Analyse Vidéo : Tyreke Evans est-il vraiment une grande déception ?
Auteur d’une saison rookie historique, Tyreke Evans n’a depuis jamais réussi à se montrer aussi productif sur le plan statistique ces trois dernières années. Le mariage avec Sacramento consommé, c’est désormais dans la Nouvelle Orleans qu’Evans aura une chance de relancer – dit-on – sa carrière en assurant un rôle de remplaçant de luxe après son contrat paraphé cet été (44 millions sur 5 ans). Alors, Tyreke Evans est-il réellement une de ces étoiles filantes qui n’a jamais confirmé ou les Pelicans ont-ils fait une excellente affaire en le recrutant ?
Jetons un coup d’œil à son profil.
Guillaume (@GuillaumeBInfos)
(Retrouvez les profils vidéo de Brandon Jennings, DeMarcus Cousins, John Wall et Paul George)
Analyse arrêtée à la fin de la saison 2012-13 sans tenir compte du début de saison 2013-14.
C’est de notoriété publique que Tyreke Evans est une réelle déception depuis sa première saison chez les pros. Un feu de paille qui non seulement de ne pas avoir franchi de nouveau palier n’est même pas parvenu à produire d’aussi jolies statistiques. Sauf que l’opinion publique s’attarde sans doute un peu trop sur les chiffres sans tenir compte de tout le reste.
En effet, son rôle au sein de l’attaque des Kings a considérablement changé et explique largement cette production en baisse. Habitué à être le dépositaire du jeu sa première année, la balle a été de moins en moins placée entre ses mains, passant d’option première de Sacramento à un simple élément de l’attaque californienne.
Plus encore, Evans a été baladé sur trois différentes positions tout en passant moins de temps sur le terrain. De 37.2 minutes par match en 2009-2010, il est passé à 31 seulement l’an passé, victime d’un temps de jeu et des rotations trop souvent aléatoires de Keith Smart l’an passé. Il est d’ailleurs important de noter que son nombre de tirs par match est passé de 16.7 à 11.7. Ne prenons donc pas le problème à l’envers : c’est au contraire s’il avait su rester à 20 points par match en jouant avec un rôle à ce point réduit que ça aurait été surprenant. Cela ne veut pas dire que le garçon a perdu son talent, bien au contraire. D’ailleurs, ses statistiques ont chuté mais il a pendant ce temps appris à jouer sans le ballon et son jeu est devenu plus propre (un très bon 47% de réussite au tir et seulement 2.0 turnovers l’an passé, contre 45% et 3.0 tov en tant que rookie).
Souvent utilisé sur l’aile par Sacramento, c’est pourtant pour le poste 2 qu’Evans est parfaitement taillé physiquement. Ses superbes qualités athlétiques ressortent du lot : en plus d’une taille adéquate (6’5, 1m95) et d’une splendide envergure de bras (6’11, 2m06) c’est aussi un joueur très puissant, compact et très solide pour ce poste de second arrière (221 lbs, 99 kg, pour seulement 7.1 d’indice de masse grasse). Il n’est pas extrêmement explosif ni ne possède une détente spectaculaire mais sa fluidité et son contrôle du corps sont tout simplement impressionnants, peut-être un des tous meilleurs athlètes de la ligue de ce point de vue-là.
Un autre domaine où Tyreke Evans fait indéniablement partie de l’élite NBA est son jeu en pénétration. Excellent dribbleur, il utilise justement cette belle fluidité, un fantastique contrôle du corps, sa puissance et de très bons changements de vitesse et direction pour se créer un chemin vers le cercle. Ses très longs bras lui permettent d’ailleurs de compenser sa détente pas extraordinaire. Son premier pas est bon sans être spectaculaire, il n’a pas l’explosivité nécessaire pour monter au dunk à n’importe quel instant mais impressionne de par son hang time et l’équilibre qu’il parvient à conserver une fois en l’air. Il encaisse d’ailleurs très bien les contacts. Grâce à une superbe qualité de dribbles il se montre très créatif pour faire la différence et s’infiltrer dans les petits espaces. De même il est efficace pour provoquer des fautes au cercle (5.4 lancers francs tentés par 40 minutes). Sur du jeu en transition il se montre extrêmement rapide pour se rendre à l’autre bout du terrain sans le ballon pour des paniers faciles, ou peut tout simplement mener la contre-attaque lui-même. Là encore, le jeu en transition demeure un domaine où Evans est l’un des tous meilleurs arrières de la ligue.
Ses capacités sur jump-shot sont en revanche moins impressionnantes. Il n’a jamais été connu comme un bon (voire un correct) shooteur, la faute à de vilains défauts techniques. Son déclenchement du tir est très lent, sa mécanique est peu académique (il ramène trop la balle au-dessus de sa tête). Et surtout il ne s’élève pas verticalement mais retombe vers l’arrière la grande majorité du temps, même lorsque ce n’est pas nécessaire. Conséquence directe, il déclenche son tir lorsqu’il est déjà en train de retomber ou ne conserve tout simplement pas un bon équilibre. En carrière il n’est qu’à 29% de réussite sur jump-shot et n’est notamment pas à l’aise en sortie de dribble.
Il faut cependant noter les nets progrès qu’il a fait récemment. En premier lieu il a démontré sur ISO un bon feeling de temps en temps pour dégainer en sortie de dribble. Particulièrement lorsqu’il shoote en rythme après une série de dribbles ou lorsqu’il prend rapidement confiance dans son tir (un facteur primordial chez lui). En second lieu c’est son tir à trois points en réception de passe – avec appuis déjà établis donc – qu’il a fait beaucoup de progrès (33% l’an passé). C’est encore loin d’être parfait mais il est au moins devenu décent sur ce genre de situations.
Non seulement de pouvoir pénétrer jusqu’au cercle, Evans peut donc attendre dans le corner ou sur l’aile pour ce genre de tir à trois points. Il se montre également très actif sans ballon pour couper vers le cercle et obtenir des paniers faciles, et possède un très bon jeu au poste pour un arrière. Il peut réellement scorer de nombreuses manières et n’a plus besoin de la gonfle dans ses mains pour exister autant que par le passé.
Une polyvalence offensive largement parfaite par de superbes qualités de playmaker pour le poste d’arrière. Il présente de bons instincts de passeur, démontre un bon altruisme et force rarement les choses (l’an passé, il produisait 4.4 passes pour seulement 2 turnovers de moyenne, soit un excellent ratio de 2.2 pour son poste). De par la menace qu’il représente en pénétration, il attire à lui les défenseurs et délivre ainsi de bons ballons pour ses coéquipiers (sur drive & kick, drive & dish, tout en faisant preuve d’une belle vision du terrain). De plus, Evans affiche un très bon feeling sur Pick & Roll, en démontrant patience, contrôle du corps et en délivrant de jolies passes selon des angles différents. Rien ne dit qu’il deviendrait un des meilleurs passeurs de la ligue si repositionné en meneur de jeu (bien que ce soit une adaptation qu’il pourrait tenter). Mais par rapport strictement à son poste naturel de second arrière, toutes ces qualités de playmaking dont il a fait preuve sont au-dessus de la moyenne.
De manière générale on pourrait reprocher à Tyreke Evans de manquer de régularité et même d’intensité par moment. Mais cela peut largement s’expliquer par le contexte pas forcément favorable qu’il a connu à Sacramento (temps de jeu irrégulier, rôle offensif diminué, disfonctionnement général de l’équipe). En tant que rookie lorsqu’il était la première option de l’équipe et en portait les responsabilités il n’a jamais eu aucun problème de cet ordre (20.1pts – 5.8ast – 5.3rbs) ce qui tend à confirmer que les conditions dans lesquelles il fut placé par la suite ne sont pas étrangères à cette irrégularité.
Défensivement, Tyreke Evans est capable de se montrer très performant même s’il est parfois inconsistant dans son effort.
Sa défense sur l’homme est excellente. Particulièrement en ISO où il peut se montrer oppréssant de par une belle vitesse latérale et des qualités de force, taille et longueur de bras au-dessus de la moyenne. Il se bat également bien face aux écrans. Sacramento aimait beaucoup switcher sur Pick & Roll, mais Evans a su démontrer une belle combativité dans l’exercice les fois où il fut appelé à le faire. Le seul défaut que l’on pourrait trouver à sa défense sur l’homme est le fait qu’il tente un peu trop souvent de jouer l’interception plutôt que de se montrer patient ou de faire l’effort de rester en face de son vis-à-vis jusqu’à la fin de l’action.
Loin du ballon, son rendement défensif est un peu plus irrégulier. Il fait preuve d’une vivacité et combativité intéressantes pour suivre un arrière à travers différents écrans, ainsi que d’une belle anticipation sur les trajectoires de passes (1.8 interceptions par 40min). De plus, Evans est capable de venir aider efficacement sur prise à deux pour forcer une perte de balle adverse. En revanche, son principal défaut demeure le fait qu’il est parfois trop attiré par le ballon. Il peut faire preuve d’une belle rigueur et d’une belle attention par moment mais laisse encore filer trop d’actions à cause de ce défaut. Que ce soit parce que son regard est tourné vers l’action et qu’il perd le contact visuel avec son homme, ou parce qu’en voulant aider trop souvent sur le porteur du ballon (principalement au poste) il délaisse son propre vis-à-vis et en paye le prix derrière. Même lorsqu’il joue les trajectoires de passe il semble parfois prendre de trop gros risques.
Plus généralement, Evans est tout à fait capable de se montrer redoutable défensivement, notamment grâce à de très belles qualités physiques bien utilisées. Mais ses efforts sont parfois inconstants, et plus encore il semble manquer d’une véritable rigueur défensive de tout instant, qui l’empêcherait par exemple de commettre des fautes en recherchant l’interception ou de laisser trop d’espace à son attaquant en venant aider dangereusement. Là aussi, ce serait intéressant de le voir évoluer dans une formation plus dévouée à la défense (ce que Sacramento n’a jamais été) pour se rendre compte de s’il pourrait se montrer au niveau.
Tout bien pris en compte, impossible de ne pas penser qu’il reste encore de belles saisons à tirer de Tyreke Evans. Le fait qu’il ait déçu, du moins sur le plan statistique et aux yeux du public, pour de multiples raisons indépendantes de sa volonté après une superbe première année en NBA laisse sans doute les fans sur leur faim. Mais le garçon n’a que 24 ans, et si ses stats ne sont plus aussi éblouissantes qu’auparavant, les choses qu’il parvient à faire sur un terrain demeure au moins aussi bonnes qu’à ses débuts si ce n’est plus.
Véritable talent offensif, très plaisant à voir jouer de par son superbe jeu en pénétration ou sa capacité à distribuer d’excellents ballons, Evans semble en plus sur une bonne dynamique de progression concernant son jump-shot, la principale faiblesse de son jeu. Déjà très satisfaisant en défense, il pourrait l’être encore plus au sein d’une équipe plus solide de ce point de vue-là ainsi qu’en acquérant une maturité et une plus grande rigueur de ce côté-ci du terrain.
Pour le moment à New Orleans dans rôle de remplaçant de luxe, Tyreke Evans pourrait démontrer toute l’étendue de son talent en tant que leader de la second unit. Et si l’expérience venait à ne pas fonctionner (à l’inverse d’un James Harden ou d’un Jason Terry, Evans a devant lui deux vrais titulaires méritant entre 30 et 40 minutes de jeu par rencontre), il pourrait servir de belle monnaie d’échange et atterrir dans une nouvelle équipe prête à lui donner tout le temps de jeu et l’importance que Sacramento ne voulait pas lui donner ou que New Orleans pourrait ne pas pouvoir lui donner.
Retrouvez aussi :
Brandon Jennings – DeMarcus Cousins – John Wall – Paul George
Sympa l'analyse, j'ajouterai juste que son shoot en suspension raide est inéficace, mais quand il le fait quasiment en fade away il rentre beaucoup plus souvent. On sent qu'il a voulu corriger ça pour avoir un shoot plus orthodoxe mais ça ne marche pas du tout.
Pour moi il a déçu plus que dans l'impact statistique. Lui qui avait une belle vision du jeu j'ai l'impression qu'il ne voit plus le jeu… Il manque d'envie aussi.
Merci encore une fois pour ce travail :)
J'ai une petite demande : est ce qu'un profil d'Andre Drummond est dans tes plans ? Il semble continuer sa progression et comme je n'ai pas vu de match de Détroit cette saison (à mon grand regret), un profil de ce genre serait utile pour se faire une idée du type de joueur qu'il est au delà de ses stats.
Merci :)
Salut (et merci). Oui en effet c'est largement envisageable dans le futur, pour l'instant il n'a qu'une petite vingtaine de match de titulaire dans les jambes mais c'est effectivement un cas très intéressant :)