Dennis Rodman : « J’étais perdu, mais perdu dans le bonheur »
L’ancienne star des Bulls et des Pistons Dennis Rodman n’a pas eu une enfance facile. Le joueur cinq fois champion a grandi dans la banlieue de Dallas avec sa mère et ses deux sœurs. Sa famille était très pauvre, il se voyait déjà un avenir tout tracé.
« Je pensais que j’allais finir en prison, que j’allais être un dealer de drogue ou mort. C’était mes seules options. » Dennis Rodman.
Des prévisions qui se sont révélées fausses, puisqu’il a fini par être un des meilleurs joueurs de son époque. Mais il est arrivé en NBA sur le tard, à 25 ans. Tout simplement parce qu’il n’avait pas le niveau selon les scouts. Et il aurait effectivement pu mal tourner, puisqu’après qu’il ait obtenu son diplôme, sa mère lui a adressé un ultimatum. Il devait trouver un boulot, ou bien partir de la maison.
« Elle m’a foutu dehors, a changé les serrures. J’avais un sac poubelle rempli de vêtements et c’est tout. J’ai quitté la maison et je me suis assis sur les marches du complexe d’appartements. Je n’avais nulle part où aller. J’ai fini par aller voir un ami, qui m’a dit que je pouvais dormir sur le canapé. Chaque jour quand je me levais, j’allais laver des voitures, je faisais des petits boulots pour essayer de me faire un peu d’argent. Je n’étais pas triste, je n’ai jamais pleuré parce que je ne rentrais pas chez moi, je n’ai jamais pleuré à cause de mes sœurs, de ma mère, de mon soi-disant père et de tous ces gens de ma famille que je ne connaissais pas. J’étais habitué à vivre de cette manière. » Dennis Rodman.
Cela a duré deux ans. Il en a aussi profité pour jouer au basket. Beaucoup. Et il a grandi. Beaucoup.
Au moment de sa draft par les Pistons en 27e position en 1986, il s’était complètement coupé de sa famille. Et un jour, son père, qu’il n’avait pas vu depuis qu’il était tout petit et qu’il avait oublié, a refait surface dans sa vie. C’était en 1997, alors qu’il jouait avec les Bulls.
« On devait affronter le Jazz et j’étais en retard à l’entrainement. Je passais les portes de la salle et un gars a couru vers ma voiture en me disant qu’il avait besoin de me parler. Je lui ai répondu que j’étais à la bourre et il m’a alors sorti : « Je veux juste que tu saches que j’étais ton père. » Comme ça, sans aucun contexte. Je me suis dit : « Oh, je dois vraiment gérer ça aujourd’hui ?? » » Dennis Rodman.
Habitué aux personnes essayant de lui soutirer de l’argent d’une manière ou d’une autre, Rodman était persuadé que c’était un mensonge et il n’y a plus repensé jusqu’au milieu de la rencontre, où il a remarqué un attroupement au milieu d’un temps mort.
« Je suis retourné sur le banc, j’ai levé la tête et j’ai demandé ce qu’il se passait là-bas. Quelqu’un m’a dit : « Mec, c’est ton père, il signe des autographes, fait des interviews. » Je pensais toujours que c’était un mensonge. Quand le match s’est terminé et qu’on est retourné au vestiaire, un journaliste m’a demandé sur je savais que mon père était là. J’ai répondu que non, et il a enchainé : « Vous saviez qu’il avait écrit un livre sur vous ? » « Non. » Apparemment, c’était un best-seller. Je pensais toujours que c’était une grosse blague, parce que ce gars est sorti de nulle part et je ne l’avais jamais vu. Il avait eu 16 femmes, et, je crois, 29 gosses. J’étais le premier. Quelqu’un m’a dit ça, et j’ai répondu : « Peu importe ». J’étais tellement habitué à ne pas avoir de père après 37 ans. Je me disais que c’était un peu tard. » Dennis Rodman.
Si Rodman ne donnait aucune importance à cette possibilité, c’est aussi parce qu’il avait trouvé aux Pistons une figure paternelle et un frère : Chuck Daily, le coach chez qui il passait Thanksgiving et Noël par exemple, et Isiah Thomas.
« La famille de Chuck me traitait comme si j’en faisais partie. Ils ne me regardaient pas comme un noir, ou un athlète noir. Ils me demandaient comment j’allais, ce qu’il se passait, si j’avais besoin de quelque chose… J’étais en sécurité là-bas. C’était cool pour moi d’être chez eux. Quand j’étais seul à mon appartement et qu’il n’y avait personne pour me tenir compagnie, j’appelais toujours Chuck ou Isiah. Ce qui a changé ma vie, c’est quand Isiah est venu me voir un jour, m’a tiré à l’écart et m’a frappé fort sur le torse en me disant : « Tu sais, ce n’est pas un jeu, ce n’est pas une blague. On veut gagner un titre. Il faut que tu te reprennes et que tu te concentres. Tu ne peux pas continuer à sortir avec John Salley (un intérieur des Pistons à l’époque ndlr), il faut que tu fasses ton boulot. Ça a changé toute la vision que j’avais de la NBA, parce que je pensais que ce n’était qu’un gros playground. J’étais perdu à l’époque, mais j’étais perdu dans le bonheur. » Dennis Rodman.
Mais cette absence de père a malgré tout laissé pas mal de traces. Notamment dans sa relation avec ses propres enfants. L’idée de les voir le paralyse et l’empêche de passer du temps avec eux.
« On a tous des démons. Moi j’en ai plein. L’alcool en fait partie, tout le monde le monde le sait. Mais je pense que le seul que j’ai maintenant, c’est que j’essaie de me convaincre que je suis un bon papa. C’est le pire pour moi, et ça me fait mal pour une raison inconnue. C’est très dur pour moi de casser ce cycle. J’ai le sentiment que c’est trop tard. C’est surement parce que je n’ai jamais eu dans ma vie quelqu’un qui voulait m’aimer. » Dennis Rodman.
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