[Série de l’été] New York Streetball : Brooklyn Bridge Park – Pier 2
Dernier volet de cette série consacrée aux playgrounds new yorkais. Cette semaine : Brooklyn Bridge Park, le plus récent. Un véritable paradis basket.
A travers cette série, on s’est beaucoup tourné vers le passé. Normal, l’histoire du basket à New York, c’est ce qui en fait « The Mecca ». Les critiques diront qu’entre la pénurie de titre NBA depuis 1973, sans oublier le peu de joueurs du cru qui ont explosé en NBA ces dernières années, c’est tout ce qui lui reste. Mais se limiter à cet angle de vue, ce serait mal connaître la véritable passion de la ville pour ce sport, l’air de la grosse balle orange qui y plane en permanence, comme peut-être nulle part ailleurs. Une atmosphère qui est loin d’être putréfiée, puisqu’elle se renouvelle en permanence. Pour s’en tenir au streetball, en témoignent la relance du tournoi au Rucker et les visites toujours actuelles de joueurs NBA et stars du hip hop, les bambins qui viennent se frotter aux anciens à The Cage, le Dyckman qui en 20 ans est devenu un immanquable pour tout pèlerin qui se respecte, sans oublier le bonheur que procure toujours Great Lawn, le plus oxygéné des playgrounds new yorkais. Surtout, ce serait omettre les constructions plus récentes comme Brooklyn Bridge Park, qui nous amène en-dehors de Manhattan et apporte une dimension minérale plus qu’agréable.
Si un dieu fan du jeu pointait son doigt bâtisseur sur une location de rêve, ces 5 terrains n’en seraient pas loin. Posés sur une jetée au bord de l’East River (Pier 2), avec les gratte-ciels et le Brooklyn Bridge en toile de fond, le décor a plus que de la gueule. La qualité des équipements, qui ont tous moins de dix ans, est également au top (on pointera juste un ou deux arceaux un peu de travers çà et là). Même passé les 40 degrés, l’air vient vous caresser l’épiderme d’un souffle apaisant. Deux courts sous un hangar ouvert, trois à l’extérieur, l’ensemble dans un alignement parfait, qui donne à la fois l’impression de se retrouver dans un grand gymnase, mais avec aussi une partie ouverte, quasiment comme pour un centre aquatique les jours d’été. C’est aussi comme si tout ce coin de la ville était dédié au basket, vu sa situation isolée à l’extrême ouest du Park, telle une île. Les locaux comme les dépendants du métro ne s’y donnent d’ailleurs pas rendez-vous sans raison. Que ce soit les gamins de Brooklyn, dont c’est devenu le repère – au dam des bourges du coin, qui se plaignent du bruit – ou ceux qui se sont fait séduire par ce nouveau lieu. Et si l’histoire y manque, la modernité comme la vue viennent compenser.
La qualité des joueurs aussi. Evidemment, il y a aussi des petits gamins, voire quelques amateurs pas forcément très affutés. Mais avec 10 paniers à se partager, les meilleurs ont vite fait de trouver leur espace – et le conserver. On assiste ainsi à un premier match, où un shooteur blanc de peau, avec aussi de bonnes qualités athlétiques, fait sobrement le show. Sur la touche, les suivants se lâchent plus : « Oh, I’m gonna watch this game. Now this is the game to watch here ! », gueule un des observateurs. Très vite, il repère le débardeur que porte notre artiste du Spalding, estampillé université de Boston. Ça ne loupe pas, le surnom est trouvé : « Straight Outta Boston » ! Et la jacte continue, toujours en référence au film sur N.W.A. : « Yo, Straight Outta Boston is schooling you guys ». Sauf qu’en face, un sniper a décidé de fermer le rideau. Trois triples enfilés comme des perles. « Next ».
Pendant que la deuxième partie commence, on va discuter un peu avec les ballers. « Ouais, ce Park est vite devenu populaire, y’a des gars qui viennent d’un peu partout en fait. Aujourd’hui, il fait vraiment chaud. D’habitude tu peux avoir encore plus de monde », nous raconte l’un d’eux. Quelques joueurs de renom sont-ils déjà venus y fouler l’asphalte ? « Pas que je sache, mais quand Under Armour fait son Elite 24, ça envoie bien », répond-t-il, en référence à l’événement produit par la marque de Stephen Curry, avec un match pour les collégiens, un pour les lycéens (type McDo All-American), un concours de dunk et un de trois-points. Il ne serait donc pas étonnant d’y voir d’autres exhibitions voire tournois s’y implanter. Mais encore une fois, le lieu se suffit à lui-même. Presque avant même d’y arriver en fait. La sortie du métro dans le quartier pittoresque de Brooklyn Heights, l’arrivée via Dumbo dans le parc et la promenade au bord de l’eau, les pelouses et les pierres, la vue impayable… difficile de faire mieux.
Retour à l’action. Alors qu’on était partie faire d’autres photos sur les bitumes avoisinants, on revient à un moment de discussion. Les perdants ne veulent pas casser leur groupe – et voient un match de repos d’un bon œil par cette canicule – les vendeurs de Gatorade et bouteilles d’eau font un sacré bénef soit dit en passant. Or il manque un joueur au groupe suivant. L’un d’eux se tourne vers votre serviteur : « Wanna play ? ». Petit instant d’hésitation et puis bon, si ça peut aider, autant y aller. D’autant que ce n’est pas non plus comme s’il fallait se frotter à la crème de la crème (qui est restée à l’ombre au vu de la pointe de chaleur ce dimanche… heureusement pour ma pomme d’ailleurs !). Niveau match-up, j’ai surtout eu beaucoup du bol : le gars était costaud mais n’avait pas trop envie de courir. Après des débuts timides et quelques écrans, un nouveau coéquipier m’encourage à prendre plus ma chance. Quelques tentatives seront finalement fructueuses et j’ai pu prendre du plaisir sur plusieurs actions, mais on perd finalement le match. Soulagé de ne pas être passé complètement à côté (ç’aurait facilement pu être le cas avec un gadjo plus vif sur le paletot, je vous l’assure), mais vraiment déçu qu’on ait perdu. Le rendez-vous est pris pour une revanche. Ce sera une bonne excuse pour revenir sur ce spot, peut-être en train de devenir le meilleur de la ville d’ailleurs…