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[Interview 1/2] Jaylen Hoard : « Parce que j’étais Français, certains joueurs voulaient ma peau ici »

Après avoir décidé de rejoindre il y a deux ans Wesleyan Christian, une High School US, plutôt que de rester en France, le prospect prometteur de 2m03 et 82 kg a déjà réussi un premier objectif. Il revient sur ce parcours avec nous, et dévoile les prochaines étapes qu’il s’est fixé.

Jaylen, être ici au Jordan Brand Classic, ça doit te rappeler quelques souvenirs…

Oui, quelques souvenirs reviennent. C’était une bonne expérience la dernière fois, j’avais été élu MVP (avec les internationaux, en 2015). Là, je suis avec les Américains et c’était mon rêve, vraiment l’étape que je voulais franchir. Et du coup ça fait toujours plaisir ! C’était mon objectif après avoir été MVP des internationaux. Mon but, c’était d’être sélectionné avec les meilleurs Américains. Ce sont les meilleurs joueurs au monde, du coup je voulais prouver que j’étais aussi fort qu’eux. Et je suis arrivé au même niveau.

Comment s’est passé l’arrivée hier (vendredi) ?

Ça s’est bien passé, hier on est arrivé, on a eu plein de dotations, des choses comme ça. Du coup ça c’est bien, c’est toujours bien ça, de récupérer de l’équipement Jordan [grand sourire] ! Après, on a eu une conférence de presse avec Jabari Parker [le MVP 2013 était en ville avec les Bucks], il nous a donné des petits conseils, des choses comme ça. Et puis on a surtout fait de la relaxation. Là aujourd’hui, on a fait l’entraînement, ensuite ça va être à peu près la même chose et demain le match.

Comment as-tu senti ce premier entrainement justement (très suivi par les scouts, plus que le match) ?

Ça va. Quand je joue poste 3, c’est mon poste naturel, du coup je joue mieux. Mais bon, j’ai aussi à jouer poste 4 à Wesleyan, du coup ça va. Sur mon deuxième passage j’ai pu faire un peu plus ce que je voulais, marquer des paniers, tout ça. Puis c’est une bonne expérience. Ce sont les meilleurs joueurs du pays, ça va m’aider pour la suite.

« Si tu es faible mentalement, tu ne vas jamais y arriver aux Etats-Unis »

Que retiens-tu justement de ton choix de venir ici plutôt que rester en France ?

C’est compliqué. Il faut vraiment être fort mentalement. Il faut vraiment savoir ce que l’on veut, car ici ce n’est pas facile d’y arriver. Les joueurs sont beaucoup plus forts, c’est une autre mentalité. Si tu es faible mentalement, tu ne vas jamais y arriver aux Etats-Unis. Mais c’est ce que je voulais faire justement.

C’est le côté chacun pour sa gueule ?

Oui, c’est ça. Les Américains, c’est pour soi. Ils veulent tous aller en NBA, par n’importe quel moyen. Du coup c’est compliqué. Ce n’est pas comme en Europe, où c’est le collectif. Tout le monde a à peu près le même nombre de tirs. Aux Etats-Unis ce n’est pas ça. Il faut vraiment saisir sa chance, et aller la prendre, soi même, surtout.

Qu’as-tu appris de cela du coup ?

J’ai appris que j’étais fort mentalement, justement. Il y a plein de moments où j’aurai pu craquer. Mais j’ai continué à pousser et j’en suis arrivé à ce stade-là maintenant. Au niveau du basket, je joue beaucoup plus physique qu’avant aussi. Avant, on me tapait un peu le bras, je n’arrivais plus à marquer. Ici, il faut apprendre à gérer le contact, c’est beaucoup plus physique. Les joueurs sont plus grands, plus costauds.

Tu as plus bossé la musculation ici ?

Pas forcément. C’est un autre côté que les gens ne savent pas. A l’INSEP, c’est encadré, c’est structuré. En high school, c’est vraiment comme si tu étais dans un lycée normal en France. Du coup c’est vraiment à toi de travailler. Si tu ne travailles pas par toi-même, tu vas même régresser ici. Du coup, moi j’ai vraiment bossé tout seul, des choses comme ça, et ça m’a aidé. Enfin, la high school m’a vraiment fait bosser en pré-saison, mais après pendant la saison tu joues tellement de matchs que tu n’as pas le temps.

Quel était ton programme ?

J’ai fait de la « muscu » tous les jours, puis des entrainements. Beaucoup de gainage… Je sens que je me déplace mieux sur le terrain du coup. Là j’étais fatigué, parce que ça fait à peu près un mois et demi que ma saison est terminée. Alors j’étais un peu essoufflé au début, mais après ça allait mieux.

« Je ne voulais pas prendre le chemin le plus facile »

La question se pose aussi parce qu’après tout, on est le pays qui forme le plus de joueurs qui s’exportent en NBA derrière, avec le Canada, donc pourquoi ne pas rester en France ?

C’est une autre expérience, c’est complètement différent de l’Europe. Ce n’est pas que l’un est mieux ou autre, c’est juste que c’est différent. Puis mon père [Antwon, qui a joué en France] a grandi ici, du coup il me parlait tout le temps de l’expérience américaine, et c’était quelque chose que je voulais vivre par moi-même. Ça m’a plu. Je me projetais depuis que j’étais petit. Et je voulais vraiment aller à l’université américaine, or ici tu peux jouer devant des coaches NCAA tous les jours. Ça te donne beaucoup plus d’opportunités.

Mais tu comprends un peu qu’en France certains ne voient pas la logique ?

Je comprends, mais il y a des gens qui n’ont pas vraiment compris. On dit souvent que de rester en Europe, dans son propre pays, c’est plus facile pour ensuite arriver en NBA. Mais moi ce n’était pas mon objectif. Moi ce que je voulais, c’était vraiment jouer contre les meilleurs, pas forcément prendre le chemin le plus facile. Je voulais vraiment progresser, et du coup j’ai pris une route un peu plus difficile, que d’autres n’auraient pas forcément prise. J’aurais pu progresser en Europe, mais pas de la même façon. Il y a aussi le fait de pouvoir s’adapter à une autre culture.

Mais en Europe tu aurais joué contre des adultes, donc qu’est-ce qui rend ces ados US plus forts ?

Honnêtement, c’est vraiment dans la mentalité. Et même physiquement. Ils ne sont pas forcément plus forts techniquement, mais c’est une autre force.

« Je voulais aller à Wake Forest depuis longtemps »

Ta décision d’aller à Wake Forest a-t-elle été motivée par la présence d’Olivier Sarr ?

Non, moi je penchais plus vers Wake Forest avant même qu’Olivier ne prenne sa décision. C’est à 30 minutes de là où j’habite actuellement. Mes coaches de Wake Forest ont pu me voir régulièrement, aux entrainements, en matchs… Du coup notre relation était plus proche qu’avec les autres écoles. Puis que ce soit dans mes hauts ou dans mes bas, que je joue bien ou pas, ils me voulaient toujours autant. Du coup j’ai vraiment eu confiance en eux. Et quand je suis allé sur le campus avec mon père, ils m’ont montré le projet qu’ils avaient pour moi, pour m’aider à progresser.

Quel est ce projet justement ?

Déjà, ils sont en reconstruction, car ils n’ont pas bien joué l’an dernier. Là, les quatre joueurs qui vont arriver l’année prochaine [bien classés au niveau national], on va essayer de faire en sorte que Wake Forest remonte en puissance. Danny Manning [le coach, qui a joué 15 saison en NBA] ne nous a pas forcément dit des promesses, mais que si on jouait bien, à fond dès le début, il pourra nous aider et on aidera le programme.

Ton coach en lycée t’a fait jouer 5 assez souvent, comment l’as-tu pris ? On imagine que ce n’est pas ce que tu vises, surtout si tu vises la NBA…

Honnêtement, c’est compliqué, je ne vais pas vous mentir. C’était assez frustrant. Je n’ai pas compris pourquoi mon coach a fait ça. Puis je me suis dit que ça pourrait m’aider, que tout arrive pour une raison. Donc j’ai pu prendre cette opportunité de progresser dos au panier. Parce que même s’il y a un « mismatch » plus tard par exemple, bah du coup je pourrais m’en servir. Mais je vise le poste 3 pour plus tard, et je vise la NBA oui.

Et Danny Manning t’a dit quoi alors pour Wake Forest ?

Il me voit en 2, 3, 4, mais surtout au poste ou j’apporterai le plus.

Tu le connaissais un peu ?

Oui, c’est une légende là où j’habite, en Caroline du Nord. La culture basket est énorme là-bas. Il y a beaucoup de joueurs qui en sont sortis. Au niveau des jeunes, il y a beaucoup des meilleurs joueurs du pays qui y sont. Et je m’en suis rendu compte dès que je suis arrivé en fait.

« Parce que j’étais Français, certains joueurs voulaient ma peau ici »

Qu’est-ce qui t’a le plus marqué justement sur l’engouement pour le basket dans ce bastion ?

Déjà, mon premier match. C’était choquant. On est sortis pour l’échauffement, et toute mon école était là, c’était plein à craquer, tout le monde était en rouge… Il y avait même le drapeau français ! Ils en avaient dans les tribunes… Ils criaient mon nom, tout ça. C’était vraiment une expérience différente.

Le fait d’être Français, tu crois que ça t’a ciblé un peu ?

Ouais, ça m’a différencié des autres. Positivement, et négativement aussi. Les autres joueurs voulaient vraiment ma peau sur le terrain, des choses comme ça. Ils voulaient prouver que je n’avais pas ma place ici. Mais ce n’est jamais arrivé…

Tu as pu plus facilement discuter avec des Français de NBA aussi ?

Oui. Nicolas Batum ma première année. Cette année j’ai beaucoup parlé à Frank (Ntilikina). On se connaît depuis longtemps, normalement il devrait venir au match demain [dimanche]. On parle un peu de tout, ça dépend du jour. Ça peut être basket, ou d’autres choses. Il me donne beaucoup de conseils. Déjà, la première fois que j’étais allé au Jordan Brand, il m’avait donné beaucoup de conseils. Et après, même pour l’équipe de France aussi. On a continué à communiquer après. C’est un petit peu un rôle de grand-frère qu’il a, en quelque sorte.

« J’entends des gens en France dire que ça ne défend pas en NBA, mais il faut voir un match en vrai ! »

Plus facile pour regarder les matchs NBA aussi…

Oui ! Je n’ai pas besoin de me coucher à trois heures du matin ou autre. Ici, quand je rentre de cours, je peux regarder un match pendant que je fais mes devoirs…

Tu en as vu sur place aussi ?

Vu que Charlotte est à une heure de chez moi, j’ai pu aller voir quelques matchs. Ça m’a aidé à les voir en vrai. Parce que les voir à la télé, c’est différent que de les voir en vrai. Les joueurs sont vraiment grands, costauds, et ça joue vraiment vite en NBA ! On ne se rend pas forcément compte quand on regarde à la télé. J’entends souvent des gens dire : « ouais, ça joue pas dur, ça défend pas… », des choses comme ça. Mais quand tu les vois en vrai, c’est vraiment compliqué ce qu’ils font ! Ils sont vraiment forts… Ils sont tellement forts offensivement, qu’on dirait que ça ne défend pas des fois, mais en fait c’est juste qu’ils sont tellement forts que… voilà quoi !

[Deuxième partie après le match ce dimanche !]

Propos recueillis par Antoine Bancharel, à New York

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