Ses anciens coéquipiers racontent Kawhi Leonard, l’infatigable bosseur silencieux
A son arrivée en NBA Kawhi Leonard n’était pas destiné à devenir une superstar, drafté en 15ème position par les Pacers et échangé aux Spurs. Mais à San Antonio il a connu une ascension fulgurante, élu MVP des finales dès sa 3ème saison, puis défenseur de l’année et candidat au titre de MVP. Personnage mystérieux, très peu extensif, là où il s’épanouit c’est dans le travail et le basket. Et il a toujours été comme ça comme le racontent ses anciens coéquipiers et coéquipiers de San Diego State à The Athletic. Le recruter a été une épreuve…
Tim Shelton, ailier de l’équipe : Il était probablement un des joueurs les plus difficiles à recruter de ce niveau de talent. (Elu California’s Mr. Basketball en 2009) Ce n’est pas le gars qui allait vous envoyer des textos, décrocher son téléphone et vous parler. Il ne le faisait pas.
Justin Hutson, assistant coach: Je ne dirais pas difficile, mais différent. Tu ne pouvais pas l’avoir au téléphone. J’allais le voir à son lycée.
Shelton: C’est en partie pour cela que les équipes de la Pac-12 n’ont pas fait plus d’efforts. Elles étaient genre « Nous n’arrivons pas à appeler et à lui parler. Il ne veut tout simplement pas nous parler. »
Une seule chose obsédait Kawhi, la salle
DJ Gay, arrière de l’équipe : J’ai fait faire la visite officielle à Kawhi et la seule chose qu’il voulait c’était d’aller à la salle. Nous étions là « Kawhi, qu’est-ce que tu veux faire ? » Et il répondait « Allons bosser. Allons faire des shoots. Jouons. »
Shelton: Il s’est présenté « Je suis Kawhi, comment ça va ? » Mais si vous essayiez de lui parler, il était genre ‘C’est cool, tout va bien, pour l’instant c’est cool, c’est bien.’ Puis il a attrapé un ballon et est allé shooter. Même durant sa visite.
Gay: Je crois que nous avons commencé notre journée en faisant des 2-contre-2 et nous l’avons terminée en faisant des shoots. C’est ce qu’il voulait faire. Il voulait bosser. Honnêtement quand il est parti, je n’avais aucune idée de ce à quoi m’attendre. Il n’avait pas dit grand-chose. Il voulait juste jouer au basket. Je ne savais pas du tout si nous allions pouvoir l’avoir ou pas. J’ai dit à coach Fisher : « Je suis désolé, je ne sais pas quoi vous dire, il n’a pas dit grand-chose. »
Il a finalement choisi San Diego State où pendant ses deux saisons il a montré qu’il était un incroyable bosseur.
Dave Velasquez, assistant coach: Mon histoire favorite sur Kawhi c’est quand il est arrivé à San Diego State lors de son année freshman. Il avait un cours de math à 8h et un cours d’anglais à 10h. C’était comme ça du lundi au jeudi et c’était vraiment difficile. Notre boulot était de nous assurer que les freshmen étaient prêts pour le cours de 8h. Donc nous tapions sur les portes des chambres du dortoir à 7h30. Quand il fallait trouver où était Kawhi pour son cours à 8h, il était à la salle à prendre ses propres rebonds.
Gay: C’est de loin le plus gros bosseur que j’ai rencontré et que je connais.
Alex Jamerson, manager: De toute ma vie, je n’ai jamais vu quelqu’un bosser plus dur que lui. J’arrivais tôt à la salle pour tout installer pour l’entraînement. Je me disais : « Oh, je vais être le premier à la salle pour faire la mise en place. » Et quand j’apportais les ballons, il en avait déjà un ou deux avec lui et il shootait dans le noir. Tout seul.
Pour entrer dans cette salle, destinée plutôt aux volleyeurs, une clé n’était pas forcément nécessaire, mais il y avait une petite manipulation à faire pour entrer dans la salle. Seul souci, sans la clé, il était impossible d’allumer les lumières. Pas un souci pour Kawhi Leonard
Shelton: Kawhi avait une lampe. Il était souvent tard à la salle sans lumière, donc il apportait une lampe. Il shootait avec sa lampe.
Bosser faisait partie de son quotidien, même l’été.
Jason Deutchman, arrière de l’équipe : Nous avions perdu au premier tour du tournoi NCAA lors de ma saison senior. C’était un jeudi et j’ai pris un peu de repos durant le weekend, genre « Je vais commencer à m’entraîner lundi. » J’y étais allé le lundi soir, trois jours après notre défaite, et il était déjà là.
Coach Velasquez: Le samedi matin nous bossions la condition physique et bien sûr il se donnait à fond et était toujours premier. Puis à la fin de la séance, tout le monde rentrait chez lui, mais lui il restait à la salle.
Gay: J’ai essayé à plusieurs occasions de le battre, mais peu importe à quel point j’arrivais tôt, il était déjà là. Puis j’essayais aussi de finir après lui, mais c’est arrivé à un point où je me suis dit que je ne pouvais plus le faire.
Coach Hutson: Connaissant Kawhi, il restait sans doute jusqu’à ce que tout le monde soit parti. Et je ne rigole pas.
Lors des entraînements, il parlait un peu, mais toujours le strict minimum. Il était obsédé par la défense et le rebond.
Gay: Là où il parlait le plus, c’était sur le terrain, et il n’avait pas peur de vous dire que vous n’alliez pas scorer face à lui, que vous ne pouviez pas le déborder ou alors qu’il pouvait scorer sur votre tête. À chaque fois qu’il scorait, il lâchait « Panier. Panier. » C’est tout
Tyrone Shelley, arrière: La plupart des gens disent ‘Oh, je vais te mettre des paniers sur la tête.’ Mais lui il était là : « Panier, layup. » Juste un mot.
Shelton: Il était genre « Tu ne scores pas. Tu ne fais rien. » Ou alors il disant ‘Non, non, non. » Il bougeait ses pieds et disait « Non. »
Gay: Tu ne pouvais pas scorer face à lui alors il te disait « Nope, nope, nope. » Et quand il marquait face à toi, il lâchait « Panier. Panier »
LaBradford Franklin, arrière: Quand il prenait un rebond, il disait « Donne-moi ça » ou « Rebondeur. » Ou « Le rebondeur se fait payer. »
Coach Hutson: Il le répétait « rebondeur. Je suis un rebondeur. » Il disait ça, absolument : « Je suis un rebondeur. Oui, je suis un rebondeur. Le rebondeur se fait payer. » Il parlait avec des phrases comme ça. »
Franklin: Ce qui m’a marqué c’est que tout le monde voulait scorer ou shooter à 3-pts, mais lui il voulait prendre tous les rebonds. Et une des phrases qu’il disait toujours c’était « Le rebondeur se fait payer. » Le rebondeur il est payé, c’est vrai. Il répétait ça chaque jour. Il retirait de la fierté de ça. La défense et prendre les rebonds ce sont deux choses que vous ne voulez peut-être pas faire, ce ne sont pas les trucs les plus sexy, mais il retire de la fierté de le faire. Il s’en souciait (il a été deux fois meilleur rebondeur de sa conférence)
Shelton: Les gars à la sortie du lycée avaient du mal avec la défense en aide. Kawhi avait fait la remarque à Coach Hutson, qui était le coach défensif à l’époque : « Je ne comprends pas coach. Pourquoi ils ne restent pas devant leur adversaire comme je le fais ? Pourquoi est-ce que je dois aider ? » C’est le seul commentaire que je l’ai entendu faire sur la défense « Ils devraient rester devant leur adversaire direct comme je le fais. »
Coach Hutson: On parlait des rotations défensives et comment aider. Il était respectueux, mais cela le frustrait énormément, il disait « Pourquoi est-ce que tout le monde ne peut pas rester devant son joueur ? » C’était ses mots : « Pourquoi est-ce que tout le monde ne peut pas défendre sur son joueur ? »
Kelvin Davis, arrière: Dans sa tête, tout le monde était censé faire ce qu’il faisait. Mais il ne réalisait pas que tout le monde ne pouvait pas faire ce qu’il faisait. C’était un cauchemar ambulant. »
Gay: À l’entraînement il nous disait ‘N’aide pas, je n’ai pas besoin d’aide, c’est bon, je n’ai pas besoin d’aide. » Il était comme ça, c’était sa mentalité. « Je n’ai pas besoin d’aide, pourquoi est-ce que tu as besoin d’aide ? » Mais cela nous rendait meilleurs parce que c’était un défi pour nous : si Kawhi n’a pas besoin d’aide, je n’ai pas besoin d’aide non plus. Et nous sommes devenus une des meilleures défenses de tous les USA cette année-là.
À noter aussi qu’il se plaignait très souvent des fautes commises sur lui.