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La NBA dans le théâtre Londonien

A Londres, on entend tout le temps les sirènes de police. Le jour, la nuit qu’importe, tendez l’oreille quelques minutes vous finirez immanquablement par entendre cette drôle d’alarme qu’on croirait provenir d’un jouet pour enfant. Un son si comique qu’on se sent mal à l’aise quand on se souvient qu’elle répond à un crime commis quelque part dans les environs.

Si Paul George avait une chambre d’hôtel aussi bien insonorisée que la mienne, il a dû passé la nuit suivant la lourde défaite du London NBA Global Game à entendre hurler ces sirènes comme si elles se moquaient de lui et de son équipe. Faire des milliers de kilomètres, traverser l’Atlantique, poser le pied sur une terre étrangère pour participer à une rencontre destinée à être une vitrine de la ligue en Europe, et au final se prendre 140 points dans les côtes par une faiblarde équipe de l’Ouest. Soirée de chien. Au moins, la pluie s’était arrêtée de tomber avant que tout le monde ait à sortir de la salle ce soir-là.

Londres est une drôle de ville. Les sirènes des véhicules prioritaires geignent à droite, à gauche en permanence. La nuit, on longe d’immenses parcs encore ouverts au public si profondément plongés dans le noir qu’un meurtrier pourrait enterrer un corps sans que personne ne s’en rende compte. Et pourtant, on se surprend à parcourir la ville à des heures indues, les mains dans les poches comme si on traînait sur le sable d’une plage en plein soleil.

Cette sérénité n’est qu’une illusion. Comme toutes les grandes villes, Londres possède sa part de crimes. En principe, les forces de l’ordre ne mettent pas leur sirène pour rien. C’est comme ça que ça doit se passer dans la capitale britannique, le crime arrive dans le dos sans prévenir comme un couteau entre les omoplates alors qu’on se baladait tranquillement, doucement bercé par ce faux sentiment de sécurité.

Les Pacers ont dû avoir un aperçu de cette vie anglaise en arrivant sur l’île forts de leur cinq victoires d’affilée pour rencontrer des Nuggets au bilan sérieusement négatif et qui venaient de se faire accrocher au mur cinq fois, entre autres par les malingres de Sacramento et de Philadelphie. Confortablement assis dans leur dynamique et face à un public qui ne demandait qu’à les aimer, ils ont dû être surpris de se faire rosser comme un voyou de King Cross un peu trop arrogant.

Celui qui a donné le premier coup est Danilo Gallinari, avec trois paniers à trois points dans les toutes premières minutes dont deux en se moquant de Paul George. Evidemment, l’humour pince-sans-rire du coin avait donné à l’italien des chaussettes affichant le drapeau de l’Union Jack. L’ailier les avait tiré jusqu’aux genoux pour qu’on les voient bien. Bienvenue au Royaume-Uni, Peggy.

L’ailier de la Team USA a bien essayé de retourner l’affront mais avec plus d’échecs que de réussites. En fait, le match a été un véritable calvaire pour lui.

Denver a roulé avec une avance d’une dizaine de points pendant la majorité de la première mi-temps par la grâce d’une défense Pacer si permissive qu’on l’aurait cru badigeonnée de beurre. A cet instant, George a dû se remémorer avec colère qu’il n’y a pas si longtemps que ça, il faisait partie d’une équipe dont la défense était un bloc de granit qui râpait à vif la peau de ceux qui s’en approchaient de trop près. Voir Gary Harris et Jameer Nelson -sacrebleu, Jameer Nelson, ses 34 ans et son corps en forme de baril d’huile- prendre de vitesse ses coéquipiers a dû rendre particulièrement âpre ce souvenir d’un passé révolu et pas près de revenir de sitôt.

Et puis, George est devenu un des acteurs de son propre enfer. Juste avant la pause, l’ailier plante un bestial tir primé à quelques secondes du buzzer. Mais il reste encore un peu de temps sur le chrono, juste assez pour que Nikola Jokic envoie depuis la remise en jeu un long ballon en direction de Gary Harris dans la plus pure tradition « kick and rush » du football anglais, pour un lay-up tout seul. Régénérés par le gros shoot de leur leader, les Pacers -Paul George en tête- étaient restés figés sur place avec un sourire aux lèvres et ne s’étaient pas repliés en défense. Le public a dû apprécier, les retournements de situation à la dernière seconde étant également une caractéristique des équipes de foot de Sa Majesté.

Le retour des vestiaires a coïncidé avec le début de la fin pour les Hoosiers. Cherchant à retrouver son shoot, George en a forcé quelques-uns et converti pratiquement aucun. Il a également perdu des ballons. Jeff Teague en a aussi laissé échapper son lot et quand George a levé la tête vers le tableau d’affichage, son équipe était menée d’une vingtaine de points. Lorsqu’à trois minutes de la fin du quart-temps il a à nouveau porté son regard vers le panneau horriblement flegmatique, le score était de 100 à 69. La rencontre était pliée, emballée, empaquetée et ficelée ; prête à être livrée à la machine NBA pour qu’elle en découpe toutes les portions afin d’en faire un produit plus conditionné à la consommation de masse.

Un mauvais match, ça arrive. Même aux meilleurs. Enfin, à la plupart d’entre eux (que fait Tim Duncan en ce moment ? Vous croyez qu’il s’amuse à lancer des boulettes de papier dans la corbeille de son bureau ?). Mais faire un mauvais match dans le mou de la saison régulière dans le Colorado ou dans l’Indiana n’est pas la même chose que de le faire à Londres, à l’occasion d’un match unique qui se veut être une publicité de la NBA en Grande-Bretagne et en Europe.

Paul George était le meilleur joueur de l’affiche, la seule véritable star présente à l’événement. Avec le Royaume-Uni, il avait face à lui une immensité de cœurs de fans vierges de toute empreinte NBA. Une démonstration de son talent en chair et en os sous leurs yeux émerveillés aurait définitivement emporté leurs sentiments et tout un tas de personnes auraient quitté l’O2 Arena avec un nouveau héros à chérir. Les maillots floqués du numéro treize jaune et bleu auraient bourgeonné dans tout le pays, des petits Paul ou George seraient apparus dans les maternités et un groupe de pétitionnaires exaltés aurait amassé des centaines de signatures pour que la Reine Elizabeth II reçoive l’ancien étudiant de Fresno State à Buckingham.

Mais au lieu de ça, les retours à la maison ont dû être ponctués de « il n’était pas si fort que ça le n°13 » et de « c’était lequel Paul George, finalement? ». Plutôt que George devienne le représentant du basket dans le Royaume, les gamins sont allés au stand du NBA Store tout de suite après le coup de sifflet final pour faire acheter à leurs parents le maillots de Jokic ou peut-être celui de Kenneth Faried, parce que sa coupe de cheveux le démarque et qu’il a fait plein de alley-oops.

Cela dit, ce n’était pas tout à fait un mauvais moment pour s’offrir le turquoise de Jokic. Le nom du serbe est déjà sévèrement vissé dans l’esprit des fins connaisseurs mais peut-être pas encore dans celui des cercles un peu plus larges. Le maillot « Nuggets n°15 » doit encore aujourd’hui pouvoir faire entrer son propriétaire et porteur dans la sphère des avant-gardistes qui pourront plus tard se targuer d’avoir fait l’acquisition de ce maillot après avoir vu Jokic jouer et bien avant que le pivot ne devienne un grand nom de la NBA.

Le sophomore de 21 ans a été l’homme du match et l’un des principaux artisans à la fois de la première prise d’écart en première mi-temps et du coup de pédale fatale en début de deuxième. Il est d’ores et déjà considéré comme le futur de Denver mais il n’est pas vraiment classé dans la vague des « Licornes » comme Joel Embiid, Karl-Anthony Towns ou Kristaps Porzingis, ces intérieurs -n’existant jusqu’à il y a peu que dans le rêve des analystes- qui présentent le ferme potentiel pour être à la fois de superbes protecteurs de cercle et des artilleurs suffisamment adroits de loin pour créer le spacing ultime.

Jokic a le shoot requis pour rejoindre cette caste d’élus mais pas les qualités physiques permettant de l’imaginer devenir un rempart défensif des raquettes. Peut-être un jour compensera-t-il son manque de vitesse/explosivité/détente par une musculeuse science du placement et de l’utilisation de son gabarit, à l’instar d’un Marc Gasol ou d’un Andrew Bogut. Mais cela demandera du temps et du travail là où les autres partent avec un avantage athlétique naturel sur lequel il est facile de parier. Aussi apprécié soit-il, le Denverois demeure dans le second wagon des intérieurs du futur.

Puis voilà que son adversaire du jour, Myles Turner, fait partie de ces Licornes. Et bien ce soir, Jokic a éventré l’animal mythique comme s’il était une courtisane de Whitechapel. Le serbe lui a pris tous ses rebonds comme on vole des friandises à un enfant, friandises qu’il n’a pas arrêté de redistribué à ses partenaires avec des passes certainement venues du Pays des Merveilles d’Alice. Le Non-Anniversaire de Turner s’est poursuivi dans le découragement le plus total lorsque Jokic s’est en plus mis à lui scorer au visage par son shoot ou en s’enroulant autour de lui comme un serpent de dessin animé. 22 points à 7/12 (dont 2/3 Three’s), 10 rebonds, 7 assists, 1 contre, 1 interception pour Jokic en 30 minutes. 9 points à 4/13 (1/1 Three’s), 6 rebonds, 1 contre, 5 fautes en 21 minutes pour le Pacer.

Les passes de Jokic étaient si belles… Je ne m’étonnerais pas d’apprendre que Mezut Ozil, le n°10 d’Arsenal, présent dans les tribunes, est allé lui demander un autographe à la fin de la rencontre. Et que le lendemain, les dirigeants de Manchester City ont cherché à contacter Denver pour tenter d’acheter leur joueur.

Turner avait l’air complètement perdu. Il aurait eu bien besoin des « Look Right », « Look Left » inscrits au pied des trottoirs de la capitale anglaise, juste avant de traverser la chaussée. Le jeune homme est peut-être une licorne mais Jokic est un brillant élève de l’école serbe. Le premier a encore besoin de temps pour remplir sa destinée, le second surfe sur ce que ses maîtres lui ont appris et sur le flair que ses aînés lui ont montré à la télé quand il était petit. Jokic a eu l’avantage ce soir mais cela sera-t-il encore le cas durant les prochaines manches? Je voudrais être cinq ans en avant pour voir qui des deux pivots se révélera être le meilleur.

Mais peut-être que cette magnifique performance ne fera pas de Jokic la coqueluche basket des britanniques. Londres n’était pas particulièrement secoué par la venue de la NBA sur son sol durant les jours précédents la rencontre. Aucun élément du décor n’évoquait la grande soirée du 12 janvier à l’O2 Arena, si ce n’était peut-être une publicité sur un morceau de journal gratuit que j’ai aperçu à la va-vite dans une rame du métro. La télévision de l’hôtel crachait ses programmes sans jamais y faire allusion et les bars semblaient en rester à consacrer leurs tableaux noirs remplis à la craie aux annonces de diffusion de matchs de foot. L’Arena elle-même était mouchetée de quelques sièges vides. Manifestement, l’Angleterre n’a pas encore tout-à-fait mordu à l’hameçon qu’on a tous en travers de la joue. Il semble malgré tout y avoir du mieux depuis le passage de la grande ligue en 2013.

Vraisemblablement qu’en réalité, tout ce qu’il restera pour Paul George sera simplement la colère de la défaite, la rage de l’humiliation subie devant un nouveau public et la frustration d’avoir fait des milliers de kilomètres pour un résultat à vite oublier. Il n’a même pas eu l’occasion de profiter de ce que Londres avait à offrir, la franchise Indianan ayant préféré consacré le temps des joueurs sur l’île à s’entraîner plutôt qu’à faire les touristes entre les architectures audacieuses de la City, le long de Baker Street ou sur le Tower Bridge. Et voilà pour quoi au final.

Pour George, Londres aurait pu un jour renvoyer au souvenir du soir où il aurait entendu un petit groupe de pop anglaise jouer dans un bar de Camden qui deviendra par la suite mondialement connu. Ou encore cette fois à Picadilly où il a dû se dépêcher de finir son fish and chips chaud pour pouvoir entrer dans la boutique géante du confiseur M&M’s. Mais non, ce qu’il retiendra sera ce moment où la mascotte des Pacers s’amusait à embêter les spectateurs sur le bord du terrain alors que son équipe se faisait couler 115 à 89.

Diable. Paul George a dû en venir à détester la Perfide Albion autant que les français. Incapable de dormir à cause des sirènes de police et du drapeau britannique enroulé autour des tibias de Gallinari qui n’arrêtait pas de danser devant ses yeux perdus, je l’imagine être descendu au distributeur de snacks, s’emmêler les pinceaux avec toute cette monnaie en ferraille et laisser échapper un blasphème royal. Parce que même si elle n’y est pour rien, l’Angleterre a toujours fait un excellent ennemi.

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– J’avais oublié que l’hymne américain retentissait avant chaque match NBA et qu’il fallait se lever. Je remercie mon voisin qui m’a prévenu à temps. Peut-être aurais-je eu des problèmes s’il n’en n’avait rien fait, déjà que des policiers britanniques sont venus me voir pour me poser des questions quand j’attendais devant la salle de l’Arena…
– Voir Myles Turner en vrai c’est cool. Ca donne envie de manger un ananas (combien de blagues de ce goût faudra-t-il pour qu’il change de coupe de cheveux?).
– Rayon capillaire toujours, voir Kenneth Faried avec les cheveux détachés fait penser à un Predator civilisé qui vivrait désormais dans le Connecticut.
– Quelques minutes dans ce qui est mon premier match NBA vu des tribunes et je suis témoin d’un panier à trois points d’Emmanuel Mudiay. Je me suis senti comme un vacancier se baladant en forêt qui se retrouve soudain à quelques mètres d’une biche sauvage. C’était rare et beau, je savais que je n’aurais plus jamais la chance de revoir un jour cette scène en vrai.
– Vous savez, devant un match, j’hoche la tête d’approbation ou la secoue de réprobation, grimace après une erreur et de manière générale fais tout un tas de choses de ce genre. Notamment, je pointe du doigt le joueur démarqué. Autant devant un écran de télévision que dans les tribunes. En l’occurrence, j’étais au second rang derrière le panneau. Là, les joueurs peuvent me voir mais croyez-vous qu’ils m’écoutaient? Bien sûr que non, pardi. Incorrigibles, ces types.
– Au bout de deux quart-temps, une vérité s’affiche dans mon esprit: un jour, je me marierais avec Jokic.
– Au bout de deux quart-temps, une vérité s’affiche dans mon esprit: un jour, je refuserai une proposition de mariage de Mudiay.
– Les joueurs d’Arsenal sont dans les tribunes mais je m’en fous, je ne leur parle plus à eux.
– Il n’y a qu’à Thierry Henry à qui je veux bien parler.
– Des légendes NBA, étiquetées comme telles, sont présentées à la mi-temps parmi lesquels Ronny Turiaf, Isiah Thomas, et les anciens de Denver, Dikembe Mutombo et Marcus Camby. Je suppose que Thomas avait la charge de représenter les Pacers (équipe qu’il a coaché au début du siècle, peut-être aussi parce qu’il est un ancien étudiant d’Indiana University) face à Mutombo et Camby. Ronny Turiaf était là parce qu’une bonne fête n’est pas une bonne fête sans Ronny Turiaf.
– Qui d’entre vous a dans un premier temps penser à Isaiah Thomas, l’actuel meneur des Celtics, en lisant la ligne précédente et non au leader des Pistons champions en 89 et 90? Si vous êtes dans ce cas, n’ayez nulle honte, même Google affiche les résultats relatifs au Thomas du présent, même quand on tape Isiah plutôt qu’Isaiah. Punaise, devenir l’un des meilleurs joueurs de l’histoire et être la cause de la frustration de Michael Jordan dans sa quête du titre pour finalement être oublié au profit d’un gars d’un 1m75 drafté en 60ème position et transféré deux fois dont une sans véritable contrepartie. La blague du père d’Isaiah va beaucoup trop loin.
– C’est dur d’analyser un match quand on est placé en bas et derrière le panier, on dirait que Paul George est nul.
– Petit plaisir d’être placé en bas et derrière le panier, voir Will Barton grimacer sur un puissant écran de Kevin Séraphin.
– Chute de l’arbitre. L’action continue, les joueurs n’ont pas sifflé.
– La mascotte de Denver passe son temps à draguer les spectateurs. Les cheerleaders, elles, restent sagement assise à leur place. Monde de merde.
– 83 à 63 pour les Nuggets cinq minutes après le début de la seconde mi-temps. Les Pacers demandent s’ils ne peuvent pas plutôt participer aux jeux avec les spectateurs pendant les temps morts (y’avait un morpion basket).
– Petit plaisir d’être placé en bas et derrière le panier, voir en détail Monta Ellis monter au cercle et, en l’air, passer délicatement son bras avec le ballon sous celui du défenseur adverse pour marquer un lay-up.
– On a eu droit à la Carlton Cam. La personne ciblée à l’écran, qui était sur le bord du terrain, exécute avec brio la danse du cousin du Prince de Bel-Air. Dikembe Mutombo qui passait par là lui oppose le « Not in my house ». Plus grosse action défensive du match.
– 132-102 à deux minutes de la fin de la partie, Indiana aimerait bien profiter d’être en Angleterre pour faire entrer en jeu Ole Gunnar Solskjaer.
– 140-112, fin d’un match qui était déjà terminé depuis un quart-temps et demi mais qui a eu le bon goût de permettre à Juan Hernangomez et Malik Beasley de fouler le parquer et de mettre chacun deux paniers.

StillBallin (@StillBallinUnba)

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