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[Interview] Dell Curry : « Kemba Walker a laissé le souvenir d’un grand homme »

Dell Curry est un pur produit de Virginie. Il est né à Harrisonburg, en Virginie. Il a fait ses classes à Fort Defiance, en Virginie. Il a usé ses baskets sur le campus de Virginia Tech durant ses quatre saisons passées chez les Hokies. Et c’est pourtant en Caroline du Nord qu’il a posé ses bagages en juin 1987, lorsque la draft d’expansion organisée par la NBA a donnée naissance à une nouvelle franchise, les Charlotte Hornets.

Dix ans plus tard, Dell Curry y était toujours. Et dix ans plus tard, il y était toujours. Et dix ans plus tard, il y était toujours. Et encore aujourd’hui, il ne quitte son nid douillet qu’à de rares occasions, comme aller soutenir ses deux fils, partir commenter ses Hornets adorés comme il le fait depuis 2009 pour la télé locale, ou encore les accompagner à Paris lorsque ses protégés y affrontent les Bucks. Personne n’a porté le maillot bleu turquoise plus de fois que lui, et si un lutin nommé Kemba n’était pas venu le détrousser de son record, personne n’aurait marqué plus de points que lui sous la tunique des Hornets. Dell Curry a tout vu, tout connu, et entre deux bouchées d’un sandwich trop rapidement avalé, il distille quelques observations sur l’histoire de son équipe chérie, une équipe qui, il n’y a pas si longtemps, jouait en orange et gris. Une époque pour laquelle il a du mal à masquer son indifférence.

« Il y a une coupure nette entre les Bobcats et le retour des Hornets, tranche-t-il d’emblée. Je pense que le nom « Bobcats » n’a jamais vraiment parlé aux fans de la région, parce qu’ils avaient toujours connu les Hornets auparavant. Ça n’a jamais pris, c’est pourquoi le fait de retrouver ce nom de « Hornets » a relancé l’engouement auprès des fans. Même pour moi, comme j’ai été un joueur des Hornets, ça m’a aidé à me persuader que c’était à nouveau mon équipe, qu’on avait récupéré notre équipe. Je pense que c’était une très bonne décision de la part de la franchise de se réapproprier le nom originel. »

Pour autant, il avait failli rejoindre lesdits Bobcats en 2007, acceptant dans un premier temps un poste d’assistant coach avant de se rétracter pour pouvoir accompagner ses fils à une époque où son aîné frappait à la porte du monde professionnel sans tenter de se faire discret. Une opportunité manquée, mais qu’il ne semble pas regretter pour autant.

« Ça ne me viendrait pas à l’idée de tenter une carrière dans le coaching désormais, s’amuse-t-il. C’est un peu ironique d’ailleurs : j’ai refusé ce poste d’assistant coach pour voir jouer mes fils, et malgré tout, je n’ai pas pu voir Steph au Elite 8 avec Davidson. En fait, j’aime beaucoup ce que je fais actuellement, consultant à la télévision, ça me plaît beaucoup. Ça m’aide à rester dans le milieu, à rester impliqué, tout en me laissant du temps libre quand il n’y a pas de matches et surtout pendant l’été. Je peux passer du temps avec ma femme, avec mes fils, avec mes petits-enfants. C’est important. »

Mais les étés passent et ne se ressemblent pas. Le dernier en date, l’icône de Charlotte, Kemba Walker, a finalement décidé d’aller voir si l’herbe était plus verte chez les Celtics après s’être éreintée à redonner ses lettres de noblesse au maillot turquoise. Comme à l’époque des Bobcats, la flamme de l’espoir s’est éteinte aussi vite qu’elle s’était allumée. De quoi laisser un goût d’amertume chez le patriarche Curry ? Il a en tout cas une raison de lui en vouloir.

«  Il a battu tous mes records ! », peste-t-il en s’esclaffant, avant de rendre hommage à son bourreau.

« C’est le meilleur joueur de l’histoire des Hornets, et d’un point de vue pragmatique, c’était une décision qui avait du sens pour les deux parties. Personne ne lui en veut. Au-delà du souvenir d’un grand joueur, il a laissé le souvenir d’un grand homme. Il a toujours une maison à Charlotte, il reste l’un des nôtres, parce qu’il a beaucoup œuvré pour les gens d’ici. Donc même pour les fans des Hornets, même pour les dirigeants des Hornets, il n’y a aucune rancœur vis-à-vis de son départ. Il nous a donné huit superbes années, mais au bout du compte, ça reste un business. Ça a peut-être été dur à comprendre pour ceux qui suivaient l’équipe de loin, mais pour le fan plus assidu, celui qui s’intéresse aux mécaniques du salary cap, la décision était compréhensible et logique. Et tout le monde adore Kemba, il est déjà revenu jouer deux fois, il a été ovationné les deux fois. C’est un mec bien, et c’est pour ça qu’ici, à Charlotte, tout le monde l’appréciera toujours. »

Kemba, l’adoré. C’est pourtant sur les playgrounds new-yorkais que l’icône de la franchise a fait ses classes, difficile donc à l’époque de prédire au meneur de UConn une telle réussite sur les terres de UNC, une fac qui a vu briller pléthore de talents, notamment l’actuel propriétaire des Hornets, Michael Jordan. Les liens entre la franchise et la fac aux tuniques bleu ciel ont été plus ténus par le passé, comme en témoigne la subite volonté des Bobcats d’offrir une passerelle directe aux anciens Tar Heels à la création de la franchise, sans doute pour retrouver un public qui pleurait encore ses Hornets, partis à New Orleans. Ainsi, lors de la draft 2005, Raymond Felton et Sean May furent tout deux choisis dès la lottery, respectivement aux picks 5 et 13. Dans une région ou le basket est aussi omniprésent, il est en effet permis de se demander si seule la présence d’un héros local, d’un enfant du cru, pouvait renouer le lien entre la franchise et ses fans. Mais suite à l’échec cuisant de cette stratégie tant pour l’équipe que pour les joueurs, Curry tient à mettre les générations futures en garde face à ce phénomène de « hometown hero » :

« Si un joueur du coin démarre très jeune avec l’équipe de sa région, il faut qu’il soit sacrément bien entouré. C’est dur de rester focalisé sur le basket quand on joue pour l’équipe de chez soi, tant l’extra-sportif s’invite en permanence. Il faut avoir les épaules solides, savoir garder la tête froide, c’est très dur et c’est pour ça que bien souvent, ces joueurs échouent. Ça n’engage que moi, mais je préfère que les joueurs arrivent en NBA et jouent quelques années sans cette pression afin de comprendre comment fonctionne la ligue, afin de comprendre ce qui leur permettra de réussir. Une fois qu’ils sont devenus des joueurs établis, alors pourquoi pas revenir dans leur fief s’ils le souhaitent ? Les projecteurs ne seront pas braqués sur eux comme ils l’auraient été s’ils avaient démarré sur leurs terres. Mais à partir du moment où vous arriver à gérer tout ce qui touche à l’extra-sportif, jouer pour l’équipe de chez vous peut devenir une expérience bien plus plaisante. »

Un scénario qui, étrangement, s’appliquerait plutôt bien à ses deux rejetons. Mais le souhaiterait-il pour autant?

« Absolument ! J’adorerais, ce serait super. Mais je ne sais pas si ça arrivera un jour : Steph est adulé du côté de la Baie et Seth vient tout juste de signer avec Dallas. Ils aiment beaucoup venir jouer à Charlotte, mais vu qu’ils sont tous les deux dans la conférence Ouest, ça n’arrive qu’une fois par an seulement. C’est dommage, parce que ça leur fait plaisir de jouer devant les gens auprès de qui ils ont grandi. »

Un beau message d’espoir pour les fans qui ont été contraints de troquer leurs maillots floqués du numéro 15 pour le bien plus triste 3 de Terry Rozier. Mais qu’ils se rassurent : peu importe qui portera le maillot turquoise dans dix ans, Dell Curry, lui, sera toujours là.

 

Propos recueillis par Lucas Saïdi à Paris, avec Simon Stéphan et Shaï Mamou.

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