Draft NFL vs Draft NBA : existe-t-il en NBA une dinguerie comme celle autour du quarterback ?
Il y a quelques jours a eu lieu la draft NFL. La course pour être choisi en première position par les éternellement maudits Browns de Cleveland était serrée et rugueuse jusqu’à la dernière minute. C’est finalement le meilleur footballeur de la saison NCAA -archétype du joueur qui avait un paquet de choses contre lui et qui brûle de prouver au monde entier qu’il mérite d’être sur le trône (et pas un autre)- qui l’a emporté. Ensuite, la planète du ballon ovale à lacets s’est fendue en deux univers luttant à feu et à sang l’un contre l’autre sur le bien fondé de cette sélection.
Fondamentalement, la draft NFL n’est pas différente de la draft NBA. Ici aussi des franchises se frottent les mains en pensant au haut choix que leur a valu leurs mauvaises performances et caressent l’espoir de piocher la star qui les sortira du fossé, avant d’ensuite se tortiller dans tous les sens pour savoir derrière lequel de ces joueurs à peine adulte cette star se cache. Les prospects sont scrutés jusqu’à la moelle et soumis à toute une batterie de tests à la pertinence parfois suspecte. De temps à autre, la cote de certains tombent parce qu’un professeur d’école primaire se rappelle qu’ils étaient dissipés en classe. Celle d’autres connaissent une brutale poussée parce qu’ils ont couru plus vite que tout le monde sur une piste d’athlétisme.
Même le cœur du système de draft est similaire, et les petites différences existantes relèvent principalement de leur adaptation aux caractéristiques de leurs sports respectifs (il y a deux tours de draft en NBA contre sept en NFL parce qu’un effectif NBA compte 12 joueurs dont 5 titulaires et qu’un effectif NFL en a besoin de 53 avec 11 titulaires pour les phases offensives et 11 titulaires pour les phases défensives) ou de la politique fixée (la NFL n’organise pas de loterie pour déterminer les meilleurs positions à la draft et c’est tout simplement l’équipe au plus mauvais bilan qui reçoit le premier choix).
Mais en NFL, une chose tord ce petit univers par son poids colossal et altère tout autour d’elle, le quarterback. Avec mon œil calibré pour la draft basketballistique et mon regard encore très neuf et naïf sur le foot américain, je me suis demandé s’il existait en NBA une dinguerie comme celle qui existe autour du quarterback.
Si vous lisiez les classements bruts des prospects NFL avant la draft, les meilleurs d’entre eux -indépendamment de tout poste et de tout besoin des franchises draftant dans les premières places- étaient Saquon Barkley, un running back ; Quenton Nelson, un guard ; ou Bradley Chubb, un pass rusher.
Pourtant, le candidat choisi à la première place fut un quarterback, Baker Mayfield. Et si ça n’avait pas été lui, pratiquement tout le monde s’accordait à dire que ça aurait été également et de toute façon un quarterback qui aurait été pris. Cette cuvée de draft comptait quatre, voire cinq quarterbacks de qualité et toutes les franchises insuffisamment satisfaites de leur titulaire à ce poste allait se jeter sur eux. De fait, quatre ont été draftés dans le top 10 (en 1, 3, 7 et 10) tandis que quelques prévisions envisageaient la possibilité que trois soient pris lors des trois premiers picks ou encore qu’on en retrouve quatre dans les 5 premières places.
Si on remonte aux précédentes drafts, on retrouvera cette même tendance, cela alors même que certains quarterbacks ne sont pas spécialement annoncés comme des prospects nucléaires, à l’image de Mitchell Trubisky ou de Patrick Mahomes sélectionnés en 2ème et 10ème position l’an dernier. S’il existe un prospect nucléaire au poste de quarterback, vous pouvez être sûr qu’il sera pris en premier.
Les quarterbacks, ces passeurs qui ont la charge de faire avaler des yards au ballon via une passe à un receveur action après action, sont recherchés et prisés à ce point. Il y a ce poste et loin en dessous, le reste du monde.
D’ailleurs, la draft montre aussi par une autre voie et de façon éclatante ce que les franchises NFL sont prêtes à faire pour décrocher la chance (seulement la chance) de recruter un bon passeur. En effet, les Jets de New York n’ont pas hésité à abandonner leur 6ème pick, deux picks du second tour (37e et 49e) et un pick du second tour 2019 pour monter de trois places et obtenir la troisième position de la draft. Tout ça afin de s’assurer d’avoir au moins un des trois meilleurs quarterbacks de la cuvée. Ne vous laissez pas flouer par les énoncés de la contrepartie qui pour un œil NBA ne semble pas si élevée que ça. Ce package constitue en réalité un véritable trésor de guerre.
En NBA, les seconds tours ne sont pas inintéressants mais ils sont des centimes quand les premiers tours sont des euros. En NFL, les seconds tours de draft ont une toute autre valeur. Le volume des effectifs des équipes NFL comparés à la NBA distord complètement la perception de la valeur des picks par rapport à nos référents basketballistiques. Il y a au moins quatre fois plus de postes à pourvoir, et donc de prospects, ce qui modifie complètement l’échelle. Il est ainsi considéré que les trois premiers tours sont des tours dans lesquels une équipe doit pouvoir espérer récupérer de véritables titulaires. A l’instar d’un NBAer drafté au premier tour qui n’aura pas réussi à s’imposer dans la rotation de son équipe, un joueur NFL pris dans les trois premiers tours qui n’aurait pu devenir titulaire sera la plupart du temps considéré comme un échec.
Si je devais établir une sorte de Pierre de Rosette du haut de ma connaissance balbutiante de la ligue de foot américain, un premier tour de draft NFL correspondrait à un lottery pick NBA, les deuxième et troisième tours NFL s’apparenteraient au reste du premier tour hors loterie de la NBA, et enfin les quatre derniers tours NFL constitueraient le second tour NBA. Ainsi, pour gagner trois places à la draft, les Jets se sont amputés de leur 6e pick (la « traduction » NBA ne me semble pas différente pour les très haut choix) et de ce qu’on pourrait appeler un 15e pick NBA, un 18e pick NBA et un futur pick NBA projeté entre la 15e et la 20e place.
Les Bills de Buffalo se sont aussi de leur côté amputés de leur 12e (équivalent grosso modo au 8e pick NBA, dirait-on), 53e (19e pick NBA) et 56e picks (20e pick NBA) pour grimper jusqu’à la 7ème position de la draft et pouvoir sélectionner le pourtant très critiqué Josh Allen. Et ce petit manège est très fréquent lorsqu’il s’agit de quarterbacks. Cette année, les Cardinals d’Arizona et les Ravens de Baltimore on fait la même chose tandis que l’année précédente a vu les Bears de Chicago, les Chiefs de Kansas et les Texans de Houston se livrer à ce type de manigances.
Toutes ces dépenses alors même que comme en NBA, la réussite de jeunes joueurs draftés est très loin d’être certaine, particulièrement lorsqu’il est question de quarterback. La soif d’avoir un bon passeur est telle que les franchises qui n’en ont pas un de suffisamment satisfaisant sont prêtes à prendre ce genre de risques et à faire de sérieux sacrifices.
En NBA, il fut un temps où on pouvait peut-être constater une telle survalorisation d’un poste, dans une moindre mesure toutefois.
Les années 90 ont été marquées par l’ère des pivots dominants avec une foule de superstars franchise players à ce poste comme Hakeem Olajuwon, David Robinson, Patrick Ewing, Alonzo Mourning et Shaquille O’Neal. Il en était ressorti l’idée, à l’époque fermement ancrée (et peut-être pré-existante en réalité), que détenir un pivot de très haut calibre était la clé pour jouer le titre. Ou en tout cas, qu’il s’agissait de la voie royale pour construire une excellente équipe. Les Bulls de Michael Jordan avaient fait leurs cette décennie sans avoir de pivot dominant mais Jordan était, selon ces voix ambiantes (et pas forcément à tort), un talent tellement unique qu’il transcendait cette notion selon laquelle il était nécessaire de maximiser le talent sur le poste le plus important du jeu.
J’étais jeune à cette époque mais je me souviens qu’il y avait en permanence cette pensée qu’il fallait au moins un fort pivot pour pouvoir espérer être compétitif dans la ligue. Avoir un trou béant à ce poste était un frein pratiquement insurmontable. Pouvoir, au contraire, y ficher une superstar était le plus grand des pas vers le succès.
Je ne saurais dire si cette vision des choses était fondée ou non. Après tout, on pensait à cette époque que le jeu poste bas était très efficace avant que les analyses statistiques un peu plus poussées démontrent que ce n’était pas réellement le cas. De la même manière, les Suns, les SuperSonics et le Jazz étaient arrivés en finale face aux Bulls avec des joueurs plutôt contestables en pivot. Mais c’était le paradigme du moment.
Trouver un excellent pivot à tout prix, ce raisonnement est le même que pour les quarterbacks en NFL, bien qu’avec une moins grande emphase.
On a ainsi pu voir un paquet de pivots draftés dans le top 15 sur l’espoir d’en trouver un qui serait au moins un peu bon, et quand bien même ces prospects affichaient de sérieuses interrogations ou du moins paraissaient nettement moins talentueux que d’autres joueurs occupant des postes différents.
En 1993, les 2,29 m de Shawn Bradley ont été draftés en seconde position malgré une seule année à l’université et les deux dernières loin du basket, tandis qu’Anfernee Hardaway ou encore Jamal Mashburn étaient encore disponibles. En 1994, Eric Montross rentre dans le top 10 de la draft et échouera lamentablement au niveau supérieur. On peut encore évoquer Cherokee Parks (1995), Lorenzen Wright, Erick Dampier, Todd Fuller (1996), Tony Battie (1997), Raef LaFrentz (1998, sélectionné devant les stars universitaires au talent à crever les yeux qu’étaient Antawn Jamison, Vince Carter et Paul Pierce), Chris Mihm ou encore Joel Pryzbilla (2000) les années suivantes.
J’apprécie particulièrement les exemples de Michael Olowokandi (sélectionné en première position de la draft 1998) et Adonal Foyle (huitième en 1997), très grands gabarits qui sortaient des stats ronflantes dans une petite fac et face à une opposition assez faible. Celui d’Aleksandar Radojevic (drafté en 12ème position en 1999 alors qu’il n’avait joué qu’en community college et sans forcément tout casser à ce assez bas niveau). La draft 2001 a également son mot à dire sur la question avec quatre pivots pris dans le top 4 dont trois lycéens (Kwame Brown, Tyson Chandler et Eddy Curry) et un européen jouant au FC Barcelone (Pau Gasol). Le premier choix de draft était Kwame Brown. Evidemment. On pourra également ajouter un autre pivot lycéen, DeSagana Diop, retenu en huitième position.
Ces exemples sont divers et variés, et tous ne sont pas forcément le fruit de franchises désespérées de trouver ce « franchise changer » ou de remplir ce trou au poste de pivot pour bien appliquer le manuel de la parfaite construction d’équipe. Mais c’est le cas pour beaucoup, comme le laisse penser le taux d’échec très important (la difficulté du poste a son rôle à jouer là-dedans mais c’est bien pour, entre autre, cela que ce poste était vu comme si important et que le combler était si ardu), les paris grossiers comme Olowokandi, Foyle et Radojevic, ou la simple différence entre les évaluations des scouts et la hauteur de leur sélection. Dans le lot, il y a aussi les franchises qui se sont dits qu’à niveau de talent plus ou moins égal, il est plus rentable de recruter un pivot car ce poste est plus important.
La question du pivot a connu de nombreuses évolutions depuis et cette obsession concernant ce poste a diminué. Celui-ci reste très important et peut-être plus que les postes d’ailier ou d’arrière shooteur à niveau de jeu égal (notamment à cause de l’aspect défensif). D’ailleurs, il me semble que le poste a été un des éléments majeurs dans le choix de Portland de sélectionner le pivot Greg Oden (pourris par la suite par les blessures) en n°1 plutôt que l’ailier Kevin Durant. Mais c’était toutefois alors lors d’une opposition de prospects à valeur égale.
Le fait d’être un pivot n’est plus aussi prépondérant dans le recrutement d’un joueur qu’à cette époque et, hormis la question du besoin d’une équipe, il sera rare de trouver pertinent la draft d’un pivot devant un prospect d’un autre poste au talent largement supérieur. Nous sommes loin de ce qu’il se passe en NFL concernant les quarterbacks.
Cela dit, je ne serai pas étonné de voir un retour de ce type de raisonnement à l’avenir avec les pivots 3&D dits « licornes ». Ce type d’intérieurs débloque un formidable paquet de possibilités collectives en attaque et en défense simultanément et sans avoir à faire de compromis ennuyeux ailleurs. Il règle pour bonne partie deux objectifs majeurs du basket qui sont la plupart du temps impossible à remplir en même temps : la protection de l’accès au cercle en défense et la création d’un spacing maximum en attaque.
Ces licornes peuvent avoir cet effet aux conséquences collectives positives multiples même si elles ont « seulement bonnes » sans être excellente dans leur registre. On peut d’ailleurs se demander si le candidat de Duke à la draft 2018, Wendell Carter, aurait été attendu dans le top 10 il y a 6 ou 7 ans. Pareil pour Dragan Bender, sélectionné en quatrième position en 2016.
Cette éventuelle tendance restera toutefois sans commune mesure avec celle du quarterbak en NFL. Le stress des franchises au sujet de ce poste est tellement fort que beaucoup d’entre elles ont préféré prendre la précaution de signer des passeurs de niveau titulaire (mais pas « elite ») à la free agency pour un montant assez important tout en prévoyant de drafter un jeune homologue plein d’avenir quelques semaines après (la free agency débutant avant la draft).
Les Browns de Cleveland, titulaires des premiers et quatrième choix, et donc assurés d’avoir le jeune quarterback de leur désir, on fait venir via un trade le très solide Tyrod Taylor. Les Cardinals ont signé le tout aussi solide (mais blessé toute l’année précédente) Sam Bradford pour un salaire de vingt millions de dollars par an (ce qui fait de lui le 17ème mieux payé à son poste mais à seulement huit millions du plus gros salaire annuel à cette position et dans toute la ligue) avant, comme vu précédemment, de lâcher des valises de picks pour pouvoir prendre un jeune QB. Les Bills ont fait pareil. Les Jets ont prolongé leur quarterback, signé un autre avec un vrai potentiel et pioché Sam Darnold avec le 3ème choix obtenu là aussi en sacrifiant plein de picks.
L’idée semble être d’avoir toujours une assurance en cas d’échec ou de blessure (encore un témoignage de l’importance du poste), ou plus souvent d’éviter de brûler les ailes du jeune passeur sélectionné en le laissant mûrir un an ou deux sur le banc. Cela aussi est une chose qui est hallucinante pour l’observateur NBA que je suis. Les joueurs draftés tout en haut du tableau sont supposés être de futures stars et donc être déjà suffisamment talentueux pour au moins assurer un poste de titulaire/un sérieux temps de jeu dès leur première année professionnelle, non ?
Vous imaginez, vous, sélectionner LeBron James, Kyrie Irving, Anthony Davis ou Karl-Anthony Towns en première position et ensuite les laisser un an sur le banc ? Perdre ainsi un an de leur carrière, un an de leur jeunesse et un an de leur petit contrat de rookie ? Evidemment que non. Ironiquement, les deux derniers premiers choix de la draft NBA, Ben Simmons et Markelle Fultz ont plus ou moins eu à connaître une telle année blanche. Mais de façon totalement involontaire, la faute à des blessures.
Dans le cas du quarterback, cette stratégie utilisé depuis longtemps, s’expliquerait par la complexité du poste (aussi certainement par le fait que ce rôle est si important et difficile à pourvoir que les franchises prennent un maximum de précaution pour que les prospects recrutés réussissent). Et effectivement, j’ai régulièrement lu que le poste de quarterback était le plus important et le plus dur, tout sport confondu. C’est certainement vrai.
Dans le football américain, on demande plus ou moins au quarterback d’être LeBron James ou Chris Paul (dans sa version omnipotente des Clippers et des Hornets), c’est à dire cette espèce de chef d’orchestre absolu qui constitue à lui seul le jeu de son équipe, et qui peut l’être parce qu’il combine une grande intelligence de jeu à une technique de haute couture pour réaliser de grandes actions à chaque possession.
Le truc, c’est que James et Paul ont ce rôle parce qu’ils en ont les qualités et que c’est ainsi que leurs forces sont le mieux exploités. Pour un quarterback, c’est l’inverse. Le rôle minimum du quarterback est d’être cet espèce de « Point God », d’ultra-meneur de jeu absolu. Donc c’est pour être un bon QB qu’il doit avoir cette combinaison ultime et fabuleusement rare d’extrême intelligence (dans quoi, pour simplifier, je mets tout ce qui est lecture/compréhension du jeu mais aussi anticipation, vitesse d’analyse, etc) et de technique d’un autre monde.
Il est ainsi demandé au quarterback d’être capable de faire en foot américain ce que James et Paul font sur un parquet. Ou autrement posé, les 32 franchises NFL doivent trouver l’équivalent d’un James ou d’un Paul, simplement pour que leur poste central soit rempli de façon réellement satisfaisante. Vous comprenez donc pourquoi ce poste est si difficile et pourquoi il est si compliqué de trouver un joueur qui ne vous donnerait pas envie de voir s’il n’y a pas mieux ailleurs.
Ce rôle demande une combinaison très particulière d’intelligence, de physique et de technique, chacun de ces éléments à très haut niveau. Combien y a-t-il de James ou Paul en NBA ? Il y a James Harden. C’est peut-être tout. Stephen Curry n’a pas la responsabilité quasi totale du jeu des Warriors (bien qu’il pourrait peut-être), Anthony Davis a un champ d’action offensif beaucoup plus restreint. Pas mal d’entre nous pensent qu’il n’est pas rentable de laisser autant le ballon à Russell Westbrook.
Donner l’exact rôle de LeBron James à Kawhi Leonard, Paul George, Kevin Durant ou Damian Lillard, ça ne marchera que moyennement. Et c’est normal, ces joueurs ont un autre registre et/ou sont moins forts. Mais en NBA, on peut utiliser autrement chaque joueur en mettant en valeur d’autres capacités et construire autour une équipe suffisamment forte pour gagner un titre, voire dominer la ligue.
Votre meilleur joueur est un meneur plus scoreur que playmaker, vous pouvez bricoler un jeu collectif offensif qui fait peser le playmaking sur l’ensemble de l’effectif, un peu comme le faisait Portland durant les premières années de Damian Lillard et encore maintenant. Vous avez un meneur playmaker mais limité au scoring, vous pouvez l’entourer de scoreurs.
En NFL, vous n’avez pas d’alternative, vous devez mettre quelqu’un sur le poste avec ce rôle LeBronien. Vous devez forcément avoir cet équivalent de super playmaker/scoreur pour que votre attaque roule. Quand une franchise a la chance d’avoir un LeBron James ou un Chris Paul, elle peut sereinement viser le titre pendant plusieurs années. On retrouve dans ce cercle-là des superstars comme Tom Brady, Aaron Rodgers ou encore Ben Roethlisberger. Mais quand ce n’est pas le cas (combien d’individus sur Terre possèdent ce profil surhumain?), les franchises NFL se retrouvent avec une attaque qui plafonne un peu trop bas, qui cahote.
Voilà pourquoi la quête d’un quarterbarck nourri toutes les discussions, stresse au maximum les dirigeants et se révèle décisive dans la réussite de la construction d’une équipe.
Ce qui est drôle au foot américain, c’est que la hiérarchisation des postes ne s’arrêtent pas à celui de quarterback, mais les autres postes importants (moins importants que celui de QB mais plus importants que les autres) sont directement liés à celui de quarterback. Que ce soit pour l’aider en le protégeant des assauts adverses qui tentent à tout prix de le plaquer avant qu’il ait fait une passe (le poste d’offensive tackle) ou en étant le réceptionnaire de ses passes (le poste de receveur). Que ce soit pour l’empêcher de faire son récital en le plaquant avant (les rôles de pass rushers) ou en collant de suffisamment près les receveurs pour empêcher la passe elle-même (le poste de cornerback).
Et on touche là à un des paradoxes de ce sport. Il y a une claire hiérarchie dans les postes mais parallèlement, chaque poste est complètement interdépendant des autres et ne peuvent pas être correctement exploités si autour, tout le monde n’est pas suffisamment doué. Cela qu’importe le talent de celui qui occupe le poste le plus important. Là où LeBron James sera toujours très productif avec n’importe quel coéquipier autour de lui (et accessoirement pourra aller en finale NBA), Tom Brady (qui est, je crois comprendre, le plus grand quarterback de tous les temps) ne le pourra pas.
Si Brady (allez, prenons Baker Mayfield, le n°1 de draft) n’a pas une suffisamment bonne ligne de protection devant lui (cinq joueurs dont les deux tackles susmentionnés qui sont sur les extrémités du mur de protection, soient les parties les vulnérables), il n’aura pas le temps de faire la passe. Si ses receveurs ne sont pas capables de se démarquer ou d’attraper dans le mouvement ses passes arrivant comme une balle de revolver, Mayfield n’aura pas pu faire avancer le jeu (et accessoirement aura une stat négative qui fera dire au public qu’il est mauvais), qu’importe que sa passe était parfaite.
Même les bons running backs sont nécessaires à un quarterback, quand bien même leur valeur est considérée comme limitée. La sélection en seconde position de la draft cette année de Saquon Barkley, un running back de très grand talent, peut-être le meilleur prospect à ce poste depuis quelques années, a été souvent critiqué parce qu’il n’est pas intéressant d’utiliser une si grande ressource -le 2nd pick- sur un running back.
Le running back est en quelque sorte l’alternative offensive au quarterback et à ses passes. Plutôt que de filer in fine la balle au passeur, on a l’a file à ce joueur qui, coinçant l’ovale dans son giron, va essayer de courir à travers la défense adverse aussi loin que possible (aidé en cela par la ligne offensive qui se chargera d’essayer de lui ménager des brèches dans la défense ennemie).
Sa valeur a baissé entre autres parce que, ai-je cru comprendre, la différence de production entre un excellent running back et un running back simplement bon, voire moyen n’était pas énorme (il y aussi le fait que c’est un poste vulnérable aux blessures). Il est donc considéré comme plus rentable de mettre ses plus grandes ressources sur un poste à fort impact (quarterback, pass rushers, etc) ou du moins là où la différence de talent engendre une plus forte production.
Cependant, le quarterback a besoin que sa formation dispose malgré tout d’un bon « run game » car sans une telle alternative un tant soit peu dangereuse, la défense adverse n’aura à se méfier que de la passe du quarterback et pourra concentrer dessus toutes ses ressources défensives (en terme de types de joueurs mis sur le terrain et de tactiques). Le quarterback aura donc face à lui une défense bien mieux configurée et préparée pour le contrer.
Lorsque le passeur est par contre secondé par un bon running back, la défense cette fois devra choisir de se concentrer soit sur la passe, soit sur le run. Ou bien s’éparpiller entre les deux en laissant des brèches par ci, par là.
Le foot américain, comme le basketball, tourne son attaque autour de l’idée que c’est en obligeant les défenses opposées à devoir faire face à des dilemmes cornéliens qu’on peut créer des failles en son sein et les exploiter pour avancer/scorer.
En NBA, les Rockets, par exemple, obligent les défenses à choisir entre se concentrer sur les attaques du cercle de James Harden ou sur les trois points, en sachant qu’elles ne pourront pas complètement boucher les deux zones -trop éloignées l’une de l’autre- simultanément. En foot américain, avoir cette même double menace opposée avec la combinaison pass/run à la place du drive/three’s de la NBA revêt donc une importance capitale et met le quarterback dans de meilleurs conditions via cette façon d’engendrer des erreurs ou des failles dans la défense adverse.
Le quarterback a donc beau être l’alpha et l’omega d’une équipe NFL, il ne peut pas faire grand-chose si toutes les autres pièces du puzzle offensif ne sont pas d’une qualité suffisante. Ainsi, trouver une perle rare comme quarterback n’est qu’une pierre de l’édifice. Une pierre plutôt grande mais une seule et unique pierre malgré tout.
Cela, dans une ligue aux ressources managériales limitées (salary cap, mécanisme de la draft), donne d’autant plus de poids aux sacrifices qu’ont fait les Jets and Co pour monter à la draft et décrocher un jeune quarterback talentueux. Cela fait aussi comprendre à quel point construire une équipe NFL compétitive est un casse-tête à s’en percer les neurones.
En basket, les joueurs de terrain n’ont pas autant cet effet de chaîne où l’absence, la faiblesse d’un maillon, peut tout faire dégringoler. Dans le cas de la NBA, vous pouvez décider de mettre une grosse partie de vos ressources (salaire, picks) sur un franchise player ou deux (sans que l’un d’eux soit forcément un Chris Paul) et parallèlement en utiliser sérieusement moins pour d’autres titulaires (des role players), sans pour autant forcément atrophier le potentiel de votre équipe.
Bref, j’ai l’impression que la draft NFL est le même jeu que la draft NBA mais en mode difficile. Qui se dévoue pour faire un Football Américain Manager ?
StillBallin (@StillBallinUnba)
Si vous voulez en savoir plus sur certains de ces pivots NBA draftés haut:
– On parlait de la draft de Shawn Bradley dans un épisode de l’Echo des Parquets consacré à l’histoire des 76ers.
– J’avais écris un article rétrospectif se retournant sur la shakespearienne Draft 1996, dans lequel Lorenzen Wright, Erick Dampier et Todd Fuller ont eu droit à leur paragraphe.
Je ne vois pas en quoi le statut du pivot a changé en manière de draft, c’est tout le contraire.
On a vu Sam Hinkie non seulement tanker mais sacrifier 3 top 10 picks d’affilée sur le poste : une décision pour le moins discutable dans le basket d’aujourd’hui. On voit régulièrement des prospects qui n’ont pas le potentiel pour être all star être pris très haut sur ce poste également (je pense Jonas Valanciunas, il y a d’autres noms cette saison).
Cette saison est très intéressante parce qu’on se retrouve avec 4 ou 5 gros noms aux profils plutôt classique sur un poste aujourd’hui moins crucial, ou sur lequel on fait de plus en plus jouer des joueurs polyvalents (les fameuses licornes).
C’est d’autant plus intéressant parce que (comme Brady en NFL?) bcp des pivots à succès n’ont pas été drafté haut: et pour cause, il est très dur d’évaluer ce poste avant la NBA, parce que les gabarits en NCAA sont juste tellement en-dessous que ces géants dominent sans vraiment que ça soit révélateur d’une quelconque efficacité à l’echelon du dessus. Et souvent ils peuvent masquer des lacunes, en particulier au niveau du QI basket, à l’image de Jahlil Okafor.
Désolé de répondre aussi tardivement. C'est vrai que les drafts des Sixers peuvent amener à penser cela mais j'en fais une lecture différente. Pour moi, ces joueurs n'ont pas été draftés "plus haut que leur talent" en raison de leur poste, ils ont été draftés plus ou moins à la place qui correspondait à leur talent, indépendamment de leur poste.
Il y avait un consensus autour de l'idée que Nerlens Noel était l'un des deux meilleurs prospects de sa (faible) classe de draft et quand il s'est retrouvé disponible, Philly a profité de l'aubaine. Pour la draft d'Embiid, les 76ers choisissaient en 3e position d'une draft pour laquelle trois gros prospects se dégageaient largement du lot. Ils ont simplement pris celui qu'il restait (sans compter qu'Embiid était certainement le meilleur prospect si on ne tenait pas compte des inquiétudes quant à sa blessure). Même s'ils avaient déjà Noel, Embiid était un bien meilleur prospect et ils n'ont pas voulu gaspiller un 3e pick pour un joueur qui était moins intéressant. L'année suivante, c'est un peu pareil. Un trio se dégageait aussi et Philly choisissait encore une fois en n°3. Ils ont pris celui qui restait (sachant qu'Okafor était annoncé n°1 pendant une bonne partie de l'année et qu'on a longtemps cru qu'il partirait en 2).
(suite) Les 76ers ont à chaque fois pris le meilleur prospect possible, indépendamment de leur poste et même de leurs besoins (parfois de façon extrême comme dans le cas d'Okafor). Parce que leur but ultime était de trouver une superstar, le meilleur joueur possible, et d'après réfléchir comment construire une équipe (j'ai écrit deux articles sur cette stratégie durant la draft d'Okafor: http://basket-infos.com/2015/07/25/sam-hinckie-et… et http://basket-infos.com/2015/09/06/sam-hinkie-et-….
A mon sens, Philadelphie a surtout eu la malchance d'avoir à chaque fois le meilleur prospect disponible être un pivot, et l'obstination de vouloir prendre le meilleur prospect disponible qu'importe les circonstances. Mais c'est ma lecture, ça peut se discuter.
Je ne suis pas d'accord sur le fait qu'on voit régulièrement des pivots draftés plus haut qu'ils ne sont bons en tant que prospects. Je ne peux pas vraiment dire que plusieurs exemples me viennent en tête. J'ai plutôt l'exemple inverse avec DeAndre Jordan et Hassan Whiteside qui dans cette hypothèse de la survalorisation du poste de pivot, auraient été draftés bien avant le second tour. Valanciunas a déçu depuis qu'il est en NBA mais il était un gros prospect qui a été drafté à la hauteur correspondante (je l'aurais d'ailleurs pris en n°4 à l'époque).
Pour les candidats à la draft de cette année, tu as raison c'est assez intéressant. Mais c'est justement parce qu'ils ont un très grand talent (ou un profil particulièrement intéressant en tant que licorne, comme dit dans l'article) qu'ils sont très hauts. Pas spécialement parce qu'ils sont des pivots, selon moi. On peut même dire que DeAndre Ayton est tellement talentueux qu'il est très haut presque malgré son poste, parce qu'il est en difficulté en défense et que c'est un gros problème pour un pivot.