Le jeu du GM: la Trade Deadline, The Phoenix Suns’ Edition, Ep. 12
Proposition d’Anthony, GM des Suns
Les Phoenix Suns envoient: choix Draft 2018 protégé top-5, protection valable trois ans.
L’Orlando Magic envoie: Mario Hezonja
[Argumentaire : cf. épisode 11]
February 23, 2017 – 12:08 ET
La réponse de StillBallin, momentané GM du Magic
En tant que GM d’Orlando, je suis comme un enfant entouré d’une montagne de jouets en désordre et dont certains sont sans intérêt ou parfois cassés. Ainsi est le roster floridien.
Mario Hezonja était l’un de ces jouets. Il était peut-être même le plus excitant au moment de l’achat, avant d’être finalement oublié sur le coin d’une étagère. Tous les hauts draftés ne réussissent pas, ce sont des choses qui arrivent. Notamment avec un joueur comme le croate qui faisait partie de ces prospects dit « à risque ». Les très bonnes choses qu’on avait dites sur lui avant la draft étaient en pointillés à l’époque. Après une mauvaise année en NBA, elles le sont toujours. Il est ennuyeux que le trait ne se soit pas affermi en une ligne franche mais on ne peut toutefois pas encore dire qu’il soit effacé, il est beaucoup trop tôt pour ça.
Il est beaucoup trop tôt pour abandonner l’ailier dans un carton. Les stupides ambitions de playoffs rapides du Magic l’ont empêché de prendre le temps de se développer sur le terrain plutôt qu’à l’entrainement et puis finalement, ce n’est que sa deuxième saison dans la grande ligue. Inexpérimenté est certainement un qualificatif qui lui sied bien. Après tout, venant du FC Barcelone, il n’avait pas eu l’occasion de porter de véritables responsabilités avant de franchir l’Atlantique.
Phoenix me propose leur choix du premier tour de la draft s’il tombe au-delà de la cinquième place. C’est intéressant. Rien n’est encore fixé pour Hezonja et il peut encore devenir un excellent, un bon, un moyen ou un mauvais joueur. Exactement comme un choix de draft de la loterie. Avec ce dernier, l’incertitude est grande car je ne sais pas où sera placé le pick, je ne sais pas quels seront les joueurs disponibles et je ne sais pas si le joueur que j’aurais sélectionné se révélera être une réussite ou un échec. Avec Hezonja, la seule chose que je sais de plus est hormis son profil (shooteur plein d’assurance). Est-ce qu’on a pas là un match nul ? Après l’année difficile du croate, on peut même craindre un peu plus l’échec qu’au moment de sa draft et croire un peu moins au potentiel de leader offensif qu’on pouvait lui prêter.
En poursuivant ce raisonnement, on peut même penser que le futur choix de draft a même plus de chances de devenir un gros joueur, par exemple de type all-star. Je veux dire, les basketteurs de cette espèce peuvent être drafté n’importe où de la 6ème (Larry Bird, Brandon Roy) à la 15ème place (Steve Nash, Kawhi Leonard). Et à Orlando où on est encore empêtré jusqu’au cou dans tentative de reconstruction qui patauge depuis le départ de Dwight Howard en 2012. L’arrivée tant attendue d’une star (aka le moyen le plus efficace de réussir à remonter une équipe) serait la meilleure chose qui pourrait arriver.
Une franchise en difficultés comme la mienne devrait tout faire pour maximiser ses possibilités d’en obtenir une, quitte à faire un croix sur jeune élément qui deviendra peut-être malgré tout un bon joueur. Simplement avoir une chance supplémentaire -même incertaine- d’avoir ce franchise player pourrait justifier ce transfert.
D’ailleurs, mes chances ne seraient pas seulement d’autant plus grandes que j’aurai vraisemblablement deux picks dans le top 10 ou top 14, soit deux fois plus de chances de tomber sur cette pépite. Elles seraient aussi d’autant plus grandes qu’avec ces deux choix, j’augmenterais aussi mes probabilités de voir les petites balles de ping-pong de la loterie envoyer ma franchise dans l’une des trois premières places de la draft. Ces places où il y a le plus de chances d’attraper un franchise player.
Le GM des Suns a surveillé ses arrières malgré tout. Il ne me propose pas son choix de draft protégé top 5 dans la draft 2017 qui annonce compter beaucoup de très beaux prospects et pour qui Phoenix est d’ores et déjà bien positionné avec son classement piteux (dernier de la conférence Ouest). Il me propose son pick protégé de l’année suivante. Il veut que ce soit lui qui profite de cette belle draft 2017 même si son logo se retrouve repoussé au-delà du cinquième pick. Ensuite, il espère bien, notamment à l’aide de ce futur rookie et du développement de son équipe tant sur le terrain qu’en coulisse (la presse fait état d’un GM très actif sur le marché des transferts en ce moment), gagner suffisamment de matchs pour rendre son choix de draft 2018 beaucoup moins intéressant.
C’est bien compréhensible. Hezonja a pour l’instant plus inquiété qu’encouragé et son avenir est très incertain, vraisemblablement plus que pour un prospect du top 10. Il est bien normal que sa valeur soit inférieure au 6, 7 ou 8ème pick de la prochaine et jolie draft.
Cependant, qu’importe ce que fait de bien ou pas le GM arizonan en ce moment, je ne pense pas que Phoenix explosera d’un coup l’année prochaine, du moins pas suffisamment pour se sortir de la loterie. L’équipe des Suns part de trop loin avec un dysfonctionnement permanent depuis plus de deux ans maintenant et qui devra être retourné comme une chaussette à la force du poignet. Leur franchise player annoncé, Devin Booker, est encore très jeune, comme c’est également le cas de la plupart des autres pièces fondatrices de leur reconstruction (dont potentiellement Hezonja). Les vétérans actuellement présents, eux, ont l’air désintéressé. La franchise doit encore se trouver un coach de qualité. Bref, il faudra du temps à Phoenix pour remonter la pente, suffisamment pour me laisser en cours de route un choix de draft entre la 6ème et la 14ème place.
Mais j’ai peur. J’ai peur qu’Hezonja explose.
Parce que le bougre commence enfin à avoir sa chance et à étaler quelques promesses. Depuis une quinzaine de matchs (ndlr : la rédaction date du 3 mars), il a plusieurs fois tourner autour des vingt minutes de jeu et même au-delà. Son adresse à longue distance, et je ne ferai pas l’affront d’insister sur l’importance de cette caractéristique, atteint un joli 39,1% (pour une solide moyenne de deux tentatives). Ce chiffre à lui seul lui offrirait une place dans un rotation mais sur le terrain, il a fait plus qu’attendre derrière la ligne primée qu’on lui passe la gonfle quand il est ouvert.
On a pu le voir dribbler avec assurance, attaquer le cercle, jouer le pick-and-roll, délivrer de jolies passes, dégainer de bien propre pull-up jumpers à mi-distance et faire preuve d’un solide jeu sans ballon. Tout n’a été vu que par de courts aperçus et on a pu également y observer quelques scories à corriger (une adresse à 2 pts perfectible, quelques choix discutables et bêtises de jeunesse) mais c’est déjà quelque chose de pas anodin. En défense, l’arrière est en difficultés mais c’est surtout une question de savoir-faire et un peu de vitesse latérale. L’énergie est là et son équipe a déjà pu bénéficier de ses mains actives avec une interception par match sur les vingt dernières rencontres et sur un temps de jeu rapporté à 36 minutes.
Avoir fini par s’attirer les faveurs d’un coach comme Franck Vogel (notamment quand on est pas fameux en défense) attise également la curiosité et j’ai toujours en tête cette caractéristique qu’on lui attribuait au moment de la draft et qui se retrouve souvent chez les franchises players: une confiance en lui inébranlable.
D’ailleurs, j’aime bien les joueurs à fort ego qui prennent une claque à un moment dans leur carrière et qui s’en relèvent plus forts parce qu’ils en ont tiré les leçons qu’il fallait. Ça s’appelle comprendre ce qui est nécessaire à la réussite et c’est une preuve d’intelligence et de force mentale que d’être capable de se remettre en question en passant à travers son propre ego. Ce n’est pas impossible que ce soit ce qui est en train de se passer avec le croate, à l’attitude de starlette bien documentée mais qui a dû manger son pain noir et se plier au coaching sévère de Vogel pour avoir sa chance.
Hezonja a encore le potentiel d’un excellent joueur et donc les chances de le devenir réellement. Son profil qui colle bien avec à peu près n’importe quel schéma d’équipe ou plan de jeu ne me facilite pas non plus l’idée me séparer de lui comme cela pourrait être le cas avec un Jahlil Okafor. Avec le croate débordant de confiance, je suis sûr d’avoir dans ma rotation une réelle dose de shoot, cette denrée si bénéfique et même nécessaire quand on compte sur un power forward comme Aaron Gordon et des pivots peu prompts à s’éloigner de la raquette comme Nikola Vucevic et surtout, Bismack Biyombo.
Ai-je tort de trouver qu’un équipe coachée par Vogel et composée de deux arrières-ailiers capable de shooter et de tenir la balle comme Hezonja et Fournier, d’un ailier fort très athlétique appelé à devenir une grosse frappe défensive (Aaron Gordon), au choix d’un pivot fort en défense (Biyombo) ou fort en attaque (Vucevic) et enfin d’un des excellents meneurs qui envahissent la prochaine draft, a un potentiel des plus séduisants, tant en terme de talent que de complémentarité ?
Ai-je raison de m’appuyer sur cette petit vingtaine de matchs pour croire encore en l’avenir de l’ancien espoir barcelonais ? Je pense que je me satisferais d’un simple joueur de complément adroit au shoot s’il ne laisse pas trop de casseroles sales en défense mais atteindra-t-il seulement ce niveau ? Cela dit, l’incertitude avec le choix de draft de Phoenix est tout aussi, voire plus grande, avec un plus grand risque de réussite comme un plus grand risque d’échec.
En échangeant Hezonja, je poursuivrai l’étrange tendance d’Orlando à transférer ses jeunes joueurs talentueux (Victor Oladipo, Tobias Harris, Mo Harckless) au risque de subir à nouveau les moqueries environnantes et je prends également le risque de raser l’hypothétique moignon d’alchimie, d’automatismes et d’intégration des principes de Vogel qui s’est peut-être créé entre Hezonja, Fournier et les autres.
On a beaucoup critiqué, à juste titre, l’instabilité bizarre du Magic, causée par des mouvements d’effectif incessants et brutaux allant tantôt dans le sens du long terme, tantôt dans celui du court terme. Transférer l’ailier contre du futur alors que lui-même n’a que 22 ans est perpétuer cette instabilité dans laquelle il est forcément compliqué de construire quelque chose. Maintenant qu’il y a un bon coach aux manettes et qu’il y a des atouts intéressants qui se marchent un peu moins sur les pieds, il est peut-être temps de ne pas trop bouger l’équipe pour la laisser se fabriquer des bases et grandir.
Et puis le shoot n’est jamais facile à trouver. Même les prospects estampillés spécialistes du mitraillage perdent plus que parfois leur adresse une fois le cap de la NBA franchi. Hezonja n’a à son actif qu’une poignée de matchs avec ce pourcentage à trois points très satisfaisant mais ce n’est aussi que depuis cette poignée de matchs qu’il a un temps de jeu acceptable. De plus, le shoot était bien présent et mis en valeur dans la colonne « forces » de sa fiche au moment où il a été drafté. Je pense que sur ce point-là on peut raisonnablement penser que l’adresse qu’on voit actuellement est bien celle qui correspond à son niveau de jeu.
C’est décidé, je refuse d’échanger l’ailier contre un futur choix de draft du premier tour. J’espère ne pas avoir à le regretter.
A suivre.