Reggie Lewis : Heart broken story
C’est l’histoire d’un gâchis à en pleurer. Non pas par la drogue, l’alcool ou d’autres excès que le monde du sport US connaît trop bien, mais du gâchis d’une carrière sur le point d’atteindre des sommets. Après des premières années dans la grande ligue plus que prometteuses, Reggie Lewis aurait pu à terme inscrire son nom aux côtés des autres grands Celtics de l’Histoire. Il aurait dû même, seulement le destin en a décidé autrement. Une crise cardiaque le terrasse à 27 ans seulement, ne laissant à Boston que d’inconsolables pleurs et le souvenir de belles promesses qui ne se réaliseront jamais. Récit d’une vie injustement écourtée.
Août 1992, la Dream Team éclabousse de sa classe le monde entier durant les Jeux Olympiques de Barcelone. L’engouement est énorme, la ferveur monte et les kids du monde entier se passionnent pour ce groupe de superstars qui domina outrageusement le basket mondial le temps de quelques semaines. L’été suivant sera en revanche beaucoup moins festif pour le monde de la balle orange. Tout d’abord parce que début juin, c’est Drazen Petrovic, le Mozart du basketball, véritable prodige croate des New Jersey Nets qui s’éteint, victime d’un accident de voiture. Pas loin d’être considéré comme le meilleur Européen et meilleur shooteur de l’histoire, c’est le basket mondial qui est endeuillé par cette disparition de Petrov’, qui avait déjà conquis l’Europe et commençait à peine à charmer l’Amérique. Même pas deux mois plus tard, nouveau drame : alors qu’il est en train de disputer un match d’entraînement en plein mois du juillet, Reggie Lewis s’effondre, victime d’une crise cardiaque, et ne s’en relèvera pas.
Né le 21 novembre 1965 dans le Maryland, Lewis se découvre très jeune une passion pour le basketball. Après une brillante carrière en High School, le voilà qui rejoint Boston, pour jouer avec la Northeastern University. Et les bonnes performances ne se font pas attendre : pour sa première année en tant que freshman, il tourne à une moyenne on ne peut plus correcte de 17.8 points par match. Sur le plan national, difficile de jouer quoi que ce soit avec une aussi petite université, mais Reggie continue de s’éclater sur les parquets, et au terme de ses quatre années de fac, il affiche fièrement une moyenne de 22.2 points par match. Se présenter à la draft NBA sonne évidemment comme une évidence. Et l’histoire n’aurait pu être mieux écrite, puisque ce sont les Celtics qui le sélectionnent, en 22e position du premier tour. C’est donc toujours dans le Massachusetts que Lewis va réciter ses gammes, et mieux encore, dans la plus grande franchise historique de la NBA.
Les Celtics de l’époque, ce sont ceux de Larry Bird, Kevin McHale et Robert Parish, l’époque du Big Three made in 80’s. Avant cette draft 1987, Boston sort tout juste des Finales NBA perdues contre Magic et les Lakers, mais a tout de même accumulé trois titres tout du long de la décennie des 80’s. Autant dire que cette équipe des Celtics, c’est ce qui se fait de mieux en NBA, et pour Reggie Lewis ce ne sera pas chose aisée que de trouver sa place dans l’effectif. Sa campagne rookie se révèle des plus discrètes, passant à peine 8 minutes sur le terrain en moyenne. Difficile de se faire un nom dans un effectif ultra riche et prétendant au titre NBA chaque saison. C’est impuissant qu’il assiste à l’élimination des Celtics par les Pistons en Finales de Conférence.
« Ça ne me dérange pas du tout d’être dans l’ombre de trois Hall of Famers, je veux juste apprendre le maximum d’eux ».
La saison suivante sera d’une tout autre saveur pour Reggie, qui saisit sa chance et se fait véritablement un nom dans l’effectif. La principale raison est un Larry Bird extrêmement diminué par les blessures qui ne pourra disputer que 6 petits matchs dans la saison. Conséquence directe : Reggie Lewis prend du grade, et va enfin démontrer tout son talent. 81 matchs disputés, dont 57 en tant que titulaire, pour pas moins de 18.5 points par match, faisant de lui à 23 ans seulement la deuxième option offensive de l’équipe derrière Kevin McHale. Mais plus encore, Reggie ne fait pas que scorer, c’est également un vrai couteau suisse en défense, capable de noircir une feuille de match dans tous les compartiments de stats. Ainsi, il ajoute à ses 18.5 points quelques 4.7 rebonds, 2.7 passes, 1.5 interception et 0.9 block. Il se donne à fond sur le parquet, et il n’en faut pas plus pour séduire le public du Boston Garden. Mais aussi bon soit-il, la machine Celtics s’enraye pourtant une nouvelle fois en playoffs en l’absence de Larry Bird, essuyant un sévère 3-0 par Detroit dès le premier tour de post season. Bis repetita un an plus tard, où ce sont cette fois les New York Knicks qui disposent de Boston (3-2).
Aussi, au lancement de la saison 1990-1991, l’objectif est clair : enfin briller en playoffs. Reggie Lewis est désormais une pièce clé de l’effectif, titulaire indiscutable des Celtics pour sa quatrième saison dans la ligue. Toujours dans ses standards au scoring, il s’affirme également de plus en plus comme un très sérieux client en défense. À 34 ans et un dos en compote, Bird est encore là, mais c’est à Lewis d’être le dynamiteur de l’équipe.
« Je n’ai jamais eu peur d’aller au contact, c’est ce que j’aime faire, donc c’est ce que j’apporte désormais ».
Et aux côtés d’un Big Three vieillissant, c’est au moins ce dont Boston a besoin. Non pas pour retrouver sa gloire d’antan, mais ne serait-ce que pour enfin remporter une série de playoffs, chose qu’ils n’ont plus faite depuis 1988. Et au premier tour de cette post season 1991, ce sont les Pacers d’un autre Reggie, Miller cette fois-ci, qui se dressent devant eux. Lewis se sublime pour offrir la qualification tant attendue aux Celtics : pas moins de 42 minutes de jeu par match, accompagnées de 22 points et plus de 6 rebonds. Mais le tour suivant est une autre paire de manches, et une nouvelle fois Boston doit rendre les armes face à de plus féroces Pistons.
Une nouvelle déception, mais une certitude également : Reggie Lewis a pris le pouvoir, et mieux encore, la relève semble assurée pour Boston. L’Homme de l’après Big Three se nommera Reggie Lewis. Cette prise de pouvoir se concrétise d’ailleurs dès la saison suivante, 1991-1992, la plus belle de sa jeune carrière : du haut de ses 26 ans, il compile 20.8 points, 4.8 rebonds, 2.3 passes, mais surtout 1.5 interception et 1.3 block. Reggie est devenu un joueur ultra complet, redoutable défenseur et qui s’améliore d’année en année en attaque.
« Je ne me suis jamais réellement considéré comme un scoreur. Mais s’il y a un shoot à prendre, je vais à coup sûr le prendre ».
Une belle philosophie qui lui offre sa première sélection All Star, à Orlando en 1992 où il marquera 7 points et captera 4 rebonds. Mais Reggie en veut toujours plus : « Je ne veux pas que le All Star Game soit l’expérience d’une fois ».
Fort de cette superbe saison, où il écrit notamment une ligne d’histoire en devenant le seul Celtic à compiler au moins 100 rebonds, passes, interceptions et contres, Reggie commence les playoffs 1992 avec pleins d’espoirs. Et après un premier tour expédié face à Indiana (3-0), les choses sérieuses commencent en demi-finale de Conf’, contre les Cleveland Cavaliers. Ce sont les Cavs de la grande époque, emmenés par Brad Daugherty, Larry Nance, Mark Price ou même « Hot » Rod Williams. Les Celtics résisteront tant bien que mal, mais se feront sortir 4-3. La gloire des 80’s n’est plus, Boston a du mal à tout simplement passer la seconde.
Limité à 4 matchs sur l’ensemble des playoffs, Larry Bird tire sa révérence à l’été 1992, laissant l’entière responsabilité du leadership et le capitanat à un Reggie Lewis qui s’est de nouveau sublimé en playoffs (presque 28 poings de moyenne).
« Tout le monde l’appelle ‘l’équipe de Reggie’ maintenant, et ça ne me dérange pas. C’est juste un nouveau challenge que je dois relever et je l’attends avec impatience ».
À 27 ans, plus de doute possible, le boss des Celtics c’est lui. Pour la saison 1992-1993 qui arrive, Reggie compte bel et bien franchir un cap et emmener ses Celtics loin durant les playoffs.
Malheureusement, il ne le pourra pas. Durant le premier match contre les Hornets, au premier tour, il s’effondre sur le terrain. Malaise cardiaque, tout le monde craint le pire, mais il va bien (à partir de 3’40 sur la vidéo ci-dessus). Il s’en remet et assiste en spectateur à l’élimination de ses coéquipiers face au Charlotte de Larry Johnson, Alonzo Mourning et Muggsy Bogues, l’ancien pote de High School de Lewis. Malgré son malaise cardiaque, les médecins lui assurent qu’il peut recommencer à jouer au basket sans risque. Un grand ouf de soulagement à Boston.
Mais le destin s’en mêle, et c’est la crise cardiaque qui frappe le malheureux Reggie Lewis, 27 ans seulement, pendant un match d’entrainement dans une université du Massachusetts en plein mois de juillet, et cette fois il ne s’en relèvera pas. Il s’avèrera par la suite que Reggie était en fait atteint d’une malformation cardiaque génétique.
Il est de ces évènements qui font prendre du recul par rapport au monde du sport, où trop souvent la passion prend le pas sur la raison. L’effondrement d’un stade, le crash d’avion qui a décimé l’équipe de Manchester United en 1958, un stupide accident de voiture qui terrasse le Mozart du basket, ou une crise cardiaque qui foudroie Reggie Lewis comme tant d’autres sportifs à travers le monde. Pour Boston le drame est cruel, mais malheureusement pas inédit. En 1986, quelques jours après la draft, c’est Len Bias, le fantastique ailier de Maryland sélectionné en seconde position qui décède, victime d’une overdose. Nul doute que le destin de la franchise du Massachusetts, si décevant durant la décennie des 90’s, eut été différent sans la disparition de Bias ou Lewis, mais il n’en fut rien.
Si seulement Reggie Lewis avait pu continuer à jouer pour les Celtics. Si seulement il avait pu revenir et exprimer tout son talent pour refaire de Boston une des meilleures équipes de basket de toute l’Amérique. Si seulement il avait pu faire la carrière qu’il aurait dû. Si seulement les médecins avaient pu faire un meilleur pronostic vital concernant ses problèmes cardiaques.
Si seulement. Mais on ne refait pas l’histoire. Salut l’artiste.
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Stats en carrière :
Drafté en 22e position en 1987 par les Boston Celtics
450 matchs disputés, 352 titularisations.
17.6 points / 4.3 rebonds / 2.6 passes / 1.3 interception / 0.9 contres
Numéro 35 retiré par les Boston Celtics.
Merci pour l'article pour cette triste histoire….
Super article !
Pourquoi un mec aussi fort a été drafter en 22ème position ?
Super article que j'avais déjà lu et que je relis chaques années avec plaisir ! Sinon sa trajectoire me fait légèrement penser à celle de Leonard (drafté relativement bas, se développe doucement derrière des très grands joueurs, puis explose de saisons en saisons et l'équipe devient la sienne).
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