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[Finances NBA, mode d’emploi] 7. La free agency. Part 3: les trades

Salary cap, free agent, luxury tax, … Lorsqu’arrive l’intersaison NBA, vous êtes complètement perdu dans l’infernal vocabulaire technique de la NBA? Vous aimeriez comprendre la stratégie financière de votre équipe préférée? Savoir pourquoi elle ne peut pas signer Chris Paul? Basket Infos vous offre, jusqu’au 1er juillet, date d’ouverture de l’intersaison, les moyens d’être un spécialiste de ce que l’on appelle le CBA (Collective Bargaining Agreement), bible de tous les General Managers, qui fixe les règles des transferts et des contrats.

Nous allons vous proposer un résumé de ces règles à travers une série d’articles, les plus complets possibles. Ces derniers se basent sur le CBA 2011, issu du lock-out. Eh oui, en plus d’être compliquées, les règles changent régulièrement, quand elles ne satisfont plus les joueurs et/ou les propriétaires!

Préparez-vous une aspirine, au cas où, et ne vous inquiétez pas si vous ne comprenez pas tout de suite: le monde de la finance NBA s’apprivoise peu à peu!

Après une première grande partie consacrée aux limitations financières (salary capcontratsexceptions au capluxury tax),  nous sommes désormais plongés dans la free agency: après avoir vu comment on devient free agent, ainsi que les relations salary cap/recrutement, place aux échanges

 

Avec la draft et la signature des free agents, la troisième façon de former un effectif est donc  les échanges. Jusque là, nous avons vu comment recruter des free agents, c’est-à-dire des joueurs n’étant plus sous contrat. Mais il est aussi possible de récupérér des joueurs encore sous contrats, par ces fameux échanges, trades en anglais. Contrairement au foot européen, par exemple, où recruter des joueurs sous contrat se fait en échange d’une certaine somme d’argent, les échanges NBA ressemblent plus au système économique du troc, ou de la cour de récréation: « je te donne un Love contre ton Parsons »; « ok, mais tu rajoutes un tour de draft, parce que là je me fais avoir »; « tu peux toujours courir »/ »c’est d’accord » (selon les situations). Ce qui rend les trades NBA amusants, c’est que tout peut s’échanger, ou presque. Les joueurs sont évidemment la principale monnaie d’échange: on peut échanger un joueur contre trois ou quatre autres par exemple, il n’y a pas de limitations de ce point de vue. Mais on peut aussi échanger, et c’est très souvent le cas, les choix de draft. Ces échanges sont en grande partie virtuels, et peuvent être un pari, car personne ne sait à quelle hauteur ces choix de drafts seront dans le futur. Il est également possible d’inclure de l’argent dans un échange, mais de manière très limitée (3,2 m$ cet été).

 

Les règles des trades

Comme l’existence de la célèbre trade machine d’ESPN, qui vérifie la faisabilité de chaque échange, le démontre, ces trades sont soumis à des règles précises. On retrouve en fait la même logique que pour la free agency: le fonctionnement des trades dépend de la situation salariale de l’équipe, mais après le trade. C’est-à-dire qu’on ne prend pas en compte la situation de départ, mais le résultat que donnerait l’échange salarialement. Par exemple, une équipe qui a une masse salariale de 54 m$ avant un échange, et de 59 m$ après un échange est considérée comme au-dessus du salary cap (63,2 m$, rappelons-le).

 

Les franchises sous le salary cap

Une équipe sous le salary cap peut faire les échanges qu’elle veut, sans restriction. Une seule condition, qu’on vient de mentionner: que l’équipe reste sous le salary cap après l’échange.

Dans tous les autres cas, il faut utiliser des exceptions.

 

Les franchises au-dessus du salary cap mais ne payant pas la luxury tax

Encore une fois, il s’agit d’équipes en-dessous de la luxury tax après que l’échange a été effectué. Pour ces équipes, un échange est possible dans une certaine limite, en utilisant la Traded Player Exception. Celle-ci permet de réaliser un échange, mais en limitant les contreparties possibles. Le but est d’empêcher une équipe déjà dépensière d’échanger un joueur à 4 m$ de contrat contre un autre à 20 m$. Pour éviter cela, le total de salaire « sortant » (c’est-à-dire dont l’équipe souhaite se séparer) ne peut être trop inférieur au total de salaire « entrant ». Cette limitation est définie par le tableau suivant, et dépend de l’importance de salaire sortant:

Salaire sortant

Salaire entrant maximum

De 0 à 9,8 m$

150 % du salaire sortant + 100 000 $

De 9,8 à 19,6 m$

Le salaire sortant plus 5 m$

Au-dessus de 19,6 m$

125 % du salaire sortant + 100 000 $

Si une équipe veut se séparer d’un joueur payé 5 m$, elle ne pourra donc pas récupérer plus que 7,6 m$ (5 000 000* 150% + 100 000). Si elle veut faire un gros trade et se débarrasser de 20 m$, elle ne pourra pas récupérer plus de 25,1 m$ (20 000 000* 125% + 100 000).

 

Les franchises payant la luxury tax

Pour elles, il n’y a qu’une seule possibilité, quel que soit le total de salaire sortant: elles peuvent récupérer au maximum 125 % du salaire sortant, plus 100 000 $, comme dans la dernière ligne du tableau ci-dessus.

 

Une chose intéressante à noter ici: ni les choix de draft, ni les salaires minimums ne comptent dans le mécanisme de la Traded Player Exception. Ainsi, pour reprendre l’exemple précédent, une équipe en-dessous de la luxury tax ne peut pas recevoir plus de 7,6 m$ contre un joueur payé 5 m$; mais elle peut recevoir en plus de ces 7,6 m$ un ou plusieurs joueurs au salaire minimum, et/ou des tours de draft.

Deux autres règles importants, pour les trades:

  • la TPE permet également des échanges dit « non-simultanés ». Cela concerne les équipes dont le salaire sortant est inférieur au salaire entrant. Par exemple, une équipe qui envoie un joueur à 8 m$ et reçoit un joueur à 5 m$ « perd » en quelque sorte 3 m$ dans sa masse salariale, qui n’est pas de l’espace pour recruter puisqu’elle est au-dessus du salary cap. Elle conserve donc ce qu’on appelle une trade exception de 3 m$ pendant un an, qui lui permet de recevoir 3 m$ de plus que les salaires reçus, en dehors des restrictions que l’on vient de voir. Imaginons que notre équipe veuille se débarrasser, six mois plus tard, d’un joueur ayant un contrat de 5 m$ de contrat. Elle ne paye pas la luxury tax, elle peut donc recevoir au maximum 7,6 m$. Avec la trade exception, ce montant monte à 7,6+3 = 10,6 m$.
  • Concernant les choix de draft, une équipe ne peut échanger un choix plus de 7 ans à l’avance: pas question, par exemple, d’échanger un joueur contre son choix de draft 2025. Par ailleurs, les équipes protègent souvent leurs choix de draft, pour éviter les mauvaises surprises. Imaginons qu’une équipe ait besoin de renoncer à un choix de draft 2015 pour conclure un échange; rien ne dit que ce choix ne sera pas très haut placé. L’équipe peut alors décider, dans l’échange, de transférer son choix avec des conditions: il ira à l’équipe receveuse s’il n’est pas dans les 10 premiers choix en 2015, par exemple. C’est ce que font les équipes la plupart du temps. Lors du transfert de Tyrus Thomas en 2010, Charlotte a ainsi envoyé un 1er tour de draft 2013 à Chicago, à condition qu’il ne soit pas dans le top 12. Comme Charlotte a le 4e choix, c’est le choix de l’année suivante qui entre désormais dans l’échange: en 2014, il est top 10-protected, en 2015 top 8-protected, et ce n’est qu’en 2016 que les Bulls pourront récupérer le pick des Bobcats sans condition (s’ils ne l’ont pas récupéré avant, bien sûr).

 

Les sign-and-trades

Les échanges ne concernent normalement (et logiquement) que des joueurs sous contrat. Pourtant, il est possible pour une équipe qui ne veut pas voir partir un joueur sans contrepartie de resigner un joueur puis de l’échanger dans la foulée. Par exemple, New York peut prolonger Carmelo Anthony et l’échanger aussitôt. Mais le joueur, lui, n’y trouve pas un intérêt financier: il n’est pas possible en effet d’utiliser la Bird Exception en signant un joueur pour 5 ans au contrat maximum, puis de l’échanger, car les contrats sont limités à 4 ans et 4,5 m$ d’augmentation annuelle. Pour le joueur, le contrat est donc le même que celui qu’il aurait en signant comme free agent dans une autre équipe.

La nouveauté du CBA 2011 est de rendre impossible les sign-and-trades pour une équipe payant la luxury tax, à moins que l’échange ne permette de repasser sous la luxury tax. Les Knicks ne pourront donc échanger Melo que contre des contrats moins importants.

 

Atelier pratique: décortiquons un trade

Pour avoir un aperçu concret de comment tout cela marche, prenons un blockbuster trade intéressant, qui a envoyé, fin janvier 2013, Rudy Gay à Toronto. Le but de Memphis était d’économiser le plus d’argent possible, puisque la franchise frôlait la luxury tax. Toronto était très intéressé par Gay, mais, étant au-dessus du salary cap, était limitée dans ses possibilités de trade: pour recevoir le contrat de Gay, il fallait récupérér au minimum les 16,46 m$ de son contrat, moins 5 m$ (3e ligne du tableau ci-dessus), soit 11,46 m$. Embêtant pour Memphis, qui veut trouver un moyen d’économiser 1 ou 2 m$ de plus. Les deux équipes vont donc se mettre à la recherche d’une 3e équipe pour compléter le deal. Voilà les étapes:

  • Memphis envoie Gay (16,46 m$) et Haddadi (1,3 m$) à Toronto, en échange de Calderon (11,04 m$) Davis (2,21 m$) et un deuxième tour de draft (0 m$). Soit 17,76 m$ contre 13,25 m$. Memphis est en règle, puisqu’ils reçoivent moins qu’ils n’envoient. Pas Toronto, mais les Raptors ont le droit de récupérer le salaire sortant, plus 5 m$: il y a 4,51 m$ entre les deux « packages », donc c’est bon.
  • Memphis veut faire plus d’économies, et n’est pas intéressé par Calderon. Ils se sont donc entendus à l’avance avec Detroit pour leur refiler aussitôt le meneur espagnol. En échange des 11,04 m$ de ce dernier, Detroit donne Daye (2,96 m$) et Prince (6,76 m$), soit 9,72 m$. Detroit est en règle, puisqu’étant sous le salary cap, ils font ce qu’ils veulent. Memphis, de son côté, économise 1,32 m$ supplémentaires.

Au final, Memphis s’est débarrassé de 17,76 m$ et en a récupéré 11,93 ((Daye+Prince+Davis), soit 5,83 m$ d’économies. En faisant un échange direct avec Toronto, sans l’aide de Detroit, les Grizzlies n’auraient pu libérer que 5 m$ au maximum, à cause des restrictions dues à la situation des Raptors, au-dessus du salary cap. Tout ça pour 830 000 $, me direz-vous. Oui, mais chaque sou compte en NBA: c’est grâce à cette économie que les Grizzlies ont évité de trop payer la luxury tax.

 

Les trades, au final, sont des exercices de haute voltige, où les aspects financiers et sportifs vont de concert. Le règlement NBA a le mérite de rendre impossible des arnaques complètes, du style d’un Rudy Gay récupéré par Miami contre des broutilles, juste parce que Memphis veut faire des économies.

 

7 réflexions sur “[Finances NBA, mode d’emploi] 7. La free agency. Part 3: les trades

  • kon_victed83

    J'adore ces articles qui nous éclairent pas mal sur le " charabia " de la Nba, merci beaucoup pour le super boulot que vous faites :)

  • Say3s

    C'est compliqué, mais expliqué de façon simple, et super intéressant ! Merci beaucoup !

  • JoachimCelts

    C'est l'article que j'ai le mieux compris, merci^^ (et thanks pour l'éclaircissement sur le "Rudy Gay") ;)

  • Rapha

    Merci beaucoup!

  • Rapha

    Merci pour le compliment ;)

  • Rapha

    De rien ;) il faut que je trouve des explications sur le trade Celtics/Nets, selon mes calculs ça ne colle pas, mais j'ai dû me planter quelque part!

  • JoachimCelts

    Et que donne tes calculs? Parce que bien que Boston se débarasse de gros salaires, ils en reçoivent eux aussi de gros et beaucoup de joueurs et ayant une masse salariale élevées, je me pose aussi des questions…

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