétait les scouts pour sa difficulté à finir près du cercle. Regardez la maîtrise avec laquelle il va défier Robin Lopez sur l’action ci-dessous :

Comme Jaylen Brown, Chriss est une arme redoutable en transition, où sa vitesse et son potentiel athlétique peuvent faire des ravages. Les chiffres des deux joueurs sont d’ailleurs dans l’ensemble assez semblables, Chriss étant néanmoins plus adroit à mi-distance. Ingram, de son côté, est catastrophique à peu près partout, ce qui était prévisible vu sa minceur. Contrairement aux deux autres, Ingram ne semble pas encore maîtriser parfaitement sa sélection de shoots – ce qui, encore une fois, est aussi dû au fait qu’il a plus de libertés que les deux autres : près de la moitié de ses tirs ne sont pas assistés, pour moins d’un tiers pour Brown et Chriss.

Dans le graphique ci-dessus, on voit qu’Ingram utilise beaucoup plus le tir mi-distance que Brown et Chriss, qui se concentrent majoritairement sur le 3-pts et le tir près du cercle. Du fait de son manque de puissance, le Laker peut en effet avoir tendance à refuser la pénétration pour tenter un tir difficile à mi-distance :

On voit clairement sur cette action qu’Ingram hésite, voit Anthony Davis face à lui, renonce à aller au cercle et se retrouve forcé à prendre un tir qu’il ne voulait pas prendre.

Avec son physique de bébé girafe découvrant le monde des adultes, Ingram semble parfois ne pas savoir quoi faire de son corps. On le voit régulièrement mettre le pied en touche, comme s’il ne maîtrisait pas tout à fait les dimensions du terrain. Pour sa défense, le staff des Lakers le met dans une position parfois difficile, en lui accordant relativement peu de situation de catch-and-shoot et en le poussant à se créer lui-même ses tirs. Ce régime devrait lui servir pour la suite, mais Ingram, pour le moment, a du mal à trouver son équilibre. Son inconsistence, néanmoins, ne doit pas trop inquiéter : Ingram n’a jamais eu de problèmes dans le passé avec son jump shot, il n’y a donc pas de doutes sur le fait qu’il soit capable de retrouver le rythme à terme. Avec ses jambes et ses bras immenses, il est déjà capable d’actions très antetokounmpiennes, où sa vitesse de pieds surprend ses défenseurs :

De manière quelque peu surprenante vu son gabarit, Ingram est le plus efficace des trois joueurs en situation de post-up, avec un très honorable 0.91 pts marqué par possession, contre 0.83 à Brown et un catastrophique 0.66 pour Chriss. Le joueur des Suns, davantage utilisé dans la raquette que ses deux compères, a du mal avec les bases offensives d’un intérieur : que ce soit en post-up ou à la conclusion d’un pick & roll, il est encore très peu efficace. La meilleure situation offensive pour Chriss, au vu de ses qualités physiques exceptionnelles, reste le alley-oop ou le dunk, notamment lorsque la défense adverse switche et qu’il se retrouve face à un adversaire plus petit que lui :

(Admirez la défense de Kyle Lowry !)

Une situation semblable se présente ici, où Chriss, plutôt que d’aller au cercle et risquer la faute offensive, prend l’avantage sur John Wall par un petit floater, geste qu’il maîtrise plutôt bien :

Sur attaque placée, Earl Watson charge Chriss de couper ligne de fond ou d’attendre dans les corners, où il prend plus de la moitié de ses shoots extérieurs. C’est là une différence avec Jaylen Brown, qui a tenté très peu de corners 3s cette année. Brown est plutôt dans sa zone de confort légèrement à droite ou à gauche du panier, où il peut soit shooter, soit pénétrer dans la raquette.

Aucun des trois joueurs, en ce début de saison, n’a encore montré quoi que ce soit d’exceptionnel offensivement. Leur rôle dans leur équipe respective ne leur permet pas de le faire. Mais il n’y a pas de doute sur le fait que Brandon Ingram a une palette plus étendue que Chriss et surtout que Brown, qui se contente majoritairement de 3-pts et de lay-ups en transition. Pour l’ancienne vedette de Duke, il n’y a plus qu’à espérer que les tirs finissent par rentrer.

 

Playmaking

C’est dans ce domaine que Brandon Ingram a ce petit plus qui peut faire, sur le long terme, un énorme différence avec Brown et Chriss. Poussé par Luke Walton à prendre la mène par séquences, Ingram fait preuve d’une grande assurance balle en main. Il ne panique jamais, sait attendre pour servir le bon coéquipier, comme ici avec Lou Williams :

Cette aisance se ressent dans les chiffres, puisqu’Ingram a un ratio assist/turnover très correct (1.5), quand Chriss, par exemple, perd trop souvent le ballon (ration de 0.4). Qu’Ingram ait ces qualités de playmaking est un avantage considérable pour les Lakers. Avoir un joueur de plus de 2m susceptible d’être le dribbleur dans le pick & roll est une arme léthale face aux défenses pour les déséquilibres qu’il crée ; il suffit de voir le succès qu’ont LeBron James, Draymond Green ou Giannis Antetokounmpo dans ce rôle. Il semble peu probable qu’Ingram ait un jour le rôle de meneur à temps plein, mais cette arme lui offre déjà une poyvalence que peu de joueurs ont à son âge. Les ailiers draftés lors des trois dernières années, qu’il s’agisse d’Andrew Wiggins, Justise Winslow ou Stanley Johnson, sont loin de pouvoir en dire autant.

Brown et Chriss, en regard, sont bien plus limités dans ce domaine. Il faut dire qu’on n’en attend pas autant d’eux : tout le monde se satisfera amplement d’une progression dans d’autres parties de leur jeu.

 

Rebond

Marquese Chriss est logiquement le meilleur rebondeur des trois, sans avoir des chiffres éblouissants, loin de là. Avec un Rebound Percentage (pourcentage des rebonds de l’équipe pris lorsqu’il est sur le terrain) de 10.6 %, il se situe assez loin des meilleurs de la ligue à son poste. Il est assez frappant de voir son nom à proximité de ceux de Rudy Gay, Derrick Williams, Thaddeus Young ou Marvin Williams, trois joueurs dont son jeu se rapproche assez : des joueurs considérés il y a encore quelques années comme des « tweeners », à cheval sur les postes 3 et 4, désormais vus comme des ailiers-forts mais assez peu présents dans la raquette. Cette limite (pour l’instant provisoire) empêche de concevoir Chriss comme un pivot dans un 5 small-ball, à l’image de ce que Draymond Green est capable de faire.

Ingram et Brown, de leur côté, font à peu près le boulot au rebond, sans rien d’exceptionnel. On peut noter qu’Ingram est un bon rebondeur défensif, mais évite de se mêler à la bataille de l’autre côté du terrain, où ses chiffres sont anémiques (2,9 % en Offensive Rebound Percentage). Vu son poids, c’est sans doute sage. Quant à Brown, son physique à la Jimmy Butler devrait lui permettre, à terme, de peser davantage dans ce secteur.

 

Défense

Puisque l’on parle de Jimmy Butler, c’est bien sur cette comparaison que Jaylen Brown a été drafté : un joueur très athlétique, d’abord perçu comme un gros défenseur, dont on espère une progression régulière offensivement. Brown n’a pas vraiment déçu de ce point de vue, puisqu’il se montre déjà un redoutable adversaire en un-contre-un. Les stats indiquent que son adversaire direct a un pourcentage de réussite inférieure de 7 pts à sa moyenne habituelle lorsque Brown défend sur lui, un chiffre remarquable pour un rookie (en comparaison, il est de + 1.8 pour Ingram et de + 4.2 pour Chriss, qui défendent donc moins bien que la moyenne en un-contre-un). Brown est capable de tenir physiquement des ailiers costauds, mais est aussi particulièrement rapide. Regardez dans l’action ci-dessous le chemin qu’il parcourt :

Brown navigue avec beaucoup d’habileté à travers les écrans, et a ensuite la lucidité nécessaire pour piquer la balle à Harrison Barnes sans faire faute. Il reste toujours collé à son joueur, prêt à profiter de la moindre inattention, comme Ginobili en fait l’expérience ici :

Jouant dans une équipe déjà très compétitive, Brown peut se concentrer sur la défense, et le fait plutôt bien. Bien que la situation ne se soit pas assez présentée pour que les chiffres soient définitifs, Brown est également très efficace pour défendre le dribbleur sur pick & roll : son adversaire ne marque que 0.58 pts par possession sur ces phases de jeu, un chiffre absolument remarquable.

En comparaison, Ingram et Chriss souffrent quelque peu. Aucun d’eux n’est pourtant catastrophique. Brandon Ingram a notamment un potentiel de protecteur de cercle fascinant, grâce à son envergure démentielle. Alex Len n’est certes pas le plus vif des pivots, mais la manière dont Ingram s’élève pour lui prendre le ballon laisse rêveur :

Même chose ici avec Durant, qui a pourtant des bras tentaculaires :

Ingram est trop léger pour protéger durablement le cercle, mais il est au moins capable, par séquences, d’apporter une aide non négligeable. Il en va de même pour Chriss, qui ne compte pas tant sur son envergure que sur son jump de folie. Cauley-Stein croyait avoir marqué ? C’était sans compter sur le retour supersonique de Chriss :

Comme beaucoup de contreurs spectaculaires, ce n’est pas dans la défense collective que Chriss brille le plus. Comme tout rookie, il a parfois tendance à être perdu face à la rapidité des attaques adverses, à switcher au mauvais moment ou à perdre son joueur. Mais sa vitesse et sa taille lui offrent au moins deux armes essentielles dans la NBA moderne : il peut protéger le cercle par ses contres, et switcher le pick & roll sans être complètement dépassé par la vitesse du meneur adverse.

 

Verdict (très provisoire)

Après deux mois de compétition, Brandon Ingram, Marquese Chriss et Jaylen Brown restent des rookies, des vrais : que ce soit par manque de maîtrise ou parce qu’on leur confie des responsabilités limitées, ils ne montrent leurs qualités que par flashs, sans avoir encore ébloui durablement le public. Des trois, Ingram est sans doute celui dont on attendait le plus et qui en a le moins montré. Et pourtant : cette déception initiale ne doit pas dissimuler que le jeune ailier des Lakers a aussi prouvé qu’il était capable de beaucoup de choses – scorer, mener le jeu, défendre. Il n’a pas encore été capable de faire toutes ces choses en même temps, ni sur une longue durée, mais tout est là, n’attendant que de se développer. Jaylen Brown a lui confirmé tout ce qu’on pensait de lu, en acceptant avec un grand sérieux sa situation de role player. Avec un temps de jeu très limité, il n’en a pas moins fait une belle impression dans un rôle de 3 & D. Sa progression future tiendra beaucoup à la place qui lui est laissée aux Celtics. Quant à Marquese Chriss, annoncé comme un gros risque lors de la draft, il est déjà en train de laisser derrière lui certains doutes. Sans être exceptionnel, il a montré beaucoup d’application pour tenir son rang, et progresse de manière très prometteuse. Difficile de dire jusqu’où il peut aller, mais le garçon a en tout cas le niveau pour jouer en NBA, à coup sûr.

Soyons clair : aucun des trois ne sera rookie de l’année en mai, et aucun ne serait sûrement sur le podium des rookies à l’heure actuelle. Mais rien dans ce qu’on voit de leur développement actuel ne mérite de paniquer ou de crier au flop : tous les trois sont juste des rookies, ni en retard, ni en avance sur le tableau de marche du débutant classique.

Stats en provenance de NBA.com et NBAWowy.

 

Rookie Watch

  • Les courbes de Jamal Murray et Buddy Hield ne cessent de se croiser. Alors que l’arrière des Nuggets avait pris le dessus début décembre, c’est désormais le joueur des Pelicans, propulsé dans le 5 par Alvin Gentry, qui prend ses aises: depuis 10 matchs, il tourne à 12.4 pts à 45.5 %, dont un exceptionnel 53.3 % derrière l’arc. Murray, sur la même période? 3.9 pts à 30.6 % et 21.9 % à 3-pts… Comme quoi rien ne sert de juger trop tôt.
  • On avait déjà parlé de Malcolm Brogdon en détail dans le dernier cahier des rookies, voilà que l’arrière des Bucks signe maintenant des triple-doubles! On est fan, définitivement.
  • Aucun joueur, dans l’histoire de la NBA, n’a aligné 18 pts, 7 rbds et 2 cts de moyenne en moins de 25 minutes de jeu. Joel Embiid est en train de le faire. Pas mauvais, le garçon.
  • Comme souvent, les blessures offrent du temps de jeu aux rookies, même dans des équipes de haut de tableau. Chez les Cavs, c’est Kay Felder qui assure plutôt bien l’intérim. Au Thunder, Alex Abrines, le rookie espagnol, a montré des choses intéressantes en l’absence de Victor Oladipo. Sa capacité à sanctionner à longue distance sans être catastrophique défensivement offre à Billy Donovan un profil qui lui manque cruellement.
  • Dorian Finney-Smith est la bonne surprise de la saison chez les Mavs. Passé complètement au travers des radars, l’ailier de Dallas joue tout de même 23 minutes par match, en shootant très correctement, notamment à 3-pts. A confirmer, mais Carlisle a peut-être une bonne pioche sous la main.
  • Quand il joue, Tyler Ulis montre de belles choses. On aimerait bien le voir un peu plus: on milite donc pour un trade de Brandon Knight. (Idem pour Dragan Bender: tradons aussi Tyson Chandler).
  • Notre chouchou Georges Niang a rejoué! Seulement 4 minutes en un mois certes, mais c’est suffisant pour louper un tir et conforter sa position au sommet de notre classement des pires shooteurs dans la cuvée rookie 2016-2017: 14.3 % de réussite, on vous souhaite bon courage pour faire pire. Très loin derrière, on retrouve Andrew Harrison et Denzel Valentine (snif) avec 29.6 %. Mention aux snipers Wade Baldwin et Tomas Satoransky, auteurs respectivement de splendides 11.1 et 10.3 % derrière l’arc.

 

Si vous avez manqué les précédents épisodes du cahier des rookies, on a parlé ici de Jamal Murray et Buddy Hield,  ici de Kris Dunn et ici des rookies surprises (Brogdon, Siakam, McGruder, Harrison).

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