Cahier des rookies: Notre All-Star Team rookies et sophomores
Le petit monde des rookies est un univers à part dans une saison NBA. Toutes les deux semaines, Basket Infos vous propose d’analyser les performances, bonnes ou mauvaises, des débutants dans la grande ligue.
Pour son All-Star Game, la NBA choisit depuis quelques années de sélectionner 20 rookies et sophomores et de les opposer entre Américains et « Reste du monde ». Initiative tout à fait sympathique, mais qui n’opère pas une sélection dantesque: 20 joueurs représente tout de même le tiers des rookies ou sophomores ayant un temps de jeu représentatif (ils sont 63 à disputer plus de 15 minutes par match cette année). Pour corser un peu la sélection, qu’en serait-il s’il fallait choisir une vraie équipe All-Star composée uniquement de rookies et de sophomores, selon la méthode employée pour le « vrai » All-Star Game? 12 joueurs seulement à choisir, soit les meilleurs des deux dernières classes de draft, suivant les mêmes contraintes dans la composition du roster, à savoir:
- Un 5 titulaire avec deux joueurs classés dans le backcourt et trois dans le frontcourt.
- Un 5 de remplaçants sur le même modèle.
- Deux joueurs « bonus », sans contrainte de poste.
- Le respect des assignations par la NBA des joueurs à tel ou tel poste: Ben Simmons et Jaylen Brown sont ainsi classés dans le backcourt, par exemple.
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Titulaires
G Donovan Mitchell
G Ben Simmons
F/C Jayson Tatum
F/C Dario Saric
F/C Joel Embiid
Remplaçants
G Jamal Murray
G Jaylen Brown
F/C Kyle Kuzma
F/C Lauri Markkanen
F/C Domantas Sabonis
Bonus Brandon Ingram
Bonus Malcolm Brogdon
1. Joel Embiid est le premier nom à coucher sur le papier. Embiid est un vrai All-Star – titulaire, qui plus est -, un monstre défensif et un bon joueur offensif, même si son shoot est bien moins consistant que ce qu’on aurait pu croire l’an dernier (seulement 30.9 % à 3-pts). Les Sixers s’effondrent dès qu’il n’est plus sur le terrain. Il est le meilleur joueur de cette compétition, rookies et sophomores confondus.
2. Ben Simmons est un joueur très étrange, mais il mérite sans doute aussi d’être dans le 5 titulaire. Malgré une petite baisse de régime, notamment au rebond, ses stats restent historiques pour un rookie avec 16.7 pts, 7.8 rbds et 7.3 pds. Curieusement, c’est sans doute sa défense qui lui vaut sa place chez les titulaires: comparé à la majorité des rookies, pour qui les tâches défensives sont d’une complexité extrême, Simmons a tout de suite semblé à l’aise de ce côté du terrain, grâce à sa grande mobilité et sa très bonne lecture du jeu. La défense était pourtant l’un des aspects inquiétants du jeu de Simmons à la fac: il faut croire qu’il s’agissait plus de désintérêt que d’autre chose.
Beaucoup de questions subsistent autour de Simmons. Le jeune Australien est incapable de shooter de loin à un point qui est inquiétant, une inefficacité qui handicape sans aucun doute les Sixers dans les fins de match et limite les possibilités de le faire jouer sans ballon; lorsqu’il a la balle, les adversaires bouchent l’accès à la raquette et lui offrent avec plaisir des tirs à mi-distance, conscient qu’il n’est pas dangereux dans cette zone. Ajoutez à cela un pourcentage plus que médiocre aux lancers (56.3 %), et on comprendra que Simmons est un joueur offensif très particulier, dont les manques sont criants.
Cela étant, Simmons compense par une vision du jeu exceptionnelle, un superbe timing au rebond et une vitesse phénoménale pour un joueur de sa taille. Son profil n’a quasiment pas d’équivalent dans la ligue, et sa réelle capacité de progression est un point d’interrogation. Ce qui n’empêche pas que ce qu’il réalise pour sa saison rookie est remarquable.
3. La décision devient plus corsée pour le deuxième poste de titulaire dans le backcourt. Comment départager Donovan Mitchell et Jamal Murray, les deux meilleurs marqueurs avec Simmons et Embiid? Mitchell et Murray sont dans des situations assez similaires, dans des équipes correctes (Denver) ou moyennes (Utah), où ils cohabitent avec des playmakers au profil original: un meneur incapable de shooter (Rubio) et un pivot passeur autour duquel gravite toute l’équipe (Jokic). Mettons leurs stats avancées côte à côte, pour résoudre le dilemme:
FG% | 3P% | Pts/possession | Usage | Turnover % | Pourcentage de shoots assistés | |
Murray | 45 | 37.4 | 1.17 | 23.4 | 13 | 51 |
Mitchell | 44.3 | 34.5 | 1.09 | 29 | 12.9 | 36 |
Voilà des chiffres remarquablement proches. Murray a la réputation d’être un meilleur pur shooteur, ce qu’il est sans doute, mais la différence de pourcentage à 3-pts n’est pas colossale, d’autant que Mitchell en prend plus par match. Tous deux ont le même pourcentage de balles perdues, qui est d’ailleurs assez bon pour des rookies (en comparaison, Simmons est à 17.7 %) et un pourcentage d’assists également comparable. Tous deux sont également des défenseurs corrects, sans être encore très décisifs. Une différence apparaît clairement, néanmoins: avec un Usage de 29 %, Mitchell a plus de responsabilités offensives que Murray, comme le montre l’écart dans le pourcentage de tirs provenant de passes décisives: pour le dire autrement, Mitchell doit plus souvent se créer son tir que Murray, qui est dans la situation plus confortable d’un arrière attendant le catch-and-shoot. Que Mitchell parvienne à être aussi efficace offensivement malgré ces responsabilités est assez remarquable pour un rookie, d’autant que son équipe, sans être bonne, parvient à conserver un bilan à peu près honorable. Cette responsabilité supplémentaire offre le poste de titulaire à Mitchell, d’une courte tête.
4. Jayson Tatum est quasiment un lock dans le 5 titulaire. Malgré un passage un peu plus difficile en janvier, Tatum a révolutionné son jeu, comme nous l’expliquions récemment, est dans le top 5 des joueurs les plus adroits de loin (43.8 %) et apporte chaque soir 31 minutes solides à la meilleure équipe de l’Est. Le bilan est franchement impressionnant.
5. La cinquième place de titulaire se joue entre Kyle Kuzma, Lauri Markkanen et Dario Saric, soit deux rookies et un sophomore. Les trois joueurs ont de stats offensives surprenamment proches: chacun d’eux prend entre 11 et 13 tirs par match, shoote entre 43 et 45 % et autour des 36-37 % à 3-pts, le tout avec un Usage entre 19 et 21. Leur temps de jeu est aussi presque exactement le même (un peu plus de 30 minutes par match).
Honnêtement, choisir n’importe lequel des trois peut se défendre. Mais Dario Saric joue dans une équipe compétitive, qui se bat pour la victoire chaque soir, alors que Kuzma et Markkanen peuvent jouer sans pression, dans des équipes qui ont mis l’accent sur le développement de leurs jeunes. Kuzma est sans doute le joueur le plus créatif des trois (67 % de tirs assistés, contre 78 aux deux autres), mais il est aussi d’assez loin le pire défenseur: avec lui sur le terrain, le Defensive Rating des Lakers chute de 4.9 pts, ce qui n’est pas rien pour une équipe en général assez mauvaise dans ce domaine. Markkanen manque de verticalité mais compense par une belle mobilité, tandis que Saric se bat comme un fou sur tous les ballons, avec une énergie qui peut être contagieuse pour ses coéquipiers. Markkanen est légèrement meilleur que lui au rebond, mais est aussi bien plus grand. Saric, enfin, est le meilleur passeur des trois, capable d’assurer la mène par séquences. Dans l’ensemble, le Croate est sans doute le joueur le plus abouti à l’heure actuelle, même si son potentiel est sans doute moins important.
6. Murray, Markkanen et Kuzma sont donc trois des remplaçants de notre équipe. Ce qui laisse une place dans le backcourt, une dans le frontcourt et deux joueurs « bonus ». Pour la première, Jaylen Brown est une évidence. Comme Tatum, Brown est amené à jouer plus de 30 minutes par soir dans la meilleure équipe de sa conférence, sans avoir de gros trous d’air. Son temps de jeu a quasiment doublé depuis l’an dernier, sans que son Usage ne bouge, ce qui ne l’empêche pas d’être un joueur plus efficace offensivement grâce à un meilleur tir extérieur (+ 3 pts par rapport à l’an dernier) et une baisse de ses tentatives à mi-distance. Mais c’est surtout par sa défense que Brown emporte le morceau: le sophomore est chargé de protéger Tatum en prenant en charge l’ailier le plus costaud de l’adversaire, ce qu’il fait à merveille. Son pourcentage de réussite près du cercle (59 %) et aux lancers-francs (59.1 %) reste un souci, mais Brown est d’ores et déjà un très solide titulaire.
7. A qui doit revenir la dernière place dans le frontcourt? Les stats bruts de Brandon Ingram sont sans doute les plus impressionantes (15.6 pts, 5.4 rbds, 3.5 pds), mais elles cachent la relative inefficacité du 2e choix de la draft 2016. Ingram joue beaucoup avec les Lakers et est amené à faire beaucoup de choses en attaque oour son poste (son Usage de 22.7 est quasiment équivalent à celui de Jamal Murray, par exemple), mais ne le fait pas avec une réussite éclatante. Il ne marque que 1.03 pts par possession, un chiffre moyen, dû pour beaucoup à une adresse à 3-pts peu excitante (33.6 %) qui le pousse d’ailleurs à peu tenter sa chance de loin. Aux lancers, c’est tout aussi médiocre (67.2 %), et sa frêle musculature l’empêche d’être un rebondeur très impressionnant. Surtout, Ingram manque de variété dans son jeu offensif, ce qui rend l’adaptation plus facile pour les défenses: sa zone de prédilection est la tête de raquette, où il prend une bonne partie de ses tirs, comme s’il avait absolument besoin d’être face au panier pour tirer.
Tout cela n’est pas une remise en question du talent d’Ingram, qui devrait devenir un très bon joueur. A l’heure actuelle, c’est un jeune joueur peu efficace, à qui son coach donne une certaine liberté pour mieux comprendre ce qu’il a sous la main.
8. Tout cela nous pousse à choisir Domantas Sabonis pour cette dernière place dans le frontcourt. Billy Donovan avait tenté l’an dernier de transformer Sabonis en un stretch 4, chargé d’écarter les défenses pour les pénétrations de Russell Westbrook. Sans réussite. Changement de scénario cette année aux Pacers: Sabonis, qui avait passé 94 % de son temps au poste 4 l’an dernier, est désormais aligné principalement comme pivot par Nate McMillan (84 % de son temps de jeu), en sortie de banc au relais de Turner ou en titulaire lorsque ce dernier est blessé. Le changement est spectaculaire dans la répartition de ses tirs, comme le montre le tableau ci-dessous:
Près du cercle | Mi-distance | 3-pts | |
2016-17 | 35 % | 33 % | 32 % |
2017-18 | 58 % | 38 % | 5 % |
Sabonis ne prend presque plus de 3-pts, qu’il a remplacés par des tirs près du cercle, où il fait parler son toucher de balle et son jeu de jambes. Avec 1.17 pts marqués par possession, contre 0.97 pts l’an dernier, il a fait bondir son efficacité, tout en faisant parler son sens du rebond (19.1 de Rebound Percentage) et son jeu de passes. Sabonis est sans doute aujourd’hui l’un des intérieurs les plus productifs en sortie de banc, et un candidat légitime pour recevoir des voix dans la course au 6e homme. Une place de remplaçant lui revient.
9. Les deux dernières places se jouent entre Brandon Ingram, Kris Dunn, Malcolm Brogdon, Dennis Smith et Taurean Prince. (Hield, Bogdanovic, Collins Fox et Ball sont juste derrière; Ball aurait été dans la conversation sans ses blessures). Il n’y a pas de bonne réponse, ici. Kris Dunn est un très bon défenseur qui s’est vu confier aux Bulls les responsabilités que Minnesota ne pouvait pas lui donner, mais les chiffres bruts sont, comme pour beaucoup de jeunes joueurs, un peu trompeurs: Dunn perd beaucoup de ballons, ne marque que 0.96 pts par possession et n’a pas une influence considérable sur les résultats des Bulls. La même chose peut se dire à propos de Dennis Smith Jr qui est, lui, un atroce défenseur et arrose à tout va (seulement 39.7 %). Smith a près de trois ans et demi de moins que Dunn, ce qui laisse penser qu’il va devenir un meilleur joueur: après trois mois de compétition en 2017-2018, Dunn est sans doute encore devant.
Brogdon et Prince, en comparaison, développent un jeu de role player, qui est à la fois plus utile directement et plus « facile » en termes de responsabilités. Prince est un bon shooteur, peu efficace près du cercle et solide en défense. Brogdon s’est parfaitement adapté à l’arrivée d’Eric Bledsoe en reprenant son rôle en sortie de banc; s’il shoote un peu moins bien à 3-pts que l’an dernier, il s’est amélioré près du cercle et continue à jouer avec l’assurance d’un vétéran.
Le choix n’est pas simple, et ne préjuge pas de la carrière future de chacun des joueurs cités. Les matchs manqués par Kris Dunn nous amènent à choisir Malcolm Brogdon, pour son apport constant et efficace, et Brandon Ingram qui, malgré tous ses défauts, reste plus avancé que Smith et plus talentueux que Prince.
Petite surprise: notre équipe a 5 rookies et 7 sophomores, alors que la draft 2017 est infiniment moins brillante que celle de 2016. C’est que les sophomores, à talent égal ou un peu inférieur, sont en général plus avancés dans leur découverte du jeu NBA que les rookies, ce qu’on est obligé de prendre en compte au moment de choisir une telle équipe. Il est clair que Smith, Fox ou Ball ont de grandes chances de faire une carrière plus impressionnant que Malcolm Brogdon, par exemple. A l’heure actuelle, ils sont encore derrière lui.
Maintenant, à vous de voter!
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Si vous voulez en lire plus sur les rookies 2017, voici les sept premiers épisodes du cahier des rookies:
- sur Lauri Markkanen
- sur Lonzo Ball, Dennis Smith Jr, De’Aaron Fox et Frank Ntilikina
- sur Ben Simmons
- 20 stats avancées remarquables sur 20 rookies de la promotion
- sur Jayson Tatum
- sur les rookies qui ont le plus d’influence sur leur équipe
- sur les perdants de la draft 2017