Bulls 95-96La touche StillBallinLos Angeles Lakers - NBA

Entre mes mains, l’autobiographie de Phil Jackson

Un paquet blanc, pas très grand et un peu chiffonné se trouvait dans ma boîte aux lettres. Je l’attendais. Un éditeur a eu la riche idée de traduire la biographie de Phil Jackson parue l’an dernier et la plus riche idée encore de me l’envoyer, bien tuyauté qu’il a été par le caïd du littérature-game, aka Lucas. Je déchire le paquet sans douceur. Il y a dedans un bouquin sur le plus grand coach de l’histoire de la NBA, il en faudra bien plus pour l’abîmer.

Sa couverture aligne méthodiquement les onze bagues de champions du Zen Master sur un fond blanc, comme onze insectes rares épinglés sur le tableau de chasse d’un entomologiste qui a traversé les zones les plus hostiles de la planète pour les avoir. Onze bagues qui suffisent à décrire l’homme et la dinguerie de ce qu’il a accompli. Onze bagues qui coupent toutes conversations avant qu’aucune n’ait pu commencer. Onze bagues, soit trop pour toutes les porter sans en coller une à une autre comme un malpropre. Quelque part, Charles Barkley, Patrick Ewing et Steve Nash contemplent leurs doigts nus, le visage serré de rage.

L’en-tête du bouquin mets des mots sur ce que nous autres suiveurs forcenés de la balle orange avions brutalement percuté au premier regard posé sur les bijoux: Phil Jackson, un coach, onze titres NBA. Les grands caractères noirs ressortent avec l’efficacité de la simplicité sur le fond blanc, comme si l’ouvrage éprouvait un malin plaisir à nous dire benoîtement ce que signifie ces bagues et à quel individu elles appartiennent, quand bien même il sait pertinemment que nous n’en avons pas besoin. Derrière cet en-tête à la moquerie subtile, c’est presque si je ne vois pas le sourire à la fois élégant et narquois de Phil Jackson, formant virtuellement une phrase comme « eh ouais, onze bagues ». Punaise, je me sens comme Reggie Miller.

Je pourrais rester des heures à mater ces bagues. Je l’ai d’ailleurs peut-être fait sans m’en rendre compte. Chacune est unique dans son design et dans son histoire. Chacune est l’aboutissement de tout ce qui fait ce sport, et la marque du triomphe d’une volonté sur toutes les autres. Chacune a d’autant plus de valeur que la posséder signifie que les autres ne l’ont pas.

On y voit celles que Jackson a eu avec les Bulls de Chicago, époque où la NBA n’appartenait qu’à une seule couleur et qu’à une poignée de dieux. Placées dans l’ordre d’obtention, on remarque que le coach originaire du Dakota, Jordan et sa clique ont poussé les designers des précieux objets à puiser dans leur imagination année après année pour créer à chaque fois une bague inédite avec les éléments propres aux Bulls. Illustration inattendue et cocasse de l’exploit réalisé par cette équipe.

D’ailleurs, pour la quatrième, ils ont renoncé à faire apparaître la moindre imagerie caractéristique de la franchise et ont choisi à la place d’afficher les quatre O’Brien Trophies. Il semblerait que la sixième bague les ait acculé dans leurs derniers retranchements: impossible de remettre encore une fois le logo (trois en tout) tandis qu’un simple mot écrit comme pour la seconde fait un peu création au rabais. Même l’idée de placer les trophées semblait débordée au vu du nombre de titres à caser sur un bout de métal de quatre centimètres carré. Et pourtant. Avec un vice dont Ron Harper avait dû être fier, ils ont coincés cinq représentations miniatures du trophée dans un sixième prenant la quasi-totalité de la surface du bijou. La première bague et son simple logo des Bulls semblent bien lointain à côté.

Il y a ensuite celles des Lakers. Celles de l’effroyable monstre à deux têtes, Shaquille O’Neal-Kobe Bryant, puis celles à l’aura moindre mais peut-être plus ciselée de la période Bryant-Gasol-Odom. Parmi elles, on remarquera surtout la bague arborant simplement des triangles, sans chercher à en dire d’avantages.

Ces bagues ne sont au contraire pas celles de Magic Johnson et du showtime en fin de vie des Lakers, pas celles de Clyde Drexler, Rick Adelman et des TrailBlazers, pas celles de Charles Barkley, Kevin Johnson et des Suns, pas celles de Shawn Kemp, Gary Payton, George Karl et des Sonics, pas celles de John Stockton, Karl Malone, Jerry Sloan et du Jazz, pas celles de Reggie Miller et des Pacers, pas celle d’Allen Iverson, Larry Brown et des Sixers, pas celles de Jason Kidd et des Nets, pas celles de Kevin Garnett, Paul Pierce, Ray Allen, Doc Rivers et des Celtics dans leur dernier rugissement avant la venue de la mort, ni enfin celles de Dwight Howard et du Magic.

Ces hommes et équipes-là, finalistes et derniers arrêtés avant le paradis, ont vu ces bagues rejoindre les phalanges de Phil Jackson et de ses troupes alors qu’ils étaient encore sur le parquet, la sueur de leurs ultimes efforts luisant sur leur front.

Parmi eux, combien n’ont jamais pu caresser le petit graal circulaire? La grande majorité. D’ailleurs, seuls les Pistons de Detroit ont pu infliger au grand Phil le châtiment que lui-même a distribué onze fois. Cette équipe de Detroit était alors dirigée par Larry Brown, lui-même vaincu par Jackson peu auparavant, alors qu’il sévissait sous les couleurs de Philadelphie, avec Allen Iverson en chef de meute. Ainsi, parmi toutes ces fabuleuses victimes, une seule à réussi à se venger. Et pourtant, je suis prêt à parier mon œil droit que chacune avait juré sur leur nom qu’elles se vengeraient de leur bourreau au sourire serein.

C’est l’histoire de ces bagues que ce bouquin va nous raconter au travers des yeux de celui qui les a conquises. Et aussi les histoires de celles que le légendaire Zen Master n’a pas pu faire siennes. Cela dit, il n’en a pas manqué beaucoup. Seulement 9 en 20 ans. Son taux d’obtention du titre est de 51%. Carmelo Anthony rêverait d’avoir cette réussite aux tirs sur une seule saison. Connaître le parcours de ces victoires et de ces défaites, comprendre leur « comment » et tout simplement assister à ces aventures de l’intérieur, voilà la promesse silencieuse que j’entends en regardant le livre entre mes doigts.

Je n’en ai pas encore lu la moindre ligne que déjà défilent sous mes yeux grands ouverts, des milliers d’images de Kobe, de Shaq, de leurs multiples compagnons d’armes au maillot pourpre et or tels que Derek Fisher, Rick Fox, Smush Parker, Kwame Brown ou encore Andrew Bynum ; d’autres vêtus de la tunique rouge caractéristique des Bulls et répondant aux noms Dennis Rodman, Horace Grant, BJ Armstrong, John Paxson et d’autres dont le patronyme m’échappe subitement. Tous reprennent vie derrière ma rétine pour rejouer les meilleurs moments de leur carrière.

La couverture laisse apparaître aux pieds des onze bagues le sous-titres « les secrets du succès ». Pour ma part, je le connais le secret du succès. Être coach et s’appeler Phil Jackson. Avoir Jordan, Pippen, O’Neal et Bryant a bien aidé peut-on dire sans trop de risques. Mais Jordan, Pippen et Bryant auraient-ils été Jordan, Pippen et Bryant sans Phil Jackson? Je compte bien m’approcher de la réponse à cette question en buvant le paquet de pages reliées que le maître a encré avec ses souvenirs et pensées.

Je retourne le livre entre mes mains comme on retourne une arme à feu pour l’observer sous tous les angles avant de la coincer à sa ceinture. Jackson apparaît sur la quatrième de couverture, encadré par Michael Jordan et Kobe Bryant. Le visage de Shaquille O’Neal a dû se tordre d’une grimace dédaigneuse en voyant qu’il n’y était pas, avant de finalement balayer cet affront d’un revers de sa grosse paluche parce que contrairement à Jordan et Bryant, il a gagné un titre sans l’auteur de ce bouquin. C’est sans doute également en se répétant ce genre de choses que LeBron James panse son complexe d’infériorité vis-à-vis de ses deux illustres ainés.

Ainsi, His Airness et The Black Mamba accompagnent Phil Jackson au dos de l’ouvrage. Les deux des plus grands basketteurs de tous les temps y apparaissent en plein match, l’air soucieux. Soucieux comme si tout le talent, toute la détermination et tout le bagage technique qui ont fait d’eux ce qu’ils sont ne semblaient pas, à leurs yeux, suffisants pour assurer une victoire. Entre eux deux, Phil Jackson, également en plein match, au contraire semble serein.

J’ai posé le livre un instant en riant de cette association d’images paraissant vouloir nous montrer quelque chose. J’ai ri d’un rire nerveux parce que l’espace de quelques secondes, j’ai cru dur comme fer à ce qu’elle semblait dire. Si maintenant mon esprit a retrouvé la raison, il n’est toutefois pas sûr d’être dans le vrai.

Mes pensées maintenant dressées comme les oreilles d’un chien de chasse en alerte, et pleines d’images frissonnantes de cette épopée vécue par cet homme unique, je m’apprête enfin à me perdre dans ce bouquin. Je sais pertinemment que je n’en sortirai que lorsque que sa dernière ligne aura traversé mon esprit.

StillBallin (@StillBallinUnba)

2 réflexions sur “Entre mes mains, l’autobiographie de Phil Jackson

  • TRC_Melo

    Alors comment tu l'as trouvé après lecture??
    Perso je l'ai dévoré en quelques jours tellement je l'attendais ! Vraiment interessant, peut être juste un peu trop d'ecplications sur ses différentes croyances mais quand il raconte toute la route vers le titre c'est fou !

  • StillBallinBB

    Bien agréable à lire malgré une écriture un peu simpliste. Au-delà du plaisir d'être dans les coulisses de ces moments grandioses, voir tout ça sous l'angle de vue de Jackson (qui fait un bel effort de pédagogie) est un régal. Cela dit, il y a de nombreux endroits que j'aurais aimé qu'il développe mais s'il avait fait selon mes vœux, le bouquin aurait fait 1500 pages donc bon.

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