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Shabazzcadabra, un petit tour et puis s’en va : l’extraordinaire carrière banale de Shabazz Muhammad

L’article ci-dessous revient en profondeur sur la fascinante carrière de Shabazz Muhammad, ancienne superstar en High School, et se décompose en deux grandes parties : la première sur ses performances invraisemblables en NBA ainsi que son parcours atypique, la seconde sur son profil de jeu, sur le pourquoi a-t-il échoué, le comment aurait il pu faire mieux et sur les leçons de scouting plus théoriques que l’on peut déduire de son cas. Disponible en PDF ici. Bonne lecture.

Guillaume (@GuillaumeBInfos)

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Il n’existe qu’un seul et unique Shabazz Muhammad.

Parmi les centaines de joueurs ayant foulé un parquet NBA ces vingt dernières années, la carrière de Muhammad se distingue de manière franche et distincte de ses pairs par la dualité on ne peut plus paradoxale de son cursus professionnel.

D’une part, le cas de Shabazz Muhammad est celui d’une banalité affligeante de l’ancien lycéen star qui ne réussit pas en NBA. Ils sont pléthores et suivent le même schéma : précocité physique impressionnante par rapport aux jeunes de son âge lui permettant de dominer allègrement sur ce simple différentiel. Une facilité qui ne les pousse pas à travailler tout le reste (skills, compréhension du jeu, défense, etc.) pour se faire repérer. Sauf qu’une fois arrivé en NBA et face à des athlètes au moins aussi impressionnants, le différentiel physique à la base de leur jeu n’existe plus alors que dans le même temps leurs failles de développement est plus criant que jamais. La seule chose qui soit encore plus banale que son parcours de lycéen déchu est sa carrière en elle-même : moins de 5000 minutes en cinq années NBA, dans des équipes bien moribondes (29 minutes de playoffs en carrière) et jamais un vrai rôle ni temps de jeu important. Quelques 2500 points inscrits « dans le vide » plus tard, la NBA disait au revoir à l’ancien teenager phénomène.

D’une part donc, un cas tout à faire classique. Un destin vu et revu. Une carrière anecdotique. Presque inintéressant.

D’autre part cependant, la carrière de Shabazz Muhammad ne pourrait être plus fascinante si on sait où regarder. Statistiques insensées, histoires incroyables, anecdotes loufoques, chiffres sans queue ni tête et style de jeu unique : l’extraordinaire carrière pourtant complètement anodine de Shabazz Muhammad est une œuvre d’art.

Un phénomène d’une unicité singulière.

 

 

Le Roi Shabazz

Mettons directement les pieds dans le plat : la statistique la plus incontournable de la carrière de Shabazz Muhammad ? Les Points par Touche.

Depuis quelques années la NBA utilise des Tracking Data, c’est-à-dire collecte des informations de positionnement de chaque joueur à chaque instant de chaque match (et du ballon) pour en tirer des données toutes plus intéressantes les unes que les autres : le nombre de fois où un joueur touche le ballon, la distance qu’il parcoure durant un match, les types de tir tentés, les drives, les qualités de passeur et bien d’autres choses.

Et donc entre autres, les Points par Touche. Autrement dit c’est la productivité d’un joueur par rapport au nombre de fois où il est en possession du ballon. Sans grande surprise le roi de cette catégorie dans la grande ligue n’est autre que Klay Thompson. Le Warrior est à la fois un shooteur d’élite et un superbe joueur sans ballon, ayant eu la chance d’évoluer dans une équipe aux nombreux porteurs de balle de qualité (Curry, KD, Draymond, Livingston, Iguodala, etc.). Il réunit donc tous les critères : toucher peu la balle, mais scorer souvent dès que c’est le cas. Parmi les joueurs avec un temps de jeu non négligeable (15min/m et 30 matchs minimum) Thompson domine la NBA : 1e en 2013-14, 2e les trois saisons suivantes, 8e en 2018 et 3e en 2019 avant de se blesser.

Sur cette période de sept saisons pour lesquelles ces données sont disponibles, Klay domine de la tête et des épaules la grande ligue sur ce critère. Sa meilleure performance sur une saison ? 0.479 Points par Touches, en 2013-14. Une performance même reproduite les deux années suivantes (0.473 et 0.475). Quasiment un demi-point de garanti à chaque fois que Klay touche la balle durant un match.

Presque 0.5, mais pas tout à fait cependant. Sur cette période de 2013-14 à 2019-20, il n’existe qu’un seul joueur qui ait réussi à franchir cette barre des 0.5 Pts/Touche. Et ce n’est ni Klay Thompson, ni Kawhi Leonard, ni même Stephen Curry ou Kevin Durant. Le seul et unique joueur NBA ayant réussi cet exploit ?

Shabazz Muhammad.

Deux fois.

En 2014-15 pour seulement sa deuxième saison NBA, Muhammad poste un incroyable 0.528 Points par Touches. 1e de NBA loin devant son dauphin, Klay Thompson à 0.473 « seulement ». L’année suivante en 2015-16, Shabazz se contente de 0.487 Pt/Touches, en dessous de la barre symbolique des 0.50…mais tout de même 1e de NBA et surtout le 3e plus haut total de ces 7 dernières saisons. En 2016-17 Shabazz renoue avec ses standards : 0.528 Pt/Touches, exactement le même score que deux ans auparavant. Son dauphin pour la troisième saison consécutive, Klay Thompson, rame avec à peine 0.467 Pt/Touches.

En termes de productivité c’est tout bonnement fantastique.

Shabazz Muhammad n’est pas simplement le seul et unique joueur NBA à avoir dépassé la barre des 0.5 Point par Touche durant cette période. Ce serait trop simple, trop banal. Il l’a aussi et surtout réalisé deux fois. Deux fois plus que la totalité des saisons combinées de tous les joueurs ayant foulé un parquet NBA depuis 2013. Mais ce n’est pas tout : Muhammad ne s’est pas seulement emparé du record : il l’a pulvérisé. Atomisé.

En grimpant jusqu’à 0.528 Pt/Touche Shabazz s’est détaché du reste du commun des mortels de manière ahurissante. Il existe le même écart entre la meilleure performance de Shabazz Muhammad (0.528) et son dauphin Klay Thompson (0.479) qu’entre ce dauphin et le 36e du classement (Norman Powell, 0.430 Pt/Touche en 2019-20). Incroyable.

Encore plus incroyable ? Shabazz aurait quand même pu être premier du classement, poster la toute meilleure saison de ces sept dernières saisons tous joueurs confondus même si on lui retire ses deux saisons au-dessus de 0.50 : même sa troisième et pire performance (0.487 Pt/Touches en 2015-16) est au-dessus de ce que Klay Thompson ou n’importe qui d’autre a pu produire.

Les trois saisons consécutives postées par Shabazz Muhammad de 2014-15, 2015-16 et 2016-17 sont tout simplement les trois meilleures marques existantes depuis la création de la statistique. Performer sur une seule saison peut s’expliquer par un petit coup de pouce heureux du hasard. Le faire sur deux saisons c’est déjà réduire drastiquement la probabilité que la chance ait pu jouer un rôle important dans cette performance. Trois saisons consécutives, c’est complètement effacer ce facteur aléatoire : les performances de Shabazz ne sont pas du vent. Elles sont à prendre en tant que telles.

Les Tracking Data nous permettent même de disséquer encore un peu plus ses performances vis-à-vis de ce critère : notamment, séparer de la stat générale des Points par Touche toutes les possessions au poste bas, au poste haut et dans la raquette pour voir comment les joueurs s’en dépatouillent spécifiquement dans chacune de ces zones.

En ce qui concerne le poste haut, également appelé l’Elbow (coude de la raquette), relativement aux autres joueurs NBA étant utilisés au moins autant que lui dans cette zone Shabazz termine 2e de toute la ligue en 2015-16 derrière Sean Kilkpatrick avec 0.987 Point par Elbow Touch, puis 5e en 2016-17 en augmentant cependant son score à 1.00 Point par Elbow Touches.

Pour le poste bas Shabazz n’est pas en reste : 1e de NBA en 2014-15 avec quasiment 0.697 Pt/Touche au poste (devant des Chris Bosh, Jonas Valanciunas ou Kevin Love). Puis 6e de NBA avec un score assez similaire en 2015-16 (0.669) avant de remonter à la 2e place du classement en 2016-17 (0.747 Pt/Touches). Si le voir dominer depuis le l’Elbow n’est pas si surprenant que ça (les extérieurs opérant fréquemment depuis cette zone), le voir briller à ce point sur du jeu au poste bas dénote tout de même un peu plus. Les intérieurs sont généralement les joueurs qui trustent le plus ces premières places de par leurs kilos et centimètres supplémentaires pour faire la différence.

Mais Shabazz ne s’arrête pas là : il chasse carrément les intérieurs sur leur zone de prédilection, la raquette. Sur les Points par Paint Touches il se classe tout simplement 2e de NBA en 2014-15 à un cheveu d’Anthony Davis (1.066 contre 1.067) et devant des colosses comme Hassan Whiteside, LaMarcus Aldridge ou Dwight Howard. L’année suivante, en 2015-16, rebelote : 1.029 Pt/Touche et 4e du classement derrière Carl Landry, AD et Aldridge.

C’est tout bonnement absurde. Un arrière n’est pas supposé scorer avec plus de régularité que presque l’intégralité des intérieurs NBA par nombre de fois où il touche la balle proche de l’arceau.

Notez bien par ailleurs que contrairement à certaines saisons sur l’Elbow et au poste bas où les échantillons sont assez faibles, Shabazz jouait plus de 4.5 possessions par match dans la raquette. Un total assez conséquent (identique à Serge Ibaka par exemple). Alors que Shabazz joue au coude à coude la première place avec Anthony Davis, le prochain arrière dans le classement n’est autre que Jimmy Butler…à la 28e place. Aucun autre extérieur cette année-là ne passe le critère du 4.5 Touches/m dans la peinture. Du haut de ses 1m98/6’6 Shabazz produit autant de points si ce n’est plus qu’un bon paquet d’intérieurs à la taille impressionnante, aux bras interminables et à la verticalité plus grande.

En somme au cours de cette période de trois années Shabazz fut à la fois le joueur le plus productif de NBA au poste bas et (quasiment) le joueur le plus productif au panier, sur un laps de temps long d’au moins une saison. Si vous l’aviez vu venir, jouez au loto. Shabazz a non seulement mené la NBA au nombre général de Points par Touche, une anomalie statistique totalement non intuitive en elle-même…mais il le fait en plus en marchant sur les plates-bandes de joueurs qui ne sont pas censés boxer dans sa catégorie.

Comment ? Pourquoi ?

Comment est-ce possible que ce simple role player ait pu dominer de la tête et des épaules une ligue qui l’a pourtant exilé en paria quelques mois plus tard ? Comment un joueur aussi insignifiant n’ayant jamais réellement fait son trou en NBA a pu devancer l’élite de l’élite sur ce critère statistique de productivité et rentabilité de scoring ? La question inverse est d’ailleurs tout autant intéressante, si ce n’est plus : comment et pourquoi un joueur à ce point implacable pour rapporter des points n’a jamais réellement réussi à faire son trou en NBA ?

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A propos des Pts/Touche

Pour répondre à cette question il suffit de revenir sur cette statistique particulière et de comprendre ce qu’elle exprime réellement.

Cette stat des Points produits par Touche est simple : elle divise le total de points inscrits par le nombre de fois où le joueur touche la balle. Aussi simple que ça. Ce que cette stat exprime c’est donc la productivité du joueur par rapport au nombre de fois où la gonfle est entre ses mains. Ce que cette statistique n’exprime pas, à l’inverse, c’est la manière dont le joueur se comporte avec la balle dans les mains, la synergie collective qu’il est capable de créer (ou non) quand il a la balle, la diversité (ou non) de sa palette de scoreur, et bien d’autres choses.

Cette statistique n’est absolument pas un bon moyen de calibrer la valeur globale d’un joueur, mais elle est peut se montrer relativement pertinente dès lors qu’on a conscience de sa définition et de ses limites.

L’erreur à absolument éviter est de penser qu’on peut évaluer tout type de joueur sur le même pied d’égalité sous ce critère-là. Les porteurs de balle dominants voient la gonfle transiter entre leur main bien trop souvent pour réaliser de bons scores. Il en va de même pour la majorité des meneurs de jeu, dont le simple métier de remonter la balle pour jouer une possession rajoute un nombre gigantesque que « Touches » totalement inutile et même handicapante pour ce critère : des touches qui ne débouchent pas sur des points mais n’en avaient de toute manière pas la prétention. Pour évaluer la rentabilité de ces distributeurs omniprésents, aller chercher du côté des Points par Tir Tenté semble par exemple un moyen plus pertinent.

Est-ce à dire pour autant que la statistique des Pts/Touche reste totalement gadget, anecdotique, sensible aux bizarreries et dominée par des profils (trop) particulier ? Que nenni.

Une fois sortit de ce registre de chef d’orchestre omniprésent touchant bien trop la balle pour rendre la statistique intéressante, les Pts/Touche s’avèrent une information plus appropriée pour évaluer des profils plus scoreur. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le nom de Klay Thompson réapparaît aussi souvent parmi les plus productifs de la ligue. La stat ne ment pas : c’est réellement une bonne idée que d’appeler un système pour que la balle finisse dans les mains de Thompson. Le fait que des joueurs comme JJ Redick, Bojan Bogdanovic, TJ Warren, Doug McDermott, Terrence Ross, Nick Young ou Eric Gordon brillent eux aussi sur ce critère nous conforte également dans nos croyances visuelles et nos instincts non-chiffrés. Pareillement pour les Pts/Paint Touches : voir Anthony Davis scorer avec une fréquence deux fois supérieure à celle de Zaza Pachulia semble une information en laquelle on peut avoir confiance étant donné leur différence d’atouts pour marquer près de l’arceau (taille, envergure, explosivité, agilité, toucher de balle, etc). Ça a du sens.

Notez bien la définition d’un Touche ici : un moment où le joueur possède le ballon. Et non pas une touche physique tel l’instant où le joueur est en contact avec le ballon. Autrement dit une Touche peut être constitué d’un simple tir immédiat comme d’une dizaine de dribble, d’une fraction de seconde comme d’une possession entière de 24s. Là est d’ailleurs toute la vertu de cette stat des Points par Touche : faire fi de la dimension temporelle. Evaluer qui peut nous obtenir un panier quand on lui donne la balle, qu’importe la manière ou le temps qu’il passe pour prendre son tir. C’est pour cette raison que l’on retrouve à la fois des spécialistes du jeu sans ballon (Redick, Klay, McDermott), tout comme des profil hybride (Booker, Warren, Bogdanovic) ou carrément des superstars. Kevin Durant sa dernière saison à OKC, ou Paul George et Kawhi Leonard (tous deux en 2018-19 avant de rejoindre les Clippers) ont par exemple établit les 12e, 13e et 14e meilleur score de NBA de ces sept dernières saisons tous joueurs confondus.

La stat n’est pas un artifice gadget dominé par certains spécialistes atypiques.

Impossible de discréditer les performances de Shabazz Muhammad par conséquent. D’autant plus sur un échantillon aussi important de trois saisons où le facteur chance seul n’a pas pu jouer un rôle très important. Mais alors, comment expliquer cette anomalie de voir le nom de Shabazz, banal role player pas si impressionnant que ça, dominer à ce point la totalité de la meilleure ligue de basket au monde sur une statistique tout ce qu’il y a de plus légitime ?

L’ingrédient primordial pour briller dans cette catégorie est assez simple : il faut tenter sa chance le plus souvent possible. Dans le cas de Shabazz, cette tendance n’est pas une simple manière de faire dont il a su s’accommoder : faire appel à soi-même est l’essence même de son jeu.

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Trou Noir intersidéral

Shabazz est ce qu’on appelle un trou noir sur un terrain de basket.

Tels ces astres célestes dont le champ gravitationnel est d’une intensité trop phénoménale pour qu’aucune lumière ni matière ne s’en échappe, aucun ballon qui atterrit entre les mains de Shabazz Muhammad ne peut jamais en ressortir. Shabazz est le bout de la chaîne, la fin du système de jeu, celui qui prend le tir et ainsi conclut la possession. Que ça soit le but de l’opération ou non, notez bien.

D’une part ses limitations pour créer pour autrui amènent de toute façon ses entraîneurs à ne pas appeler des systèmes l’utilisant dans un rôle de distributeur et/ou de créateur de milieu de chaîne. Si un système est lancé pour lui, c’est quasi exclusivement pour le mettre dans une position de tenter sa chance.

D’autre part, et surtout, Shabazz impose de facto d’être le bout de chaîne. Même si le système est censé se prolonger, la balle supposée continuer à tourner ou même si le jeu se libère à d’autres endroits du terrain, Shabazz s’en fiche : il tente sa chance. Shabazz ne connaît qu’une seule façon de jouer et de penser sur un terrain de basket : la sienne, par et pour lui-même.

Les conséquences de cette mentalité sont évidentes dans le calcul des Points par Touche : en prenant un tir dès qu’il le peut Shabazz éradique de son jeu une énorme quantité de Touches « inutiles » où il ne fait que passer la balle. Même s’il ne rentre pas le tir à chaque fois et même s’il n’a que 40% de réussir son panier, ce sont 40% de chances supplémentaires de récolter des points sur cette Touche-là que s’il s’était contenté de faire tourner la gonfle. C’est mathématique.

Tentons de le démontrer de manière concrète plutôt que se contenter d’observation sur sa mentalité : qu’en est-il du ratio entre le nombre de tirs tentés et le nombre de Touches ? Les preuves sont irréfutables : en 2014-15 Shabazz est 1e de NBA avec un ratio de 0.417, loin devant son dauphin Nick Young à 0.39 de ratio. Dit autrement Shabazz prenait un tir toutes les 2.3 fois où il touchait la balle. À l’inverse cette saison-là Pablo Prigioni tentait un tir à peine toutes les 11.8 fois où il touchait la balle. En 2015-16 Shabazz termine de nouveau 1e de NBA : un tir toutes les 2.6 fois où il avait la balle quand Jose Calderon ne tentait sa chance que toutes les 10.8 fois en moyenne. En 2016-17 c’est le coup du chapeau pour Shabazz : 1e de NBA en tirant chaque 2.4 Touches en moyenne contre une fois toute les 11.3 Touches pour Jared Dudley cette saison-là. Techniquement Shabazz réalise même le quadruplé puisque sur les 32 petits matchs qu’il dispute avec Minnesota en 2017-18 il pointe à un tir toutes les 2.4 Touches, une nouvelle fois 1e de NBA.

C’est bien simple : Shabazz Muhammad était le trou noir le plus intense de toute la NBA durant l’intégralité de sa carrière dans la grande ligue. Quand il avait la gonfle, il shootait. Plus que quiconque. Personne n’a d’ailleurs jamais réussi à réitérer sa marque de 0.417 de ratio Tir/Touche de 2014-15 durant les sept saisons NBA où les statistiques sont disponibles dans le domaine public.

Pas encore convaincu que son ultra rentabilité par Touche est étroitement liée à sa réticence à partager la gonfle ? Regarder du côté d’un différent critère de productivité finira peut-être de le faire.

Plutôt que de mesurer les Points générés par nombre de fois où Shabazz touchait la balle, voyons plutôt ce qu’il en est de son scoring par nombre de fois où il tente sa chance : les Points par Tir Tenté. Et là, surprise : sur les trois saisons où Shabazz a mené la ligue sur le critère des Pts/Touche, non seulement il ne se retrouve pas à la première place du classement…mais il ne brille pas tant que ça relativement à ses pairs.

En 2014-15 en parallèle de sa marque record de 0.528 Pt/Touche, Shabazz ne produisait en revanche que 1.11 Pts/Tir. Seulement le 33e meilleur total de la ligue à peine parmi les joueurs avec une utilisation au moins aussi grande que la sienne. Pour donner un ordre d’idée Stephen Curry menait la NBA cette année-là avec plus de 1.29 Pts/Tir, une avance significative : il existe le même écart entre Curry et Shabazz (1e et 33e) qu’entre Shabazz et Dion Waiters (33e et 99e du classement). En 2015-16 Shabazz menait de nouveau la ligue aux Pts/Touche mais ne se classait que 59e meilleur de NBA sur les Pts/Tir Tenté avec 1.09 et loin derrière Curry et son incroyable 1.35 Pts/Tir. En 2016-17 rebelote : 1e aux Pts/touche, mais 59e aux Pts/Tir (1.12) et à la traîne derrière Kevin Durant (1.31) et Stephen Curry (1.28).

Les Points par Tirs sont-ils un meilleur indicateur que les Points par Touches pour ce qui est de déterminer la productivité d’un scoreur ? Assurément. Shabazz Muhammad n’est peut-être donc pas le scoreur le plus tranchant et implacable de la ligue après tout.

En revanche, Shabazz est bel et bien le Trou Noir le plus spectaculaire à être passé par la NBA. Continuons à explorer les stats pour confirmer cette tendance astrale.

Parallèlement aux Points par Touche les Tracking Data permettent également de déterminer le nombre de passes qu’un joueur réalise durant un match. Pas seulement des passes décisives, mais bien toutes passes faites sur un terrain, d’un coéquipier à un autre. Comment s’en sort-il sur ses trois incroyables saisons ? De manière remarquable, littéralement.

En 2014-15 parmi les joueurs avec un minimum de temps de jeu (>15min/m) Shabazz se classe 6e pire joueur au nombre de passes réalisées : 12.0 passes/m en tout de même 23 minutes de jeu. Un plutôt bon départ. L’année suivante en 2015-16 Shabazz grimpe jusqu’à la 2e place du classement avec à peine 10.4 passes en 20.5 min passées sur le terrain en moyenne. Devant lui ? Aron Baynes, alors pivot back-up des Pistons : sans doute sur les dix joueurs d’une rotation (titulaires et remplaçant) le poste censé toucher le moins le ballon dans l’équipe, donc explicable. Muhammad, lui, est un arrière. L’apothéose arrive néanmoins dès la saison suivante en 2016-17 : 8.7 passes par match en 19.4 min/m. Bien entendu le plus petit total de passes réalisées de toute la NBA. Pour donner un ordre d’idée, son coéquipier Ricky Rubio en réalisait plus de 66 par match cette saison-là.

De toute évidence la comparaison avec Rubio pâtit sur deux points : au-delà de son rôle de meneur de jeu très différent de Shabazz, Rubio joue aussi et surtout presque 12 minutes de plus par match. Comparer des totaux de passe bruts entre des joueurs au temps de jeu aussi différent ne semble pas très pertinent. Pour remédier à cet obstacle, un exercice intéressant à faire pourrait par exemple être de déterminer le ratio entre le nombre de passes effectuées et le nombre de minutes passées sur le terrain. Mais un autre ratio semble encore plus pertinent pour définir le degré de « trou noir » de Shabazz : le ratio nombre de passe fait par rapport au nombre de passes reçues. Si le ratio est au-dessus de 1 cela signifie que le joueur fait plus de passe qu’il n’en reçoit, si le ratio est en dessous de 1 c’est l’inverse.

Spoilers : Shabazz est très loin du 1 de ratio. Très en dessous pour être précis.

En calculant ce ratio sur les trois saisons qui nous intéressent Shabazz se classe 3e pire de NBA en 2014-2015 avec un minuscule 0.63 de ratio. Devant lui ? Nick Youg et Jodie Meeks, deux gâchettes faciles elles aussi. En 2015-16 rebelote : 2e pire de NBA (0.66 de ratio) derrière l’inoubliable Sean Kilkpatrick, et en 2016-17, il s’empare enfin de la 1e place (0.63). On ne fait pas plus tangible ni plus évident que ça comme trou noir basketballistique : Shabazz rend la balle moins souvent que quiconque en NBA quand on lui donne.

Shabazz doesn’t share ball.

De manière intéressante on peut remarquer que Shabazz tentait réellement de bien faire en début de carrière…avant de complètement cesser de combattre ses instincts naturels. Sa saison rookie est presque normale en tout point, très loin des extrêmes sur toutes données chiffrées concernant les passes. À l’inverse le Shabazz de 2016-17 et même du début de saison 2017-18 est une caricature si grossière qu’on ne l’aurait pas cru réelle sans autant de preuves solides pour s’en rendre compte.

Au-delà du simple nombre de passes réalisées ou du ratio passes reçues/passes effectuées, d’autres données on ne peut plus insolites viennent parfaire le tableau de cette saison 2016-17 burlesque.

Par exemple Shabazz se classait 4e pire joueur NBA au nombre d’Assists Potentielles par match avec à peine 1.0/m, derrière trois joueurs à des années-lumière de ses ambitions offensives et de ses responsabilités (Luc MBaha Moute, Alexis Ajinça et Pascal Siakam rookie, trois spécialistes défensifs). Shabazz était également 4e pire de NBA au nombre de Points créés par ses Assists, seulement 1.1/m. James Harden menait la ligue cette année-là avec plus de 28.

Au niveau de l’Assist Ratio (nombre de passes décisives par 100 possessions utilisées) et parmi les joueurs ayant joué autant que lui en moyenne, seul l’abyssal Hassan Whiteside faire pire que lui : 4.3 ast/100poss pour le pivot du Heat contre 4.4 pour Shabazz. Sur un temps de jeu pas si éloigné que ça TJ McConnell menait la ligue avec plus de 42 assists créés par 100 possessions. Dix fois plus. Même le Shabazz de 2014-15 produisait lui-même deux fois plus que la version caricaturale de 2016-17 : 8.2 contre 4.4, ce qui même à l’époque était déjà parmi les pires de la ligue.

Idem pour l’Assist Percentage (pourcentage de paniers assistés par le joueur quand il est sur le terrain) : bon dernier de NBA avec à peine 3.5%. Au niveau du ratio Assist Percentage divisé par l’Usage (capacité à créer pour les autres par rapport à son volume d’utilisation) : 2e pire de NBA derrière Whiteside. Loin d’être un accident puisque Muhammad était également 3e pire l’année précédente et 10e pire celle d’encore avant.

Shabazz Muhammad est la définition même d’un Trou Noir basketballistique.

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L’Artiste de la Stat

Les bizarreries statistiques de la carrière Shabazz Muhammad ne se limitent d’ailleurs pas qu’à sa manière de jouer en attaque. Trou Noir n’est qu’un seul des nombreux qualificatifs que l’on pourrait attribuer à Shabazz et ses tendances toutes les plus caricaturales et extrêmes les unes que les autres.

Prenons les rebonds, par exemple.

Une des premières bizarreries de la carrière de Shabazz survint lors son passage par la case universitaire. S’il ne devait y avoir qu’une seule statistique à ressortir pour résumer la carrière de Shabazz Muhammad ce serait sans aucun doute celle-ci : au cours de 32 matchs disputés à UCLA Muhammad est parvenu à capter 87 rebonds offensifs…et seulement 80 rebonds défensifs. Exploit tout autant insolite que rarissime. Les rebonds offensifs sont bien évidemment plus difficiles à collecter, provenant de situations plus compliquées où il faut battre une défense en surnombre et mieux positionnée autour de son propre panier. Les opportunités de rebonds offensifs sont non seulement plus difficiles à concrétiser, mais aussi et surtout moins nombreuses. Et pourtant, Shabazz collecté plus de prises offensives que défensives sur sa carrière universitaire.

87 rebonds offensifs constituent même un superbe score pour un arrière de 6’6 de haut : en presque 1000 minutes NCAA Shabazz arrivait donc à capter plus de 3.5 reb-off par 40 minutes. L’élite des prospects NCAA de ces dernières saisons (Julius Randle, Marvin Bagley, Zion Williamson, etc) gravitait autour de 4.5/40min en ayant de bien meilleurs atouts physiques que Shabazz, arrière de formation. Au-dessus des standards de son poste, certes, mais pas de la moyenne générale : le panier est à la même hauteur pour tout le monde. 3.5 reb-off/40min est réellement une excellente marque. Pour aller chercher tous ces rebonds Shabazz n’utilisait pas seulement ses outils physico-athlétiques : il démontrait aussi et surtout une très bonne activité, de bons instincts d’anticipation et de lecture de trajectoires, et une belle agressivité pour attaquer le panier. Autrement dit, toutes les qualités que Shabazz ne démontrait pas pour les rebonds défensifs. Manque d’envie, faible intensité, box-out raté et concentration aléatoire étaient à l’inverse les caractéristiques qui le décrivaient le mieux de ce côté-là du terrain.

Il faut réellement se rendre compte à quel point capter moins de rebonds défensifs qu’offensifs reste un exploit. Les joueurs capables de ramasser un grand paquet de rebonds offensifs sont généralement ceux qui sont intrinsèquement des bons rebondeurs de manière générale, et qui par conséquent collectent dans le même temps une grosse quantité de rebonds défensifs. De même, les joueurs qui captent très peu de rebonds défensifs ont des aptitudes limitées dans l’exercice, et qui par conséquent ont encore plus de mal à récolter des rebonds offensifs, plus durs à aller chercher.

Un seul autre joueur a réalisé cet exploit de mémoire récente : Stevens Adams durant les saisons 2017-18 et 2018-19. L’explication est cependant bien différente : Adams était le joueur qui posait le plus de box-out de NBA, bloquant ainsi le meilleur rebondeur adverse pendant que Russell Westbrook s’occupait de collecter le plus gros total de rebonds non contestés de la ligue. Suite au départ du meneur historique du Thunder en 2019-20, Adams est revenu sur des moyennes tout à fait dans la norme (6.0 reb-def pour 3.3 reb-off par match).

Ce n’est pas que Shabazz était un mauvais rebondeur : il était même intrinsèquement très bon dans l’exercice. Simplement, les rebonds offensifs sur lesquels on peut aller chercher des points l’intéressaient grandement tandis que les rebonds défensifs et le travail de l’ombre à réaliser pour les récolter ne l’intéressaient pas. Ce n’est pas plus compliqué que ça.

Les péripéties de Shabazz au rebond ont d’ailleurs continué en NBA. D’extrême en extrême.

Le contraste entre ses performances au rebond offensif et défensif est on ne peut plus franc sur l’ensemble de sa carrière : toujours dans l’élite de l’élite au Off-Reb%, mais bien plus dans la moyenne (parfois même carrément mauvais) pour le Def-Reb%. Pour donner un ordre d’idée sur la saison 2015-16 Shabazz était le seul et unique joueur NBA tous postes confondus avec des chiffres aussi grand à l’offensif et aussi petit au défensif. L’année suivante, ils étaient deux : Shabazz et Mo Harkless (bien plus habitué à jouer small ball 4 et à poser des box-outs défensifs à Portland). En 2014-15 ils étaient deux également : Shabazz et Tony Allen (qui de par sa défense d’élite était amené à défendre le ballon, donc à peu se trouver en position libre d’aller grappiller des rebonds défensifs).

De toute évidence, Shabazz n’avait pas pris de bonnes résolutions en arrivant dans la grande ligue quant à sa manière d’approcher la question du rebond.

Parmi les joueurs avec un temps de jeu égal ou supérieur ce que lui pouvait avoir et mesurant au moins 6’6, Shabazz se classe 7e pire de NBA au nombre de rebonds défensifs captés en 2014-15 (2.5/m), puis 4e pire en 2015-16 (2.0/m) et 2e pire en 2016-17 (1.7/m). Ces simples chiffres bruts sont assez parlants en eux-mêmes, mais ne suffisent pas à réellement rendre compte de la tête de lard qu’était Muhammad au rebond défensif : ce n’est pas que faire de la stat au rebond ne l’intéresse pas, mais juste qu’il a d’autres chats à fouetter que de participer à cette tâche ingrate et collective du rebond défense.

En revanche, lorsqu’il est effectivement en position de prendre le rebond : personne n’a le droit de lui priver de faire sa stat.

Lorsqu’on fait le ratio entre ses véritables rebonds défensifs par rapport aux « opportunités » de rebond défensif qu’il a eu, Shabazz est évidement élite : en 2014-15 il se classe 7e meilleur de NBA relativement aux joueurs de sa taille (6’7 et moins) derrière d’autres gobeurs de rebonds comme Russell Westbrook ou Lance Stephenson. Il se classe même 5e meilleur en 2016-17.

Il en va de même pour les rebonds défensifs contestés : parmi le même échantillon de joueur Shabazz est tout simplement 1e de NBA en 2014-15 et 2015-16, avant de retomber à la 7e place en 2016-17 (sur presque 150 joueurs). En captant 36.3% des rebonds contestés sur lesquels il devait batailler avec un adversaire, Shabazz a même établi la 2e meilleure marque de ces sept dernières saisons NBA (en 2014-15) parmi tous les joueurs de 6’7 de haut ayant foulé un parquet de la grande ligue. Seul Vince Carter a fait mieux que lui, une fois.

Shabazz ne bataillait pas seulement avec ses adversaires, d’ailleurs : il était aussi en compétition directe avec ses propres coéquipiers pour faire ses stats de rebonds défensifs lorsqu’il le pouvait. Sur ce qu’on qualifie de « Defered reb-def », les rebonds où le joueur a une chance d’attraper le ballon, mais s’efface gracieusement pour laisser son coéquipier prendre le rebond à sa place, Shabazz plafonne à 0.2/m en 2015-16 (2e pire de NBA à égalité avec d’autres joueurs) et même 0.1/m en 2016-17 (1e à égalité).

Shabazz Muhammad dans tous ses paradoxes et ses extrêmes. Le plus compétent pour se battre et arracher des rebonds difficiles, mais très peu intéressé pour vouloir les accumuler, tout en voulant à tout prix faire ses stats quand il le décide. Les statistiques de Box-Out n’apparaîtront malheureusement dans le domaine public qu’après sa carrière, mais il y aurait sans doute eu pas mal de choses à en retirer. Par exemple, et on ne peut qu’imaginer ici, un pourcentage de réussite record pour réussir le box-out mais dans le même temps un nombre incroyablement peu élevé de box-out posés par rapport à son temps de jeu.

Laissons de côté les rebonds défensifs : comme vous pouvez vous en douter, on retrouve Shabazz à des extrêmes sur toutes les statistiques de rebonds offensifs. Des extrêmes positives, cette fois, puisque l’envie est là.

Parmi les joueurs mesurant 6’7 ou moins Shabazz était par exemple classé 3e meilleur de NBA au nombre brut « d’opportunités de rebonds offensifs » avec 4.6 par match en 2014-15 derrière seulement Russell Westbrook et Tony Allen. Une fois le ratio fait par rapport au nombre de minutes passées sur le terrain, Muhammad est même 1e de NBA. Puis 2e et 3e les deux années suivantes. En ce qui concerne sa capacité à profiter de ces opportunités pour ressortir réellement avec le ballon, Shabazz se classe 3e de NBA en 2014-15 et même 2e l’année suivante, derrière seulement Andre Iguodala. Par ailleurs Shabazz se classait également 1e de NBA en 2014-15 sur le OReb% (pourcentage de reb-off captés par le joueur lorsqu’il est sur le terrain) pour les joueurs mesurant 6’7 ou moins, puis 2e de NBA à un cheveu de Tony Allen en 2015-16, et de nouveau second derrière Allen l’année suivante en 2016-17.

Sur les rebonds offensifs contestés captés par minutes passées sur le terrain, Shabazz se classe de nouveau 1e de NBA en 2014-15 puis 3e en 2015-16 et 2e en 2016-17. Si on s’intéresse à sa capacité gagner des rebonds contestés il se classait 5e meilleur de NBA en 2014-15 en remportant 67.7% de ses duels, puis 8e et de nouveau 5e de NBA les deux années suivantes. Comme pour le rebond défensif Shabazz brille également par le nombre record de rebonds « déférés » à ses coéquipiers : deux saisons à 0.1 reb-off/m laissé gracieusement à un coéquipier, puis une a 0.2/m. Évidemment, tout en bas du classement. Quand Shabazz a l’occasion de faire sa stat et de capter le rebond, il ne laisse sa place à personne.

Une autre statistique se montre intéressante : la distance où il se trouve par rapport au panier au moment où il capte le ballon. Généralement les intérieurs auront tendance à se trouver très proches du cercle au moment de prendre un reb-off alors que les extérieurs collectent eu un peu plus de « longs » rebonds offensif (sur des tirs à trois-points par exemple, le ballon ricoche parfois jusque dans le périmètre sans que personne ne le touche). Dans le cas de Shabazz, parmi les joueurs mesurant 6’7 ou moins, il se classe 2e plus petite « distance de captage » de toute la ligue en 2014-15 en attrapant le ballon à 6.2 pieds du panier en moyenne. Il se classe même 1e de NBA en 2015-16 puis 5e l’année suivante. Autrement dit, la production au rebond offensif de Shabazz Muhammad est tout sauf un hasard : il attaque réellement le panier, se positionne sous le cercle à la manière d’un intérieur et se bagarre dans la peinture pour ressortir avec la balle.

En bref Shabazz Muhammad a fait partie de l’élite des arrières NBA sur le rebond offensif pendant trois saisons. Sans doute le meilleur même : bien qu’il ne termine pas toujours premier de chacune des catégories statistiques, en recoupant chacune d’elles il est celui qui sans exception se retrouve toujours au moins dans le top 3 ou 5.

Après les Points par Touche, les Rebonds, donc. Mais ce n’est pas fini : Shabazz Muhammad aime et côtoie les extrêmes autant qu’il le peut et dans le plus de domaines du jeu possible et imaginables. Extrêmes positives comme négatives d’ailleurs.

Sur ces trois saisons record, Shabazz était sans cesse parmi les joueurs (si ce n’est le joueur) le plus propre de la ligue tous joueurs confondus. En chiffres bruts d’abord : en jouant entre 19 et 23 minutes de jeu en moyenne selon les années, Shabazz n’a jamais terminé une saison au-dessus du 1.0 turnover par match : 0.9/m en 2014-15 et 2015-16, puis 0.7/m en 2016-17. Déjà impressionnant en soit.

Laissons néanmoins de côté ces chiffres bruts pour s’intéresser aux TOV% : sur la saison 2014-15 seulement trois autres joueurs NBA perdent aussi peu de ballons que Shabazz Muhammad (7.3% de TOV%) tout en étant utilisé au moins autant que lui (22.1% d’Usage) : Dirk Nowitzki, Anthony Davis et Al Jefferson. En 2015-16 ils étaient seulement 7 autres joueurs dans toute la ligue à faire mieux que les critères de Shabazz : Dirk, Aldridge, Gallinari, Bosh, Kawhi, Conley et Ryan Anderson. L’année suivante en 2016-17 ils étaient dix seulement, un tantinet plus étant donnée la petite décroissance de son Usage.

En se tournant vers le TOV Ratio à présent (nombre de turnovers pour 100 possessions où le joueur est utilisé) Shabazz s’illustrait en ne perdant que 6.5 ballons pour 100 possessions en 2014-15. Parmi les joueurs avec un temps de jeu et un volume d’utilisation au moins aussi important que le sien, il se classait 4e de NBA cette saison-là, puis 9e en 2015-16 (7.7) et 7e en 2016-17 (7.3).

D’un extrême à l’autre : cette propreté ô combien impressionnante n’empêche néanmoins pas Shabazz d’être propulsé vers les bas fonds de la ligue en ce qui concerne le fameux AST/TOV ratio : 9e pire de NBA en 2014-15 (à peine 1.26 assist pour chaque perte de balle), 4e pire en 2015-16 (0.74) et enfin 5e pire en 2016-17 (0.63). Extraordinaire Shabazz Muhammad capable de ne commettre presque aucune perte de balle mais de rester un des pires AST/TOV ratio de toute la ligue, généralement un critère pertinent pour évaluer la propreté d’un joueur. Notez d’ailleurs la compagnie avec laquelle se trouve Shabazz durant ses trois années : Hassan Whiteside, Enes Kanter, Andre Drummond, Kristaps Porzingis, Jahlil Okafor, Anthony Davis ou Brook Lopez. Des intérieurs, plutôt à leur place dans ce classement : ce genre de Big Men aux qualités de passeur limitées n’ont pas si souvent la balle entre les mains donc très peu d’opportunités de booster leur AST/TOV ratio avec des passes décisives. Shabazz, lui, est un arrière. Le seul extérieur de NBA postant d’aussi piètres scores de toute la ligue sur ces trois années.

Un autre exercice intéressant à faire est de mettre en relation le TOV% (la propreté d’un joueur) et le Ratio AST/Usage (création pour autrui relativement à son utilisation). En 2014-15 seul Anthony Morrow poste un TOV% plus petit que celui de Shabazz tout en ayant un AST/Usg ratio inférieur à Muhammad. En 2015-16, seul Ryan Anderson le fait et en 2016-17 absolument personne. Par définition une possession se termine par une perte de balle ou un tir. Or, en commettant aussi peu de tov tout en créant aussi peu pour autrui, Shabazz était en somme le joueur qui terminait plus que quiconque les possessions qu’il jouait…par son propre tir (plutôt qu’un tov ou une ast). Un certain degré d’extrémisme dans l’individualisme.

Poursuivons dans le chaud-froid, les extrêmes positives et négatives, en s’orientant du côté des fautes provoquées.

Avec à peine 3.8, 3.0 et 2.4 LF tentés par match en moyenne Shabazz reste très loin des meilleurs joueurs NBA dans ce domaine-là. Mais deux raisons expliquent ces petits chiffres bruts : un temps de jeu limité et, même lorsqu’il est sur le terrain, de longues séquences de jeu sans toucher la balle (donc sans opportunités d’aller chercher ces lancers francs). Néanmoins, si on limite aux fois où il est en possession de la balle sans prendre en compte toutes les autres séquences de jeu « neutres » Shabazz est de nouveau propulsé parmi l’élite.

Shabazz brille de mille feux sur le critère du SFLD%, Shooting Fouled percentage (nombre de fois où le joueur subit une faute alors qu’il est en train de tenter un tir). Par match Shabazz se rend peu sur la ligne des lancers en moyenne, mais si on rapporte ça au nombre de fois où il tente sa chance, Shabazz provoque en réalité plus de fautes que la quasi-totalité des joueurs évoluant au même poste que lui.

Plus encore : il brille même tous postes extérieurs confondus. En 2014-15 ils ne sont que onze joueurs à poster un meilleur SFLD% que lui (en excluant les intérieurs qui subissent de facto plus de fautes de par leur rôle et leur positionnement). En 2015-16 seulement dix extérieurs provoquaient plus de fautes par tirs tentés que Muhammad et en 2016-17 à peine dix-huit font mieux que lui sur presque 140 extérieurs rentrant dans les critères de jouer au moins autant que lui cette saison-là. Obtenir des LF fréquemment est un outil quasiment indispensable à tout scoreur d’élite, et Shabazz coche magnifiquement cette case-là : avec sa charpente on ne peut plus solide, son agressivité débordante, son intense désir d’aller au panier, son absence de crainte du contact et sa soif insatiable de points Shabazz présente un parfait profil pour obtenir faute sur faute. Et il le fait.

Élite pour provoquer des fautes, c’était le chaud. Le froid à présent : Shabazz est un piètre shooteur de lancers francs. Tous postes confondus à présent et en rajoutant donc les intérieurs, Shabazz ne se classe pourtant que 153e meilleur joueur NBA sur la réussite aux lancers francs en 2016-17, 135e en 2015-16 et même 198e en 2014-15. Alors qu’il se montre capable d’obtenir des LF avec plus de régularité que la majorité de la grande ligue, Shabazz laisse dans le même temps filer un bon paquet de points faciles de par son incapacité à convertir ces opportunités.

Avant de poursuivre sur les bizarreries offensives de Muhammad, faisons un petit détour par la défense.

Les statistiques défensives pertinentes sont bien moins nombreuses qu’en attaque où il est plus simple de cerner et de quantifier l’apport d’un joueur à travers différentes données chiffrées. Quelques-unes se montrent néanmoins relativement intéressantes, a fortiori lorsqu’on s’intéresse au cas insolite de Shabazz Muhammad.

D’abord, les interceptions. Historiquement les études statistiques sur des décennies de draft et des milliers de joueurs tendent toutes à arriver à une même conclusion : le pourcentage d’interception d’un joueur est un des meilleurs indicateurs (et prédicteur) possible pour évaluer l’intelligence de jeu d’un joueur. Et pour cause : être capable de voler des ballons est une aptitude directement corrélée au fait de comprendre le jeu. Plus un joueur est capable de reconnaître en temps réel les mécanisme et mouvement d’une équipe, de sentir où est le jeu, et de comprendre ce qui se passe sur le terrain, plus il sera évidemment armé pour anticiper ce genre de chose et ainsi s’interposer.

Allons-y sans détour : Shabazz Muhammad est catastrophique à cet égard.

Une tendance observable dès la case universitaire puisqu’en quasiment 1000 minutes universitaires Shabazz n’a été capable de dérober que 23 fois la gonfle à l’équipe adverse. Total incroyablement minuscule. Formulé autrement, Shabazz n’était capable d’intercepter la balle que 1.3% du temps où l’adversaire jouait sa possession. Pour donner un ordre d’idée, même des joueurs très irréguliers dans leur niveau d’effort et d’implication en NCAA comme Ben Simmons et Zion Williamson pointaient à 3.1% et 3.9% de STL%. Certains défenseurs universitaires d’élite tels que JeVon Carter, Marcus Smart ou Kris Dunn produisaient même des saisons à 4.9% ou carrément 5.0% de STL%.

Ce Red Flag pré-Draft s’est bien entendu confirmé en NBA :

Sur ses trois saisons professionnelles avec un temps de jeu conséquent, Shabazz est carrément resté cloué sous la barre des 1.0% de STL%. Comme les percentiles colorés l’indiquent ici, ce sont des scores faméliques relativement aux joueurs évoluant sur le même poste que lui…mais pas que. Tous postes confondus, seulement huit autres joueurs NBA produisaient un STL% inférieur ou égal à Shabazz sur la saison 2015-16, et à peine quatre l’année suivante en 2016-17. Plus encore parmi ceux-là un certain nombre sont des intérieurs, et même des pivots, généralement moins susceptibles d’impacter les lignes de passes dans le périmètre et de récolter beaucoup d’interceptions. Robin Lopez fait par exemple partie de cette liste, mais était pourtant un très solide défenseur à l’époque, mais son rôle et positionnement ne le mettaient pas forcément en position de voler des ballons. Si l’on retire les intérieurs de cette liste donc, seulement trois autres extérieurs NBA ont produit aussi peu sur une de ces deux saisons : Afflalo, McDermott, Bogdnaovic. La particularité de Shabazz ? Lui l’a fait sur les deux saisons.

Ces scores sont d’autant plus ridicules que, contrairement aux joueurs NBA qui sont mauvais dans cette catégorie, Shabazz possède d’excellents atouts physiques : taille, vivacité, mais aussi et surtout une excellente envergure de bras (contrairement à McDermott et Bogdanovic par exemple). Sa longueur est censée lui rendre la vie plus facile, certains ballons sont supposés être à sa portée alors qu’ils ne le sont pas pour certains shooteurs aux bras de T-Rex. Sauf que, encore et toujours avec Muhammad : c’est une question d’envie. À la fois sur le moment (il ne cherche pas à être particulièrement actif) et en carrière (n’a jamais voulu travailler sur cet aspect-là pour s’améliorer).

La même observation peut être faire sur les BLK% : ce critère-là est moins indicatif que le STL% du QI défensif, mais, dans le cas de Shabazz, illustre parfaitement ce fil rouge du manque d’envie total. En 2016-17 il est par exemple le seul et unique « forward » de toute la NBA avec un BLK% qui ne dépasse pas les 0.1%. Les huit autres joueurs réalisant cet exploit (Tony Parker, Patty Mills, DJ Augustin, Matthew Dellavedova, Evan Fournier, Bojan Bogdanovic, Sean Kilkpatrick, Sergio Rodriguez) sont tous des extérieurs petits et/ou à l’envergure de bras limité : ils ne peuvent physiquement pas réaliser de contres. Ce n’est pas du tout le cas de Shabazz qui possède tous les outils physiques pour le faire. Mais ne le fait pas. Cette année 2016-17 Shabazz est par ailleurs le seul joueur de toute la ligue compilant à la fois moins de 0.1% BLK% et 0.6 STL%, tous postes confondus. Remarquable.

Ce manque total d’envie de faire quoi que ce soit du côté défensif du terrain est perceptible sur deux autres statistiques on ne peut plus parlantes.

D’abord, le Foul% : le pourcentage de fois où le joueur commet une faute sur une possession défensive. Lors de la saison 2016-17 Shabazz commettait une faute à peine 2.0% du temps. Seulement 14 autres joueurs NBA font aussi bien (sur presque 200 joueurs ayant passé au moins autant de temps que lui sur un parquet). Certains réalisent cet exploit de par leur discipline défensive et la précision de leurs gestes défensifs : Jimmy Butler, Kawhi Leonard, Trevor Ariza par exemple. Shabazz, lui, ne commettait pas de fautes du fait de ne pas réellement essayer de contenir son attaquant ni de tenter des rotations défensives. Son score de 2.0% en 2016-17 n’est par ailleurs pas une anomalie : il compilait 2.3% et 2.2% les deux saisons précédentes, et même 53 fautes à peine en presque 1000 minutes universitaires à UCLA (une faute toutes les 18 min !).

Si ce raisonnement sur l’attitude de Muhammad déduit du Foul% ne vous convainc pas, la prochaine statistique le fera sans doute : le nombre de tirs défendus dans un match, offert par les Tracking Data et leur technologie de positionnement.

Voici le Dashboard défensif de Muhammad pour 2016-17.

Comme on peut le voir sur la colonne la plus à droite du tableau Shabazz a un différentiel plutôt positif : ses adversaires shootent moins bien face à lui que face aux autres défenseurs NBA en moyenne sur à peu près toutes les zones du terrain. Étant donné ses mensurations physiques bien au-dessus des standards du poste 2, c’est peu étonnant. Mais d’autres chiffres nous intéressent plus ici : regardons à gauche du tableau.

La colonne GP (Games Played) indique le nombre de matchs disputés au cours de la saison par Shabazz, tandis que la colonne G (Games) précise elle le nombre de matchs où Shabazz a contesté au moins un tir. Or bien que de manière générale (overall) Shabazz a contesté au moins un tir sur 77 de ses 77 matchs joués, ce n’est pas le cas spécifiquement dans chacune des zones : autour du panier (à moins de 6 pieds de l’arceau) il n’y a que 49 matchs sur 77 où Shabazz a contesté un tir dans cette zone, et à trois-points seulement 65 matchs sur 77. Formulé autrement : pendant 12 matchs entiers où il a posé un pied sur le terrain en 2016-17 Shabazz n’a contesté aucun tir à trois-points, et pendant même 28 matchs (!) n’a contesté aucun tir autour du panier.

C’est véritablement extraordinaire.

Le même constat peut être fait sur la saison précédente : en 2015-16 Shabazz n’a contesté aucun tir proche du cercle 20% de la saison (17 matchs sur 82). Généralement aucun joueur n’affiche ce genre de différentiel. Il se peut parfois qu’il existe deux, trois ou quatre matchs où un joueur n’a contesté aucun tir dans une certaine zone, mais très rarement autant, pour ne pas dire quasiment jamais chez les joueurs avec un certain temps de jeu.

Plus encore : il peut arriver que certains profils de joueur aient en effet un pourcentage de différence non négligeable allant au-delà de 10%. Les meneurs de jeu, par exemple, de par leur manque de taille aident assez peu au cercle ou ne se donner pas la peine d’essayer même s’ils se trouvent en position : de ce fait, leur nombre total de tirs contestés au cercle et de matchs avec au moins un tir défendu au cercle est assez bas. TJ McConnell n’a pas exemple contesté des tirs au cercle que durant 46 de ses 70 matchs en 2019-20, tout comme DJ Augustin (34/57) ou Rajon Rondo (33/48). De même, certains arrières ou ailiers réputés pour leur défense On-Ball seront se retrouvent de facto très souvent dans le périmètre sur un attaquant et n’ont que peu d’opportunités de rôder autour du cercle pour apporter des aides : Wes Matthews n’ait défendu un tir au cercle que 38 matchs sur 70 en 2019-20 (malgré une saison type All-Defensive), comme pour Torrey Craig (43/55), Matisse Thybulle (53/64) ou Eric Bledsoe (49/59). En revanche, sur le reste des zones et en particulier les trois-points et longs tirs à deux points, ils terminent tous leurs matchs avec au moins un tir défendu.

Ce n’est ni anormal ni inquiétant qu’un joueur passe certains matchs sans contester des tirs dans certaines zones. Ce qui l’est plus en revanche c’est de le faire dans plusieurs zones à la fois. Là est l’exploit de Shabazz : il ne contestait pas tout le temps des tirs dans le périmètre et dans le même temps ne contestait pas toujours des tirs autour du panier. Et ça, très peu de joueurs peuvent s’en vanter.

De manière plus générale, sur la saison 2016-17 Shabazz est le joueur qui a défendu le moins de tirs en tout parmi les joueurs ayant joué autant de matchs qui lui : seulement 332 en 77 rencontres. Un écart conséquent avec son dauphin Corey Brewer (378, tout en jouant presque 5 min/m de moins que Shabazz). En 2015-16, il termine 2e pire de NBA avec 474 tirs contestés en 82 matchs. Si ces chiffres bruts sont d’ores et déjà parlants, il est tout de même possible de trouver des informations plus pertinentes : le ratio de tirs défendu par rapport au temps de jeu passé sur le terrain. En 2015-16 Shabazz se classe 43e pire du classement sur presque 250 joueurs (0.28 tir défendu par minute passé sur le terrain) puis carrément 2e pire de toute la ligue en 2016-17 (0.21) derrière seulement Russell Westbrook, le roi indétrônable de la catégorie.

C’est bien simple : Shabazz Muhammad ne contestait pas les tirs adverses. Défense On-Ball ou Off-Ball, il se laissait mettre dans le vent, n’arrivait pas à suivre son attaquant, ne faisait pas l’effort de faire des close-outs ou tout simplement des aides défensives.

Cette passivité vue ici sur le nombre de tirs contestés qui n’est pas sans rappeler sa passivité vis-à-vis des fautes (il en commettait extrêmement peu) et vis-à-vis des interceptions (il en réalisait également très peu). Voire même à un moindre degré des rebonds défensifs. En recoupant ces quelques rares statistiques défensives fiables, il est facile de recréer l’image de Shabazz Muhammad en défense : un joueur fantôme, qui est là parce qu’il faut bien être là avant de repartir en attaque, mais qui ne cherche pas à impacter le jeu. Un portrait statistique largement confirmé et en raccord avec les analyses visuelles qui peuvent être faites en étudiant ses matchs.

Revenons sur le côté offensif.

D’autres chiffres intéressants permettent d’encore mieux cerner le jeu on ne peut plus caricatural et unique Shabazz Muhammad et de sa manière d’aller chercher des points. La fréquence de tirs par exemple.

Le jeu de Muhammad est simple : se rendre au cercle à tout prix. La majorité de ses tirs sont pris directement sous le panier et dans la zone autour de l’arceau (les « short mid-range ») tout en prenant très peu de longs 2s et de trois-points. Comme le montrent visuellement les coloris des percentiles, Shabazz est dans les extrêmes dans toutes ces catégories par rapport aux joueurs évoluant au même poste que lui. Ce genre de répartition de tirs est quasi-unique pour un arrière de formation. Les extérieurs sont au contraire bien plus souvent orientés vers le périmètre en tentant tout type de jump-shot à distance et n’ayant pas nécessairement les capacités pour aller à volonté au cercle.

Cette catégorie des « Short Mid-Range » est usuellement la zone de prédilection des intérieurs : à quelques mètres à peine du cercle, mais sans trop sans éloigner, c’est là que les Big Men déclenchent toute sorte de tirs au poste bas, de hook-shots et autres floaters. Mais il est rare que les extérieurs y fassent autant leur beurre que Shabazz : sur 150 meneurs, arrières et ailiers à jouer autant que lui, ils ne sont que trois autres extérieurs à tenter autant que Shabazz dans cette zone en 2014-15, puis onze en 2015-16 et sept à peine en 2016-17. Dans le cas de certains, l’utilisation excessive de cette zone s’explique assez simple par une incapacité à se rendre complètement jusqu’au panier pour un lay-up par manque de taille et/ou d’explosivité (TJ McConnell, Matthew Dellavedova ou Joe Johnson en fin de carrière). Mais ces derniers ont par ailleurs un jeu tout à fait dans la norme, constituée de nombreux jump-shots dans le périmètre.

Ce n’est évidemment pas le cas de Shabazz.

Si on tente à présent de filtrer par rapport aux tirs directement au cercle en y rajoutant cette fois un deuxième critère, le trois-points, encore moins de NBAers ne lui ressemblent dans sa façon de chercher à tout prix à attaquer l’arceau tout en délaissant complètement le périmètre. En 2014-15 ils ne sont que deux à tirer autant sous le cercle et à prendre encore moins de tir à longue distance : Elfrid Payton et Tony Allen. En 2015-16 Shabazz est le seul extérieur de toute la ligue à compiler de tels chiffres, et en 2016-17 seul Tony Allen le rejoint à nouveau. Deux joueurs en trois ans.

Le fait de ne pas avoir un jeu complet, de ne pas avoir de plan B (jeu dans le périmètre) permet à la défense de se préparer pour mieux contrecarrer le plan A (les tirs intérieurs). Ce qui est totalement remarquable, néanmoins, est le fait qu’avec jeu-là très prévisible Tony Allen se classait 77e puis 94e meilleur aux Points par Touches sur ses deux saisons avec un tel profil de tir…alors que Shabazz siège confortablement à la première place du classement trois années de suite. Même sans plan B, les qualités de scoreurs de Shabazz étaient tellement implacables qu’elles l’ont malgré tout propulsé joueur le plus productif de NBA.

 

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Histoires et Anecdotes

Laissons à présent de côté tous ces statistiques insensés : les bizarreries de sa carrière ne se limitent pas qu’au terrain et aux chiffres, ni même à une époque précise de sa carrière. Son parcours est lui aussi des plus atypiques, riche en anecdotes loufoques et rebondissements improbables.

Shabazz Muhammad est un nom qui revient très régulièrement dans les circuits de recrutement dès l’année 2010, et pour cause : le jeune homme est un des meilleurs basketteurs de sa génération. Au-delà de ses atouts physiques bien au-dessus de la moyenne Shabazz démontre déjà à ce très jeune âge un véritable don pour enfiler des paniers.

Le talent de Muhammad et le caractère impressionnant de ses performances sur le circuit AAU son telles que certaines rumeurs annoncent que s’il décidait de se reclassifier certaines équipes seraient prêtes à le considérer pour le top 10 de la Draft 2012, pourtant très dense. Autrement dit : sauter la case universitaire et atterrir directement en NBA comme l’ont fait par exemple Thon Maker ou Anfernee Simmons puisqu’ils avaient l’âge minimum requis par la NBA. Sauf que la limite d’âge est très stricte et Shabazz Muhammad est un poil trop jeune pour profiter de ce règlement : passage obligé par la fac. Retenez bien cette anecdote.

Direction la NCAA donc et plus particulièrement la Californie. UCLA frappe un grand coup sur le marché des recrutements en enrôlant deux des cinq meilleurs lycéens du pays : Kyle Anderson (5e) et Shabazz Muhammad (2e). Une décision annoncée par Shabazz au cours d’une interview télévisée dénotant à la fois pour son manque d’enthousiasme que son intimité : sur la modeste ESPN U, sans mise en scène, ni suspense, ni public. Une simple annonce monocorde. Shabazz ne fait pas comme tout le monde. UCLA plutôt que Duke et Kentucky (retenez bien cette anecdote). On évoque ses racines californiennes pour expliquer ce choix, mais son manque d’enthousiasme et de mise en scène laisse songeur.

Quelques semaines plus tard, en novembre 2012, petit séisme : la NCAA déclare Shabazz inéligible pour l’intégralité de la saison suite à une enquête faisant état de violations à la règle d’amateurisme (interdiction d’être rémunéré de quelque manière que ce soit). En cause : des billets d’avion, séjours à l’hôtel tous frais payés et autres offerts à ses proches lorsque Shabazz visitait les campus de…Duke et Kentucky. Rien sur UCLA néanmoins. Comme certains le souligneront quelques années plus tard lorsque Zion s’est vu offrir jusqu’à 150 000 dollars pour s’enrôler avec Kansas et Kentucky «…qu’il a refusé pour ensuite s’engager à Duke et y jouer gratuitement ! » Bien entendu.

La suspension ne durera que trois petits matchs, mais Shabazz est de nouveau rattrapé par la patrouille en janvier 2013, moins de deux mois plus tard. Plutôt que d’utiliser l’équipement classique d’UCLA Shabazz sort des vestiaires avec au bras un nouveau sac Gucci flambant neuf. Une bagatelle ne correspondant à aucun budget de joueur universitaire non rémunéré. Le clan Muhammad parvient tant bien que mal à fournir une explication : le sac est un cadeau de Noël de la grande sœur, joueuse de tennis professionnelle. Coupable ou innocent, qu’importe : dans le contexte très récent d’une première suspension en début de saison l’affaire du sac Gucci apparaît au grand minimum très douteuse, tout autant qu’elle focalise les attentions un peu plus encore sur l’entourage du joueur.

Mais les soucis ne s’arrêtent pas là : encore deux mois plus tard à peine, en mars 2013, c’est une autre information de taille qui est révélée : Shabazz Muhammad aurait menti sur son âge. Il n’aurait pas 19 ans comme la majorité des freshmen, mais bien 20 ans. Un détail tout sauf anodin pour plusieurs raisons.

D’abord une énorme partie de la domination de Shabazz dans les niveaux inférieurs provenait de son impact physique et du différentiel de puissance brute qui existait entre lui et ses adversaires. Or si entre deux vétérans NBA mûrs l’âge n’est pas un facteur, il est au contraire totalement entre deux teenagers en pleine croissance. Avoir 2 ou 20 mois d’écart à ces âges-là où la maturation physique peut survenir en un clin d’œil, ce n’est définitivement la même histoire. Ce qui est donc supposé et même reproché au clan Muhammad c’est précisément d’avoir fabriqué de toute pièce ce différentiel physique en le faisant concourir contre des adversaires plus jeunes : Shabazz ne serait pas un phénomène de la nature, mais simplement un joueur plus âgé, donc plus mature que ses pairs. Un cas relativement fréquent dans le monde du sport. C’est ce qui est par exemple également reproché à Bismack Biyombo, qui pourrait être en réalité plus vieux qu’il ne l’a laissé entendre au moment de sa Draft, ou à Basile Boli pour aller vers un autre sport (selon la légende le « phénomène physique » Boli aurait disputé la Coupe Gambardella, réservée aux moins de 18 ans, à l’âge de 23 ans).

L’autre raison pour laquelle ce mensonge est notable est le fait que l’âge reste un élément capital dans l’évaluation d’un joueur. Les premières années d’une carrière sont celles où un joueur progresse le plus de manière générale, pas seulement physiquement. D’où le fait que les dynamiques de progression dans ces très jeunes années (entre 16 et 22 ans) restent les plus parlantes pour la suite d’une carrière. De toute évidence, pour le même niveau de jeu un Shabazz de 19 ans est bien entendu bien plus attirant aux yeux des scouts qu’un Shabazz de 20 ans.

Pour rendre les choses pires suite à cette révélation, le clan Muhammad ne semble pas transparent sur la situation. Interrogé à ce sujet son père réaffirme que Shabazz est bel et bien né en 1993 dans le Nevada, avant quelques heures plus tard à peine de rectifier 1992 en Californie. Lors des interviews pré-Draft, Shabazz se contente de dire que lui a toujours dit qu’il était né en 1992 tout en rajoutant dans le même temps qu’il allait arrêter de laisser les autres parler à sa place désormais (si d’autres parlaient pour lui, à qui donc Shabazz avait-il dit sa date de naissance ?). « Il y a marqué 1992 sur mon permis de conduire, comment est-ce possible de dire que j’ai 19 ans, à moins de ne pas savoir compter ? ».

Une fois ce mensonge admit l’anecdote sur la Draft 2012 n’en devient que plus croustillante : Shabazz aurait en effet pu sauter la case universitaire et rejoindre directement la NBA. Il avait l’âge requis. Mais il aurait fallu pour ce faire avouer ce mensonge et l’âge réel du jeune homme.  Or au-delà des méfiances qu’auraient engendrées le mensonge en lui-même, un Shabazz lycéen de 19 ans aurait également été moins attrayant qu’un Shabazz lycéen de 18 ans, donc drafté plus bas. C’est le serpent qui se mord la queue : avouer le mensonge, mais ne pas vraiment en profiter, ou ronger son frein et se plier à la limite d’âge en restant esclave de son mensonge.

Au demeurant la « stratégie » de continuer de mentir et d’envoyer Shabazz en NCAA pouvait s’avérer intéressante : alors que la Draft 2012 était de très haut calibre, celle de 2013 était au contraire annoncée d’une pauvreté historiquement rare (la faute d’ailleurs à une classe de lycéens 2012 particulièrement mauvaise). Il serait effectivement bien plus facile pour Shabazz d’être drafté très haut en 2013 en tant que star de sa génération et sans trop de concurrence plutôt qu’en 2012 où tous les gros prospects avaient déjà démontré de belles choses à un niveau que Shabazz n’avait encore pas connu.

L’opération One and Done avait du sens. Sauf que tout de ne s’est pas passé comme prévu.

Les affaires extrasportives et la révélation de son véritable âge ont eu le mauvais gout de se coupler avec des performances sportives très moyennes : UCLA déçoit malgré son recrutement clinquant, et Shabazz encore plus. Il fait ses stats (presque 18 points par match) en montrant des belles qualités au scoring, mais tout ceci se fait au détriment du jeu et du collectif. Shabazz ne crée aucune synergie collective, passe son temps à réclamer la balle, ne joue que pour lui et ne défend pas vraiment. Il y a d’un côté UCLA qui essaye de mettre en place son système de jeu, et de l’autre Shabazz Muhammad qui les interrompt, sprinte vers la balle pour la quémander ou se plante dans la raquette pour réclamer la balle au poste bas. Une fois, deux fois, trois fois, parfois quatre par possession.

Scoring dans le vide et attitude exécrable. Lors d’un match contre Washington c’est son coéquipier Larry Drew II (fils de l’ancien coach des Hawks et Bucks) qui rentre un tir au buzzer. L’euphorie s’empare de la salle…sauf de Shabazz qui avait réclamé la balle, voulait prendre le dernier tir et se dirige directement vers les vestiaires juste après le panier victorieux, visiblement agacé. Attitude qui n’échappe ni aux caméras, ni aux consultants NCAA…et encore moins aux scouts NBA. Paroxysme d’une saison entière d’égoïsme flagrant, rarement aussi tangible à l’œil nu. UCLA est éliminé au tout premier tour du tournoi de la March Madness.

Shabazz Muhammad achève sa saison universitaire sur un exploit : celui de dégringoler dans la Draft la plus faible de ces vingt dernières saisons et sans aucun passif médical inquiétant. Comme on pouvait s’y attendre en voyant la cuvée de lycéen 2012, la classe de freshmen 2013 est catastrophique. Historiquement mauvaise même. Projeté 2e pick en début de saison notamment par le très sérieux Jonathan Givony de Draftexpress, il termine à la 14e place. Shabazz a dégringolé dans la Draft non pas parce que d’autres lui sont passés devant, mais bel et bien parce que lui s’est effondré pour arriver derrière eux. Celui qui douze mois auparavant et pendant des années était encore considéré comme le meilleur talent de sa génération n’est plus qu’un banal choix de Draft du milieu de tableau, échangé en compagnie d’un autre choix du premier tour (Gorgui Dieng, 26e pick) par Utah pour acquérir l’incroyable talent sensationnel de Trey Burke. Un meneur trop petit pour les standards NBA et projeté au second tour dans les Mocks à l’époque où Shabazz était promis au podium.

Malheureusement ce ne sera pas le dernier coup manqué de la carrière de Shabazz Muhammad : occasion ratée en arrivant dans la grande ligue…et occasion ratée en y sortant. Plus précisément même : Shabazz et le clan Muhammad vont commettre un énorme raté précipitant la fin de sa carrière dans la grande ligue.

Comme tout joueur drafté au premier tour, Shabazz signe un premier contrat rookie de quatre ans dès son arrivée en NBA, mais aura l’occasion de négocier une prolongation de contrat dès la fin de la troisième année. C’est d’ailleurs plutôt commun que les joueurs paraphent ce genre d’extension anticipée.

Shabazz arrive à la fin de sa troisième saison NBA à l’été 2016. Il n’a donc pas encore réalisé sa campagne record de 2016-17, mais a quand même déjà à son actif deux de ses trois excellentes saisons consécutives à mener la ligue aux Points par Touches. Cet été 2016 les Timberwolves sont encore une bien mauvaise équipe (29-53) et Shabazz s’étant fait une petite place dans la rotation, le front office désire sécuriser sa présence sur le long terme en lui offrant une extension de contrat anticipée : 40 millions de dollars sur 4 ans. 10 millions par saison. Pour un joueur de presque 25 ans n’ayant jamais disputé plus de 22 minutes par match de moyenne et dont le répertoire est assez limité, on peut même s’aventurer à dire que cette offre est extrêmement généreuse, pour ne pas dire disproportionnée.

Shabazz refuse.

Le clan Muhammad pense que Shabazz mérite mieux et pourra obtenir bien plus s’il teste le marché. Près de 20 millions par an si l’on en croit les sources fiables (sans doute la franchise elle-même, qui a balancé tout ça a posteriori). Il n’est pas seulement question de pêché d’orgueil du joueur ici : l’été 2016 c’est aussi l’intersaison où le salary cap explose et où les contrats démesurés pleuvent sur le marché. Dans ce contexte-là et alors que Evan Turner, Luol Deng, Kent Bazemore ou Allen Crabbe flirtent avec ces 20 millions/an Shabazz décide que lui aussi testera le marché l’été suivant pour obtenir un chèque de ce calibre, ou plus.

La prolongation de contrat anticipé qu’il refusa de signer cet été-là aurait pris effet en octobre 2017. Un an plus tard à peine, en octobre 2018, la NBA démarrait sa nouvelle saison sans qu’aucune équipe ne compte dans ses rangs Shabazz Muhammad. Ça en été finit de sa carrière dans la grande ligue.

Plusieurs facteurs sont venus mettre des bâtons dans les roues du malheureux Shabazz. D’abord, les équipes ont réalisé que leurs rêves de ressources illimitées et d’un salary cap en constante augmentation n’étaient précisément que ça : des rêves. Elles ont fermé les vannes et recommencé à donner des contrats raisonnables plutôt que de penser que ceux excessifs le deviendraient sur le long terme. Le marché de 2017 était donc bien plus fermé que 2016. Le chèque démesuré que Shabazz pensait se voir offrir à l’été 2017 lui avait en réalité déjà été offert. En 2016.

Ensuite et surtout, un nouveau régime commençait dans le Minnesota : l’ère de la compétitivité. Après un an à observer timidement la situation de la franchise Tom Thibodeau veut faire passer la seconde aux Timberwolves pour 2017-18. Premier gros coup : le transfert de Jimmy Butler. Non seulement Butler évolue sur le même poste que Shabazz, mais les ambitions collectives revues à la hausse requièrent de plus un besoin d’être compétitif sur le plan défensif. Deux mauvais points pour Shabazz. Andrew Wiggins, lui, accepte sa prolongation de contrat anticipée en 2017 et Jamal Crowford arrive pour apporter du scoring en sortie de banc. La présence de Shabazz Muhammad dans l’effectif n’est plus désirée. Pour preuve, Minnesota retire même sa Qualifying Offer, refusant ainsi le droit qui leur était offert de s’aligner sur toute offre qui sera faite à Shabazz en free agency. Le message est plutôt clair.

Un an après avoir refusée de prolonger pour quatre ans à 10 millions/an Shabazz revient bredouille de la free agency resigne aux Wolves pour le minimum au moment des training camp. 32 matchs plus tard et après des tentatives échouées de l’échanger, Minnesota le coupe. Après 11 petits matchs chez des Milwaukee Bucks talentueux, mais dysfonctionnels, Shabazz Muhammad disait au revoir à la grande ligue.

 

Scouting Report

À ce stade de l’article il me faut passer aux aveux : en réalité après avoir mis à jour la base de données (et mes recherches bien antérieures) suite à la fin de saison 2019-20 à Orlando, il se trouve qu’un autre homme a réussi à dépasser la barre symbolique du 0.5 Point par Touche récemment : Terrence Ross avec le Magic (0.502). Pour Ross néanmoins il s’agit plutôt là d’une surperformance que d’un réel accomplissement à prendre au pied de la lettre (plutôt autour de 0.39 en carrière), d’où mon pêcher par omission afin d’assurer encore plus le sensationnalisme de l’accomplissement de Shabazz.

Car, pour Shabazz, ce fut tout sauf une surperformance aléatoire et éphémère : trois saisons consécutives pour presque 4000 minutes représentent un échantillon très solide. On peut faire confiance aux chiffres. Plus encore : Shabazz ne l’a pas simplement fait durant ces trois saisons spectaculaires, son Prime en carrière. Même durant sa saison rookie, en 2013-14, Shabazz compile 0.411 Pt/Touche, soit le 9e meilleur total de NBA cette saison-là (même si échantillon minuscule). Rebelote sur sa fin de carrière : Shabazz compile encore 0.468 Pts/Touche en 2017-18 lors de sa toute dernière année à Minnesota et Milwaukee (loin devant Eric Gordon, son dauphin avec 0.448). Toute sa carrière durant, Shabazz aura été le scoreur le plus prolifique de la ligue sur ce critère.

C’est ce qui d’ailleurs aussi incroyable et extraordinaire : il n’y a presque pas de différence entre le Shabazz Muhammad au meilleur de sa forme en carrière et le Shabazz Muhammad que personne ne souhaite signer sur le marché. Aucune différence. Pas de blessure ni de baisse quelconque de son niveau de jeu. Le « mauvais » Shabazz, celui de sa saison rookie ou de sa dernière campagne avec les Bucks qui dans les deux cas son coach faisait très peu jouer ? Quand il reçoit le ballon, il tire, forcément. Le « bon » Shabazz, celui de ses trois saisons record avec les Wolves a qui était offert 10 millions/an de salaire ? Quand il reçoit le ballon, forcément il tire, mais c’est un bon Shabazz quoi.

Comment expliquer ce mystère ? C’est ici que le cas de Shabazz devient réellement fascinant : pour toutes les leçons empiriques de scouting qu’il nous enseigne.

Jusqu’ici et par rapport à la capacité de Shabazz à dominer les Points par Touches nous nous sommes attardés sur un facteur explicatif en particulier : le fait qu’il tire dès qu’il le peut et élimine ainsi de l’équation un grand nombre de Touches inutiles qui feraient baisser son ratio. Mais il semble important de souligner un second aspect tout aussi important : ce n’est pas seulement que Shabazz tire souvent, c’est aussi et surtout qu’il rentre ses paniers très souvent. Il n’était pas qu’une gâchette facile, mais également une gâchette qui fait mouche.

Shabazz possédait réellement des qualités de niveau d’élite sur un terrain de basket, même pour les standards NBA.

En premier lieu dans sa capacité à scorer au panier pour un extérieur : ce n’est pas pour rien si le bougre menait toute la ligue au nombre de Points inscrit pas nombre de fois où il touchait la gonfle proche du cercle.

Son excellente taille (6’6, 1m98) couplée à son énorme envergure de bras (6’11, l’équivalent de nombreux intérieur) lui permettait de jouer en véritable Catch & Finisher autour du panier comme un Big Men pourrait le faire : capter la balle et monter directement au dunk. Plus que ses atouts physiques même, Shabazz était doté d’une explosivité détonante et puissante à partir de deux appuis pour monter très haut et finir au-dessus du niveau du cercle.

Férocement explosif avec prise d’élan, mais pas uniquement : Shabazz avait également la légèreté d’appuis et l’explosivité rapide pour remonter très rapidement au dunk après avoir atterri sur le sol. Voyez comme sur ces exemples il n’a en aucun moment besoin de redescendre sur ses appuis et fléchir les genoux pour « charger son saut » mais peut au contraire rebondir très rapidement sur le sol pour aller le plus vite possible au panier (avec petit saut d’appuis au moment de recevoir la balle).

 

Plus encore que ses mensurations physiques ou sa verticalité, Shabazz était aussi et surtout un incroyable phénomène physique très lourd, épais et puissant pour son poste. Absorber les contacts autour du cercle et terminer malgré eux n’était en aucun cas un problème. Une qualité qui lui permettait d’ailleurs de jouer avec une splendide agressivité à proximité de l’arceau.

Autour du cercle Shabazz n’était pas seulement vertical, mais également avisé. Comme le disait Draftexpress dans un des premiers scouting report établit à son sujet : « pour autant explosif que Muhammad puisse être, c’est son savoir-faire autour de l’arceau qui le distingue de tous les autres ». Comme très peu de joueurs le sont (y compris des intérieurs), Shabazz était patient autour du cercle et avec un sens de ce qui se passe autour de lui : sachant quand poser un dribble pour se réorienter, quand laisser filer le défenseur et quand se déplacer pour obtenir un meilleur angle de tir autour du cercle.

Autre argument de poids autour du panier : son toucher de balle, pour terminer plus en finesse lorsque la situation l’appelle.

Sa capacité à finir au panier étant un véritable atout, les Timberwolves n’hésitaient pas à l’utiliser sur des cuts en tout genre pour le servir dans ces positions-là.

Shabazz n’avait néanmoins pas besoin que des coupes vers le cercle soient scriptées pour grappiller des points : intuitivement, il avait toujours cette tendance à venir traîner autour du panier pour offrir des solutions de passes et s’offrir des tirs aisés.

Sa domination au panier ne passe pas seulement par de simples Catch & Finish : Shabazz était élite sur les rebonds offensifs. D’abord, son envergure de bras on ne peut plus imposante lui conférait un « catch radius » (ou portée de captage) assez incroyable pour un arrière.

Shabazz utilisait également à son plein potentiel son explosivité, à savoir un second saut ultra rapide. Notez ici sa capacité à rebondir sur le sol immédiatement pour remonter au cercle avant tout le monde, sans avoir besoin de reprendre de l’élan, fléchir les jambes et « recharger » son saut après avoir atterri au sol.

Avec son énorme carrure, a fortiori pour son poste, Shabazz était également un cauchemar pour ses pairs qui tentait de poser de bons box-out pour l’empêcher d’avoir la position préférentielle.

Mais ses capacités physico-athlétiques ne sont pas les seules à l’origine de son énorme production au rebond offensif.

Shabazz faisait aussi et surtout preuve d’une excellente agressivité pour attaquer le panier dès qu’un tir était pris, en démontrant des instincts d’anticipation, de lecture des trajectoires et un excellent timing pour sauter au bon moment et être le premier sur le ballon.

Un surplus d’agressivité et de soif de scorer qui se remarquait aussi de par sa fréquence bien au-dessus de la moyenne à scorer sur deuxièmes chances suite à son propre tir (à la Zion Williamson). Même lorsqu’il manquait sa chance ou se faisait contrer, Shabazz insistait immédiatement pour prendre un nouveau tir et sauver la possession.

Autre domaine du jeu où Shabazz allait chercher des points au cercle : le jeu en transition.

Shabazz vivait pour ces moments-là probablement plus que quiconque en NBA sur cette période : il saisissait chaque opportunité qui se présenter d’aller marquer sur contre-attaque. Sur la saison 2016-17 par exemple, parmi les joueurs ayant mis autant de paniers que lui sur la saison Shabazz est 2e de toute la ligue sur le pourcentage de ces paniers inscrits en transition (presque 30%, la norme étant plutôt entre 10% et 15%).

Une de ses manières préférées d’y arriver ? S’échapper avant tout le monde vers le camp adverse, ressortir de la mêlée et être au cercle bien avant tout le reste des joueurs. À la NBA 2K, en mode carrière, quand on cherche ce genre de paniers facile pour enfler les stats.

Preuve de son appétence pour les contre-attaques : son attention sans faille et son temps de réaction record. En moins d’une fraction de seconde après que le ballon n’ait été gagné par son équipe, et avant que tous les autres joueurs ne se rendent compte que la possession avait changé de camp, Shabazz galopait déjà seul vers le camp adverse.

(on ne me fera pas croire qu’un joueur capable de voir et de réagir aussi vite à une perte de balle n’était pas capable de reconnaître la bonne aide défensive à faire et à se précipiter pour la réaliser)

Shabazz n’était pas seulement ultra rapide pour reconnaître une situation de transition, il était aussi et surtout très tenace.

Qu’un joueur se trouvant dans le périmètre ou plutôt proche de la ligne médiane s’empresse d’aller dans le camp adverse est une chose. Mais être coriace au point de tout le temps courir à fond la caisse même quand on démarre depuis la ligne de fond opposée et alors que la totalité des joueurs ont même un temps d’avance en est une autre. Shabazz était de cette classe-là : toujours à fond les ballons, même s’il faut taper un sprint phénoménal sur tout le terrain et dépasser coéquipiers et adversaires pour avoir une chance de scorer en transition.

Shabazz dominait la NBA aux Points par Touches dans la raquette, sur Catch & Finish, Rebonds Offensifs et jeu de Transition, mais pas seulement : il était également dans les 3 ou 5 meilleurs de toute la ligue aux Pts/Touche au poste bas.

Pour ce faire, Shabazz utilisait principalement une arme en particulier : son hook shot main gauche. Une botte pas si secrète que ça, mais diablement efficace, qu’il pouvait enchaîner encore et encore en toute circonstance, de manière automatique. Presque robotique.

L’art de Shabazz au hook-shot ne se limitait d’ailleurs pas seulement au tir classique : il détenait également dans son arsenal un Running hook-shot, en mouvement plutôt que depuis une position stationnaire. Et surtout, un tir qui peut être tenté depuis plus loin. Très peu de joueurs NBA ont encore ce Running Hook dans leur jeu.

Outre sa main gauche, l’autre atout de Shabazz au poste bas était évident : sa carrure.

Alliage de taille, épaisseur de torse et largeur de cuisse, Shabazz était un spécimen bien difficile à contenir. Lorsqu’il tentait de prendre position au poste, il parvenait à verrouiller son défenseur (le garder à distance et tenir la position) avec aisance pour créer une ligne de passe et un panier facile. Un redoutable « Post Sealer ».

Lorsque l’adversaire était trop tendre (trop petit et/ou pas assez dur et costaud) Shabazz n’hésitait pas à lui rentrer dans le lard pour le dégager du chemin ou carrément l’enfoncer jusqu’au panier, et ainsi se créer un tir très proche du cercle.

Même lorsque l’adversaire était moins tendre d’ailleurs, sa puissance pure pouvait le faire remporter le duel. Shaun Livingston et Trevor Ariza ici ne peuvent rien face à cette musculature.

Lorsque l’adversaire tentait par conséquent de mettre tout son poids, de s’appuyer fortement sur lui pour tenter d’offrir une résistance suffisante, Shabazz sortait alors son contre-move : un très rapide spin pour les prendre à revers.

Le jeu au poste toute puissance et d’une rare « physicalité » pour un extérieur pouvait servir un but en particulier : Shabazz était un véritable mismatch killer. Si l’adversaire ne prenait pas la peine de mettre sur lui un défenseur de qualité, Shabazz pouvait simplement faire parler sa force brute pour punir son vis-à-vis trop chétif : une simple coupe vers le cercle pour prendre la position intérieure et générer un bon paquet de paniers tout cuits.

Toutefois, Shabazz n’était pas seulement puissance pure et toucher de balle main gauche au poste bas : il avait aussi et surtout un footwork impeccable. La même patience et maîtrise technique qu’il possédait sur Catch & Finish (vu plus tôt) se retrouvait dans son jeu dos au panier.

Sans non plus posséder un répertoire de move très varié, Shabazz était tout de même capable de scorer sur des Drop-Step vers sa droite…

…comme vers sa gauche.

Autre domaine du jeu où son footwork s’illustrait : sur ISO, en partant depuis le périmètre donc, lorsqu’il enchaînait sa spéciale Spin-move + floater pour conclure son un contre un. Notez bien sa vivacité d’appuis et son équilibre à tout instant malgré sa vitesse d’exécution du fait justement de son jeu de jambes millimétré.

Pour faire la transition vers les grosses faiblesses de son scouting report à présent, il convient néanmoins de dire que cet enchainement Spin + Floater était l’arbre qui cachait la forêt. Le plus gros défaut de Shabazz au scoring était clair : ses limitations pour créer son propre tir depuis le périmètre, balle en main.

À vrai dire, Shabazz était autant au-dessus des standards au rebond offensif, poste bas et finition intérieure qu’il était en dessous de la moyenne pour la création offensive dans le périmètre. Il manquait de savoir-faire, de technique et surtout d’un dribble de qualité lorsqu’il faisait face au panier et devait se créer son tir loin du cercle.

Bizarrement son footwork pourtant si bon dans différents domaines du jeu ne se retrouvait pas sur ISO. Par exemple, Shabazz avait notamment beaucoup de mal à utiliser un basique step-back dans le périmètre. Voyez comme sur ces actions un simple step-back lui permettrait facilement de créer une séparation avec le défenseur et donc un tir un peu plus ouvert. A la place, les tirs qu’il tente sans ce step-back sont très bien contestés par le défenseur.

D’ailleurs ses limitations sur « live dribble » (pour créer lorsqu’il était déjà en train de dribbler) le poussaient à prendre ses tirs d’une autre manière : de façon statique. Bien souvent, après avoir reçu la balle, Shabazz se contentait d’un simple jab-step (ou rien du tout) avant de dégainer sans même chercher à se créer de l’espace.

Ce manque de dangerosité dans le périmètre avait d’ailleurs une conséquence directe assez évidente : les défenseurs se sont rapidement mis à jouer loin de lui et à rester bas pour l’inciter à shooter (sans craindre le résultat) et/ou être en meilleure position pour bloquer l’accès au cercle.

Les déficiences de Shabazz balle en main et face au panier étaient telles qu’il était assez fréquent, dans ces situations de un contre un dans le périmètre, de le voir d’un coup se retourner et tourner le dos au panier comme pour jouer un post-up. Il avait à ce point peu de créativité, de compétence et de maîtrise pour se créer un tir dans le périmètre.

Voici par exemple ses performances sur ISO en 2015-16 et 2016-17, deux de ses trois années consécutives à dominer la NBA aux Pts/Touche (statistiques non disponibles pour 2014-15).

En tournant à peine autour du 0.60 Point Par Possession sur ISO, Shabazz ne classait dans les 16e et 18e percentiles de NBA. Autrement dit, entre 80 et 85% des joueurs NBA faisaient mieux que lui.

Ce serait d’ailleurs mentir que d’affirmer que les difficultés de Shabazz pour se créer son tir se limitaient aux ISO : son jeu au poste non plus n’était pas infaillible et Shabazz n’était très clairement pas capable de se créer son tir à volonté, en grande quantité et contre n’importe qui. Si c’était le cas, Minnesota aurait pu bâtir autour de ce genre de qualités de franchise player.

L’excellente efficacité de Shabazz au poste bas s’explique simplement : il laminait toute forme de mismatch qui s’offrait à lui. Or, étant données ses qualités physiques très au-dessus de la moyenne de son poste, énormément de joueurs rentraient dans la catégorie « mismatch » face à lui. Voyez plutôt ses performances en Post-Up en 2015-16 et 2016-17.

Avec 0.94 et 0.95 Point Par Possession, Shabazz se classait parmi les tout meilleurs scoreurs de NBA dans cet exercice, où très peu dépassent la barre des 1.00 PPP y compris chez les intérieurs. Mais ces PPP ainsi que les jolis percentiles ne racontent pas toute l’histoire : ceux-ci sont boostés par la facilité avec laquelle Shabazz dézinguait les mismatchs. Sauf que quand l’équipe d’en face s’en donnait les moyens en offrant un adversaire compétent, ce n’était plus la même histoire, et l’équipe stoppait de ce fait de jouer par lui.

La première difficulté de Shabazz : faire face à de la longueur. Tenter de scorer contre des défenseurs ayant l’envergure de bras et la taille pour l’étouffer. Là est toute la différence entre Shabazz et un intérieur spécialisé dans le poste bas : Muhammad est très grand et long pour son poste, mais pas dans l’absolu. L’adversaire peut donc trouver un ailier, poste 3 ou 4, aux énormes mensurations pour le gêner alors qu’aucune défense ne peut trouver un joueur de 2m60 pour faire la même chose avec Joel Embiid ou Nikola Jokic par exemple.

L’autre défaut de Shabazz : le manque de variété de son répertoire. En particulier, Shabazz faisait tout en son pouvoir pour revenir sur sa main gauche parce qu’il n’avait ni main droite ni même n’était capable de scorer sur un turnaround jumper.

Sans main faible ni turnaround jumper, un constat s’impose : au poste bas Shabazz ne pouvait scorer que par-dessus une seule épaule, plutôt que d’être capable de déclencher un tir en se retournant à la fois sur sa droite et sur sa gauche. De ce fait les défenseurs pouvaient se contenter de complètement fermer un côté (son épaule droite) pour l’empêcher de revenir sur sa main gauche et au contraire le forcer à jouer à droite.

…ou au contraire être en parfaite position si Shabazz insiste quand même pour revenir à gauche.

Un aspect en particulier aurait peut-être pu sauver Shabazz et revaloriser son jeu au poste : la création et distribution à partir de cette position de poste bas.

Mais bien évidement lorsqu’on parle de Shabazz et de passing dans la même phrase, les deux ne font pas bon ménage : sur la période de 3 saisons entre 2014-15 et 2016-17, parmi les joueurs qui ont disputé au moins autant de possession au poste que lui, Shabazz était le joueur qui réalisait le moins de passes par match depuis cette position. Il n’est pas question de passe décisive ici, mais bien de passe « normale » où un joueur transmet la gonfle à un coéquipier.

Lorsque la balle lui arrivait dans les mains au poste bas, elle n’en ressortait plus. Qu’importe le contexte autour, le défenseur en face, les shooteurs qui se libèrent ou les aides qui arrivent sur lui.

Manquer des coéquipiers grands ouverts n’était d’ailleurs bien sûr pas une spécialité du poste bas pour Shabazz. Sur drive également, notamment. L’incroyablement quantité de possessions où Shabazz ne réalise pas la passe toute simple et directe vers un coéquipier se trouvant dans son champ de vision pourrait produire une compilation vidéo de 20 minutes, mais voici plutôt quelques-uns des exemples les plus évidents.

Shabazz ne se limitait pas au jeu sur demi-terrain : manquer des coéquipiers ouverts était également sa grande spécialité sur contre-attaque. Certaines de ces actions en transition sont presque comiques (le 5 contre 2, entre autres).

Sa prise de décision sur jeu en transition était de manière plus générale des plus médiocres. Si on devait déterminer le plus mauvais tir possible du basket ce serait sans doute un long tir à deux-points contesté pendant une contre-attaque. Manque de chance : c’était un tir fétiche du répertoire de Shabazz.

Pour revenir un peu sur les situations d’ISO et de création individuelle, il convient de dire que Shabazz n’avait pas seulement du mal à se créer des jump-shots de qualité depuis ces situations : son jeu en pénétration aussi laissait très largement à désirer.

D’abord, Shabazz n’avait pas une explosivité d’élite pour se rendre au panier à volonté, ni même régulièrement. Bien que son explosivité verticale avec prise d’élan ne soit plus à prouver, c’est une tout autre histoire pour son explosivité horizontale (la capacité à accélérer très fort très rapidement d’un point A à un point B du terrain). Ce manque de vivacité au démarrage l’empêchait de pouvoir mettre dans le vent son adversaire : notez sur ces exemples la position parfaite du défenseur en fin de drive, bien placé entre Shabazz et le panier.

Autre défaut : son manque flagrant de variations pendant le drive. La majorité des pénétrations de Shabazz se résume à du straight-line, du tout droit, en se contentant de vouloir faire la différence en y allant à fond la caisse pour dépasser le vis-à-vis. Sauf que si le défenseur arrive à suivre, le drive ne va nulle part. Voyez comme sur ces exemples Shabazz s’obstine à aller dans la même direction à la même vitesse, alors qu’une simple variation (driver d’un côté puis soudainement se réorienter vers l’autre côté, ou faire un arrêt-redémarrage) suffirait à perturber le timing du défenseur.

Bel exemple ici : Shabazz arrive lancé face à un intérieur et dispose de plein de place pour changer de direction, mais continue tête baissée pour un tir de mauvaise qualité que Tyson Chandler peut aisément contester.

Shabazz adoptait un style de tout droit sur ses drives, mais aussi, et surtout tentait régulièrement de forcer les choses. Même lorsque la raquette était bouchée et qu’il n’y avait pas la place de driver, Shabazz essayait tout de même d’aller au panier et finissait par s’empaler sur la masse de joueurs.

Autre défaut non négligeable : sa tendance à ne savoir utiliser que sa main gauche. Voyez comme sur ces exemples où il part en drive sur sa droite, la pénétration ne mène nulle part et Shabazz se contente d’un tir de très mauvaise qualité en déséquilibre à défaut de savoir faire quoi que ce soit d’autre.

Pour ne pas arranger son cas, son manque de dangerosité sur les longs 2pts et autre jump-shot (et sa réticence à en tenter) permettait aux adversaires de passer sous les écrans de P&R. Et ainsi plus facilement boucher l’espace et l’empêcher d’atteindre le cercle.

Shabazz n’avait pas seulement du mal pour se rendre au panier : une fois sous le cercle, ses qualités de finisseurs étaient également très moyennes, pour ne pas dire carrément mauvaise.

Quelque chose qui pourtant ne semble pas évident si on regarde ses bons pourcentages de réussite autour du panier. Mais l’explication est simple : dans ces pourcentages se trouvent les tirs de Catch & Finish, en transition, sur rebond offensif et au poste bas sur lequel Shabazz excelle. Si en revanche on s’intéresse seulement à ses tirs tentés en fin de drive c’est une tout autre affaire : il tourne seulement entre 40% et 42% de réussite sur ces tentatives en fin de pénétration entre 2014-15 et 2016-17, ce qui le situe autour du 10e percentile (seulement mieux que 10% de tous les autres joueurs NBA, donc pire que 90% d’entre eux).

Le premier problème de Shabazz à la finition : l’asymétrie de son jeu. Autrement dit son désir de vouloir toujours et sans exception utiliser sa main gauche pour le lay-up, ainsi que son refus absolu de se servir de sa main droite même lorsqu’il drive à droite et/ou qu’un tir main droite serait plus approprié.

Plus encore que d’utiliser la mauvaise main, Shabazz utilisait aussi et surtout le mauvais pied pour décoller. Tel un junior n’ayant jamais vraiment travaillé son double pas sur sa main faible, Shabazz réalisait le même enchaînement à droite du panier qu’à gauche. Et décollait donc de son pied droit (le mauvais) même quand il drivait sur sa droite.

Ça peut paraître anecdotique, mais c’est tout sauf négligeable. En n’étant pas capable de décoller à partir de son pied gauche, Shabazz ne peut donc pas utiliser son pied gauche et tout son côté gauche pour « verrouiller » sa position et tenir à distance le défenseur. En décollant du pied droit, avec le poids du corps sur ce pied droit, voyez comme les défenseurs pouvaient attaquer son épaule gauche plus fragile pour contester le tir.

Pour poursuivre sur son footwork imparfait au moment du lay-up, il lui arrivait également régulièrement de décoller à partir de deux appuis plutôt qu’un seul. Ou tout simplement à « tronquer » son double pas : faire de toutes petites foulées qui ne permettent pas d’emmagasiner assez d’énergie et un bon équilibre.

Par ailleurs, Shabazz manquait cruellement de verticalité dans le trafic.

Alors qu’avec une bonne prise d’élan et à partir de deux appuis, il était capable de décoller avec férocité et d’exploser verticalement pour le dunk, c’est une tout autre histoire quand il devait décoller que d’un seul appui. Avec une seule jambe pour le propulser vers le haut. Incapable de « charger son saut » avec autant d’énergie, Shabazz décollait très peu du sol et jouait même régulièrement bien en dessous du niveau du cercle.

Voyez comme sur ces exemples il relâche la balle très en dessous du panier en fin de drive (là où les défenseurs peuvent plus facilement contester donc) plutôt qu’à hauteur de l’arceau comme on pourrait s’y attendre avec sa taille et énorme envergure de bras.

Autre gros défaut de sa finition : les lay-ups hors de contrôle. En attaquant le panier à fond la caisse et sans trop chercher à varier vitesse ou direction pendant le drive, Shabazz arrivait souvent en fin de pénétration à pleine vitesse et hors de contrôle. Notez à quel point sur ces exemples Shabazz perd l’équilibre et/ou est entraîné par son « momentum » et ne peut donc pas s’ajuster et tirer avec précision.

Shabazz Muhammad était un piètre slasher en NBA. Il tentait très peu de se rendre au panier, n’arrivait pas à créer de vraies différences sur son drive et finissait très mal ses tirs une fois au cercle, certes.

Et pourtant.

Le plus rageant dans cette histoire est le fait que Shabazz aurait pu. S’il avait voulu et avait travaillé dans ce sens-là, Shabazz aurait pu devenir un excellent slasher. Son slashing game était bourré de défauts plus que de limitations : des choses qu’il faisait mal, mais qui pouvaient être travaillées et améliorées. Ne serait ce que sa taille et son envergure de bras sont des outils dont rêverait la majorité des arrières NBA pour se rendre au panier et y finir avec efficacité.

Les fulgurances que Shabazz a démontrées sur drive furent assez peu nombreuses. Mais de très belle facture.

En premier lieu, un des problèmes de Shabazz sur drive demeurait son manque de flexibilité : il restait souvent assez rigide et haut sur ses appuis, probablement en partie du au fait de sa qualité de dribble très imparfaite (donc de son manque de contrôle du ballon et d’aisance pendant le dribble). Pourtant les rares fois où Shabazz a fait l’effort de descendre sur ses appuis, de tenter de descendre son centre de gravité pour évoluer proche du sol et de se forcer à aller jusqu’au cercle plutôt que s’arrêter dans le « Short Mid-Range » les résultats étaient très satisfaisants.

Son premier pas était également plutôt bon, notamment sur « live dribble ». Pas outrageusement explosif, mais tout de même assez rapide pour faire la différence, quand il voulait bien faire l’effort de rentrer l’épaule, descendre sur ses appuis et s’engager dans ce premier pas.

De même sa vivacité combinée à la « physicalité » (dureté physique) dont il faisait preuve pendant les drives aurait pu l’encourager à attaquer le cercle plus fréquemment. Sur ces exemples, depuis une position stationnaire cette fois, Shabazz était capable de placer de très bon « Rip Through » move pour se mettre en route vers le cercle.

Une combinaison vitesse et dureté physique démontrée également sur Spot-Up drive (attaque du panier dès la réception du ballon). Un exercice sur lequel Shabazz aurait sans doute pu briller bien plus qu’il ne l’a fait réellement, et qui l’aurait même servi à s’intégrer en complément d’autres joueurs stars (plutôt que rester un trou noir offensif qui évolue en parallèle de ses coéquipiers).

Similairement, sur quelques rares fulgurances Shabazz a démontré être capable d’apporter plus de variation à ses drives plutôt que d’être un simple tout droit. S’il avait continué à travailler son dribble, sans doute aurait-il pu réussir avec plus de régularité ce genre de changements de vitesse et de direction, et ainsi perdre plus souvent le défenseur.

Plus encore, Shabazz a également démontré quelques superbes fulgurances sur la finition au cercle malgré son niveau global dans l’exercice assez mauvais.

Plus particulièrement au niveau du footwork. Comme vu précédemment il préférait toujours plutôt s’arrêter dans la Short Mid-Range plutôt qu’aller franchement au cercle peinait à effectuer de bons doubles pas, décollait du mauvais pied, ou n’orientait pas si bien que ça son corps. Pourtant, à de très rares occasions, Shabazz réalisait des doubles pas d’une technique impeccable, mais aussi et surtout d’un potentiel énorme : observez à quel point après ces superbes grandes foulées bien maîtrisées il était capable de l’élever et de s’étendre de toute sa longueur pour relâcher le ballon très haut, carrément à hauteur du cercle, pour des paniers faciles.

C’est ce qu’on appelle utiliser ses atouts physiques de taille et d’envergure de bras de manière « fonctionnelle », s’en servir pour affecter directement la façon de jouer. Si Shabazz avait su finir une majorité de ses drives de cette manière plutôt que par des doubles pas tronqués, des prises d’appuis à deux pieds et/ou non maîtrisées, nul doute que sa production sur pénétration aurait pu être incroyablement plus grande.

Preuve en est sur ces exemples suivants : même lorsque Shabazz drivait sur sa droite en utilisait la mauvaise main pour finir, le fait d’avoir enchaîné un excellent double pas et superbe extension au cercle lui permettait de déposer le ballon à hauteur du cercle. Même sur sa mauvaise main et en ne faisant pas tout bien, un bon footwork et un effort pour utiliser sa longueur lui permettait de créer des lay-ups de qualité.

Une longueur de bras qui se compilait d’ailleurs à son bon toucher de balle. Sur ces quelques fulgurances qui suivent, on peut desceller tout son potentiel de finition sur drive dans sa manière d’utiliser ses atouts pour scorer par-dessus des protecteurs de cercle très bien placés. Des tirs pourtant très compliqués que ne sont très certainement pas capables de mettre la majorité des arrières NBA.

Outre sa longueur, Shabazz pouvait aussi utiliser sa puissance et sa charpente très solide pour résister aux contacts, agresser les intérieurs au cercle et finir malgré leur présence. Une nouvelle fois, clairement pas quelque chose dont tous les extérieurs sont capables même au niveau NBA.

Autre facette de la finition qu’on aurait pu et voulu admirer plus souvent que ce ne fut le cas : les floaters en fin de drive pour passer par-dessus l’intérieur si celui-ci bloque l’accès au cercle. Un floater souvent utilisé par Shabazz dans différents domaines du jeu, mais assez rarement sur drive.

Les fulgurances démontrées par Shabazz furent peu nombreuses, mais on ne peut plus alléchantes. Entre vivacité et puissance pour se rendre au cercle, taille et maîtrise du corps, finition en finesse, en technique, ou en force, Shabazz semblait pouvoir développer le package complet.

Mais il ne l’a « juste » jamais vraiment fait.

Un autre aspect qui semble important à souligner : Shabazz Muhammad semblait être un joueur intelligent malgré ce que peuvent indiquer les statistiques en tout genre vis-à-vis des passes décisives. Il n’est pas le cas classique du Trou Noir qui ne sent pas le jeu, qui ne le comprend pas et se résout donc par défaut à tirer dès qu’il ne peut parce qu’il n’est pas capable de faire autrement.

Notamment, un excellent indicateur de son bon QI basket (ou en tout cas de ses instincts naturels) est le jeu sans ballon : Shabazz démontrait de très belles choses dans cet exercice. Sans la gonfle, il faisait preuve d’une belle réactivité pour lire le jeu, une bonne anticipation pour comprendre où et comment va s’ouvrir la brèche dans la défense, et un superbe timing pour couper et offrir des solutions de passes.

De même, dès la seconde où son propre défenseur était amené à dézoner pour apporter une aide Shabazz s’empressait se couper dans son dos pour le punir. Un vrai « mauvais joueur » incapable de comprendre le jeu ne réalise pas ce genre de cuts.

Puisqu’on en est à lister ce que Shabazz aurait pu être contrairement à ce qu’il a été, il convient également de pointer du doigt la franchise du Minnesota. Au moins en partie : Shabazz a largement été sous-utilisé dans certains domaines. Par exemple en poseur d’écran. Évidemment une partie de la faute lui revient aussi : poser des écrans étant une tâche ingrate Shabazz n’a jamais vraiment montré le désir d’y briller. S’il avait eu l’envie de le faire néanmoins, sa carrure très au-dessus des standards aurait grandement pu aider à participer au jeu collectif.

Voyez comme sur ces rares exemples et étant données ses qualités de finisseurs intérieurs, demander à Shabazz de poser des écrans aurait pu indirectement lui obtenir de superbes opportunités de scoring si la défense se concentre trop sur le joueur utilisant l’écran.

De même Shabazz a été scandaleusement sous-utilisé sur Pick & Roll dans le rôle du Roll Man. Voici par exemple quasiment les seules fois où Shabazz a été utilisé de cette manière.

Des résultats on ne peut plus positifs. Et pourtant, il n’apparaît jamais sur les pages de statistiques des Roll Man : il faut au moins 10 possessions jouées sur la saison entière en tant que Roll Man pour apparaître. Sur les 1500 et 1600 minutes disputées entre en 2015-16 et 2016-17 où les statistiques sont disponibles, Shabazz n’a donc jamais été utilisé plus de 10 fois en tout et pour tout. Un crime.

Il en va d’ailleurs de même pour les séquences en Pick & Pop. Shabazz est loin d’être un incompétent sur jump-shot, a fortiori en réception de passe. Voici pourtant les deux seules fois où on a pu le voir finir une action dans un rôle de P&Pop.

Ce qui nous emmène directement vers un domaine pour l’instant pas abordé, mais qui reste cependant l’aspect de son jeu qui laisse le plus de regrets : le jump-shot.

Shabazz n’était pas vraiment un bon shooteur en NBA, et n’aurait vraisemblablement jamais pu devenir élite ni même excellent. Ce qu’il aurait pu devenir toutefois, en insistant sur cet aspect durant les heures d’entraînement, c’est devenir un solide voire même un bon shooteur extérieur.

Shabazz n’avait pas un toucher de balle ni un shot-making de très haut niveau comme en attestent ces pourcentages au lancers francs (excellent indicateur du potentiel d’un joueur sur jump-shot) : en carrière, il est à 75% de réussite avec des pointes à 77% et 78%. Solide, mais pas exceptionnel : les joueurs dans ces zones-là atteignent rarement les 40% à trois-points sur la durée, et inversement ceux qui y arrivent ont généralement un historique aux lancers francs d’une réussite au-delà des 85% de réussite.

Ceci étant dit, une partie des échecs de Shabazz sur jump-shot provenait d’imprécisions dans l’exécution de son geste du jump-shot. Imprécisions qui auraient pu être plus facilement modifiées et remonter en partie son efficacité.

Le principal problème de son jump-shot : la coordination de la poussée des jambes et de la mécanique de bras. Ayant un tir avec une trajectoire assez plate, Shabazz avait donc très petite marge d’erreur et ne pouvait donc pas se permettre de tels problèmes rythme pendant le tir : le dosage et la précision devaient être quasiment parfaits.

Premier défaut : il lui arrivait régulièrement de ne pas assez fléchir les jambes. Résultat : moins d’énergie emmagasinée donc un besoin de compenser en donner de la puissance au ballon avec ses bras, qui elle-même entraînait en conséquence une perte de précision assez importante. Notez à quel point Shabazz fléchissait peu ses jambes sur ces exemples.

Second problème : son refus de réaliser un « Dip » avec la balle.

Autrement dit, prendre le temps après avoir reçu la balle de la baisser au niveau de la taille (ou en dessous) pour synchroniser tout le mouvement et se mettre en rythme. Pour une raison mystérieuse (ne pas perdre de temps ?) de nombreux entraîneurs conseillent de ne pas réaliser ce geste avant de shooter alors même que les tout meilleurs shooteurs au monde le pratiquent (Curry, Klay, Redick, Ray Allen à l’époque, et tous les autres).

Sur ces exemples voyez comme Shabazz refuse de descendre la balle après la réception, et au contraire la garde très haut (au niveau du torse) pour enchaîner directement sur le tir. Or sans ce « Dip » il ne se met pas en rythme, et voit ses mouvements mal coordonnés.

À l’inverse et paradoxalement, quand Shabazz recevait une mauvaise passe mal ajustée (un peu trop basse plutôt que bien au niveau du torse) c’est là qu’il shootait le mieux : le fait de devoir se baisser et/ou de commencer le mouvement avec la balle aussi basse créait de facto un « Dip » qui lui permettait de se mettre en rythme et de décocher des jump-shots à la trajectoire bien plus arquée que d’habitude.

C’est un détail qui aurait pu être travaillé relativement facilement, et lui aurait peut-être permis de gagner quelques pourcentages de réussite sur son jump-shot.

Par exemple, voici sans doute le plus beau jump-shot de la carrière NBA de Shabazz Muhammad.

En trois temps. Premièrement, abaisser la balle et bien plier les jambes pour « charger » le saut et se synchroniser. Deuxièmement, une poussée des jambes bien coordonnée avec le mouvement des bras. Troisièmement, relâcher le ballon pile quand il arrive en haut de son saut. D’une propreté impressionnante.

Autre indicateur du bon potentiel qu’avait Shabazz au jump-shot : sa mécanique de bras avait au moins le bon goût d’être compacte et régulière. Il ne faisait pas des gestes différents à chaque fois, comme beaucoup de mauvais shooteurs. Admirez par exemple ce « Follow Through » impeccable après avoir remâché le ballon : main gauche bien étendue, main droite bien ferme. On ne fait pas plus académique que ça.

Plus encore, Shabazz possédait dans le même temps un splendide footwork. Notez sur ces exemples comment il s’ajuste très rapidement, sur la pointe des pieds, tout en alignant son axe épaule/hanche avec le panier pour arriver rapidement en parfaite position au moment du tir.

Autre geste technique que Shabazz réalisait régulièrement : un petit « hop » jump (ou saut d’appuis). Autrement dit, réaliser un petit saut au moment de recevoir la balle pour retomber et établir immédiatement de bons appuis. Et ainsi : shooter en rythme. Véritablement le mot d’ordre de son jump-shot.

Les trop nombreuses fois où Shabazz manquait la cible ? Ce « Hop » n’était généralement pas réalisé.
Une autre de ses qualités très appréciables sur jump-shot qui laissait entrevoir un joli potentiel : la rapidité d’exécution de son geste. Voyez sur les exemples suivants avec quelle vitesse il est capable de capter la balle, réaliser sa mécanique de bras et faire partir le tir pendant qu’un défenseur est déjà en train de se jeter sur lui.

Shabazz aurait pu être un meilleur jump-shooteur intrinsèquement.

Toutefois, il convient de souligner que même au niveau qui fut le sien et même sans améliorations conséquentes Shabazz aurait pu être bien plus utilisé pour ses compétences de shooteurs. Lui-même avait trop tendance à foncer au cercle plutôt que prendre le jump-shot, mais Minnesota aurait également pu tenter de lui offrir plus d’opportunités de le faire via son utilisation directe.

Par exemple, Shabazz n’a quasiment jamais joué sur Dribble Hand-Off pour se voir offrir des jump-shots. Voici deux des rares exemples sous la tunique des Wolves.

L’autre exercice sur lequel on reste sans doute encore plus sur notre faim est le jeu en sortie d’écran. Ce n’est pas simplement que Shabazz démontrait d’assez bonnes qualités pour ce domaine : il en faisait admirer d’excellentes.

La première et plus importante : son footwork impeccable, toujours précis et avec une très belle vivacité d’appuis pour bien établir sa position avant le jump-shot. Notez sur ces exemples les mouvements de ses pieds au moment de recevoir le ballon, la précision et la vitesse de ses gestes.

Important à noter également : Shabazz était capable de sortir d’ écrans et d’enchaîner sur son jump-shot en courant sur sa gauche…

…comme sur sa droite.

Autre qualité d’un « scoreur professionnel » en sortie d’écran : la capacité à lire l’action du défenseur en même temps qu’il se démarque.

Lorsque son adversaire choisissait de passer sous l’écran (ou dans le feu de l’action se retrouver de facto à le faire) Shabazz était capable de lire le jeu immédiatement et d’en tirer profit : plutôt que de continuer sa course, un simple pas ou deux sur le côté pour dévier sa trajectoire et se cacher derrière l’écran.

Shabaaz possédait même un second contre-move dans cet exercice : si le défenseur arrivait à rester bien attaché et à le coller de près Shabazz pouvait driver (plutôt que s’arrêter pour un jump-shot contesté) et déclencher son redoutable floater.

Dans la réalité des faits néanmoins ce floater en sorite d’écran n’était pas qu’un contre-move : c’était son arme principale. Voyez un peu son efficacité générale en Off-Screens :

Shabazz tournait plutôt autour du 35e percentile (seulement meilleur que 35% des joueurs NBA), bien en dessous de la moyenne. Et pour cause : lorsqu’il sortait d’un écran, son réflexe n’était pas de profiter de l’occasion pour déclencher son jump-shot (son arme efficace), mais préférait la majorité du temps foncer tête baisser sur drive pour déclencher son floater (son arme peu efficace dans ce contexte-là) par-dessus une poignée de défenseurs.

A quel point Shabazz aurait-il pu être fort en sortie d’écran s’il avait insisté pour obtenir des jump-shot dans ces situations ? Plus encore, à quel point aurait-il été plus productif si ces jeux d’écrans lui avaient libéré des tirs à trois-points plutôt que des longs deux ? On ne peut pas en être sûr, mais a priori plus qu’il ne l’a réellement été.

Un autre de ses qualités au jump-shot aurait pu lui être utile, notamment sur ISO : sa vitesse de déclenchement du tir. Voyez comment Shabazz est capable de faire partir le ballon avant même que le défenseur ne puisse réagir ou contester le tir convenablement.

Enfin, et c’est peut-être là le plus gros regret de la carrière de Shabazz : les tirs en sortie de dribble.

C’est bien simple, Shabazz n’en a tenté que très peu tout au long de sa carrière, sans doute moins de 20 ou 30 en 5 années. Pourtant, cet échantillon très réduit démontre à la fois une certaine efficacité, mais aussi de très belles promesses. Notez comme sa mécanique est fluide et régulière dans la continuité du mouvement et du dribble.

Ce sont là l’intégralité des pull-up réussis par Shabazz Muhammad en NBA sur Pick & Roll, vraisemblablement.

C’est peut-être assez paradoxal par vis-à-vis des dires habituels, mais Shabazz est sans doute un des seuls joueurs NBA qu’il est regrettable de ne pas avoir vu tenter plus de longs tirs à deux points. Pour deux raisons : premièrement le fait même de prendre ces tirs régulièrement aurait élargi son champ d’action et son périmètre de dangerosité. Si le défenseur sait que Shabazz est capable de prendre ce long deux-points, en sortie d’un P&R ou sur ISO, il sera plus enclin à rester proche de lui, donc plus vulnérable à un drive.

Deuxièmement, vu la fluidité de ses gestes et son aisance à enchaîner un jump-shot après du dribble sur les rares exemples dont on dispose, il est probable qu’il aurait même pu les rentrer avec une réussite tout à fait convenable.
Prenez cet exemple d’ISO face à Draymond Green.

Il lui manque sans doute un peu de « wiggle », de dynamisme balle en main pour se créer plus d’espace, mais le geste en lui-même du jump-shot est tout à fait satisfaisant.

Shabazz aurait pu développer un pull-up game qui aurait probablement ouvert de manière conséquente tout son jeu offensif. Il ne l’a pas fait, mais il aurait pu.

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Empirisme et réflexions

Plusieurs remarques semblent importantes à faire, ce stade.

D’abord sur le contexte des Timberwolves : si Shabazz a pu mener la NBA trois ans de suite sur l’efficacité aux Points par Touche malgré son profil offensif à ce point atypique ce n’est pas uniquement de son seul fait. Pour faire simple : le Shabazz Muhammad tel qu’il fut n’aurait tout simplement pas pu exister sans une configuration idéale et très précise autour de lui. À savoir une équipe suffisamment mauvaise pour avoir besoin de son scoring (et accepter sa défense abyssale) qui dans le même temps ait un niveau de passing et d’altruisme de très haut niveau pour compenser la façon de jouer de Shabazz et ainsi l’absorber dans un semblant de collectif.

Miraculeusement, c’est exactement ce qu’étaient les Minnesota Timberwolves entre 2014 et 2017.

Dans ces trois équipes de piètres qualités postant des bilans collectifs d’à peine 16, 29 et 31 victoires (résultant en un 1st pick, 5th pick et 7th pick de Draft) se trouvaient pourtant des passeurs d’une qualité exceptionnelle pour une équipe de cet acabit. La totalité des joueurs de la rotation oscillait entre « au-dessus de la moyenne » et « élite » à cet égard. Ricky Rubio, Karl-Anthony Towns et Nemanja Bjelica sont tous les trois des passeurs d’exceptions à leur poste. Zach LaVine a des qualités de passeurs très intéressantes malgré sa prise de décision contestable. Tyus Jones est depuis ses premiers pas un des tout meilleurs meneurs back-up et général de terrain de toute la ligue. Gorgui Dieng est un bon passeur capable de briller sur Short Roll (extra-pass sur P&R) ou depuis le poste haut à trouver des cutters. Tout comme Adreian Payne, dans une bien moindre mesure. Khris Dunn est également très compétent dans l’exercice, tout comme Mo Williams venu jouer back-up une saison. Les Timberwolves ont même eu dans leurs rangs durant ces années Andre Miller et Tayson Prince, paroxysmes du modèle de vétéran intelligent, altruiste et bon passeur. Même Andrew Wiggins dans une certaine mesure a toujours démontré des flashs intéressants de création en sortie de dribble, et n’a jamais eu pour défaut de monopoliser le jeu à lui.

Ces joueurs-là pouvaient être critiqués sur bien des aspects (spacing, défense, turnovers, etc), mais en aucun cas sur la capacité à passer la balle ou la volonté de faire la bonne action. En somme, Shabazz a pu exister en tant que finisseur exclusif, le joueur qui prend la balle et tire à chaque fois directement, du fait que l’effectif autour de lui était capable de lui offrir ce genre d’opportunités. Des opportunités de grande qualité et des tirs faciles, qui plus est, où Shabazz se retrouvait ouvert et n’avait plus qu’à shooter. On ne trouve pas chez d’aussi mauvaises équipes un tel niveau de passing, à la fois sur les deux ou trois têtes d’affiche et au niveau de la profondeur d’effectif. Ces Timberwolves-là sont même une exception historique. Sans un passing de cette qualité autour, Shabazz aurait-il pu exister sur l’échiquier NBA ? Sans doute, mais probablement pas au point de réitérer ses performances statistiques record.

Notez bien que c’était bel et bien la combinaison des deux facteurs qui était à la fois nécessaire pour que Shabazz existe : d’une part du passing, et d’autres part un niveau assez bas pour avoir besoin de son scoring et fermer les yeux sur sa défense. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si du jour au lendemain, suite au trade de Jimmy Butler et lorsque l’équipe est devenue réellement compétitive, Shabazz a cessé d’importer au point même de sortir de la rotation puis d’être coupé. Les nouveaux arrivants (Butler, Teague, Crowford) n’étaient pas de mauvais passeurs, bien au contraire, mais les exigences collectives et le niveau global de l’équipe étant drastiquement remonté (Minnesota restera 3e de Conférence Ouest jusqu’au deux tiers de la saison) Shabazz ne pouvait plus exister.

Carrière improbable rendue possible par des circonstances qui l’étaient encore plus.

Ensuite, il semble plus qu’évident d’affirmer que Shabazz Muhammad était en réalité un intérieur coincé dans un corps d’arrière. L’expression est souvent éculée dans le sens inverse, mais elle est on ne peut plus véridique dans le cas de Shabazz qui du haut de ses 6’6 de taille avait pour principales forces la finition intérieure, les rebonds offensifs et le poste bas, et pour faiblesse la création dans le périmètre et le jeu balle en main. Étant donné sa réputation de joueur qui met des points de manière égoïste, vous aviez sans doute en tête par un biais de stéréotypage l’image d’un Shabazz qui croque et enchaîne les longs tirs à mi-distance inefficaces, mais cela ne pourrait être plus faux.

Même lorsqu’il s’agit d’être un scoreur dans le vide, Shabazz trouve le moyen d’être unique.

De manière intéressante cependant, Shabazz n’a jamais réellement tendu à devenir ce genre de profil offensif d’intérieur dans un corps d’arrière : il l’est devenu par la force des choses. Lors de ses années High School Shabazz est même décrit comme un scoreur ultra complet, capable d’aller chercher des points de n’importe quelle manière et techniquement en avance sur ses pairs. Des qualités d’ailleurs à l’origine de son statut de meilleur lycéen du pays. Il se trouve simplement par ailleurs que Shabazz possédait également certaines qualités athlétiques et de splendides mensurations physiques qui lui permettaient de dominer sur du scoring intérieur en tout genre. En plus de sa création offensive de périmètre.

Lorsqu’il passe à la case supérieure, la NCAA, les premiers problèmes apparaissent : celui dont on louait sa palette de scoreur joue de manière très caricaturale est assez clairement limité. Ce sont toujours les mêmes drives pour un floater main gauche, les mêmes jump-shot ou les mêmes moves au poste bas. On ne voyait que très rarement Shabazz prendre la balle sur ISO ou P&R, enchaîner quelques bons dribbles et se créer son tir dans le périmètre comme on pourrait s’y attendre d’un extérieur star du scoring. Un état de fait que lui-même avouera à demi-mot lors d’une interview pre-Draft anodine « Je travaille ça actuellement, mais à la fac je n’étais pas très à l’aise en sortie de dribble », ce qui aurait dû être un signal d’alarme assez important à l’époque. Lors du passage à la NBA, rebelote : face à un niveau de compétition encore supérieur son jeu face au panier et balle en main est encore un peu moins tranchant. Voire tout simplement moins présent dans son répertoire. D’un joueur complet en High School dont le petit plus était de savoir aussi dominer sous les panneaux, Shabazz est devenu un extérieur incapable de créer qualitativement balle en main et dont le profil entier se réduit à ce qui autrefois était une partie « bonus » de son jeu, ses capacités de scoring intérieur. Tel un parfait exemple de la théorie de l’évolution, le niveau croissant des défenses adverses a érodé toutes ses aptitudes qui n’étaient pas assez bonnes au plus haut niveau pour ne laisser que la seule qui a survécu, son jeu d’intérieur.

Pourtant, et malgré ce profil offensif on ne peut plus atypique, Shabazz aurait pu faire beaucoup mieux. Et ce, même s’il avait été incapable de développer sa création offensive. Comment ? En défendant.

Quand bien même Shabazz avait échoué à devenir un meilleur driveur, à tenter plus de tirs en sortie de dribble et à devenir un shooteur dangereux depuis le périmètre ; quand bien même il avait dû rester ce joueur offensif au profil très atypique, être capable d’impacter le jeu en défense aurait pu lui offrir un ou deux contrats supplémentaires dans la grande ligue et une petite dizaine d’années à fouler les parquets NBA.

Sauf qu’évidemment, Shabazz n’a jamais été performant de ce côté-là du terrain. Loin de là même. Lors de la saison 2015-16 par exemple, sur la statistique largement imparfaite, mais pas complètement inintéressante du Defensive Plus Minus, Shabazz se classait 461e meilleur défenseur sur 462 joueurs NBA. Seul JJ Barea et son 1m75 faisait pire. Or le problème de Shabazz est on ne peut plus clair : premièrement son jeu offensif n’est pas complémentaire d’autre porteur de balle, deuxièmement il ne crée pas de synergie collective ni d’opportunités pour autrui, et troisièmement sa propre création n’est pas assez bonne pour qu’une équipe construise autour de lui en acceptant quelques compromis. Le calcul est par conséquent très vite fait :  si Shabazz est de surcroit une valeur négative en défense, il ne reste plus vraiment de raison de le conserver sur le terrain. Ni dans son roster.

Pourtant, Shabazz aurait pu. S’il avait voulu.

Quelques indices offensifs laissaient transparaitre QI basket loin d’être catastrophique : en réalité Shabazz aurait sans doute eu les capacités cérébrales pour impacter le jeu plus que ce ne fut le cas d’un point de vue de la défense sans ballon. Le profil dépeint devient même encore plus attrayant une fois ajoutés ses outils physico-athlétiques de très haut calibre. Sa longueur de bras et sa taille étaient largement suffisantes pour lui permettre de protéger le cercle efficacement sur certaines rotations défensives, de jouer les lignes de passe, ou même de performer en défense sur l’homme. Puisqu’on se laisse aller aux doux rêves théoriques : sa charpente très épaisse aurait même pu lui permettre d’évoluer sur des plus gros postes sans trop en souffrir. En somme, Shabazz aurait idéalement pu tenir des postes 3 et quelques postes 4 sans aucune crainte de se faire punir au poste bas ou au rebond.

Dans ce monde parallèle là, coupler cette capacité à défendre correctement à une meilleure utilisation offensive (notamment, en poseur d’écran et plus souvent sur P&Roll/P&Pop) nous fait aboutir en un clin d’œil à un joueur dont la valeur est infiniment plus importante. Imaginez Shabazz dans des configurations small-ball, capable de switcher sur n’importe qui et d’y résister convenablement, puis de l’autre côté punir ce même small-ball adverse en attaquant les mismatchs. Ce scénario d’un Shabazz polyvalent et mismatch-killer laissent peut-être tout autant de regrets que le scénario où il atteint son potentiel offensif maximum en développant sa création offensive.

Sauf que.

Pour ça où pour n’importe quel univers parallèle où Shabazz évolue encore aujourd’hui dans la grande ligue, un niveau défensif correct était nécessaire. Mais dans sa course effrénée d’empilage de paniers, il n’avait pas le temps de travailler à la défense ni de s’y intéresser. Il n’en avait pas l’envie.

De manière assez étonnante, la défense n’était pourtant même pas plus gros Red Flag à son sujet au moment de sa Draft. Voilà ce qu’écrivait DraftExpress en Avril 2013 : « Sans doute plus alarmant encore : le tout petit nombre d’assists réalisées par Muhammad cette année, à peine 27 en plus de 1000 minutes universitaires, le classant 78e sur 81 joueurs universitaire de notre Prospect Ranking. Les seuls joueurs non-Big Men drafté au premier tour sur ces dix dernières années à avoir fait moins de passes décisives que lui sont Michael Beasley, Morris Almond, Lazar Hayward et Al Thornton ». Une liste bien peu glorieuse qui semble désigner l’indicateur des passes décisives comme plutôt pertinent pour juger de la future réussite d’un joueur en NBA.

À ce sujet et en termes de scouting, le cas très exagéré de Shabazz Muhammad soulève une autre problématique non négligeable : comment évaluer convenablement les actions d’un joueur sur le terrain sans être capable de connaître précisément ses intentions ? En particulier, comment arriver à séparer l’aspect volonté du joueur de toutes les autres qualités basket (vision, compréhension du jeu, instincts, réflexion, réactivité, etc.) ?

Lorsque Shabazz Muhammad fonçait dans le tas tête baissée et manquait de réaliser la passe directe et toute simple vers un shooteur grand ouvert, comment doit-on évaluer cette non-action : Shabazz n’a-t-il réellement pas vu le joueur ouvert ou a-t-il choisi de ne pas faire la passe pour tenter sa chance lui-même ? Dans le premier cas, cela traduit un intellect et une vision périphérique très limités qui l’empêchent de comprendre ce qui se passe sur un terrain, alors que dans le second cas le joueur a le bon logiciel en tête, mais fait « juste » un mauvais choix. Notez bien que l’intérêt de déterminer dans lequel des deux cas on se trouve n’est pas de pouvoir se dire qu’on va sera capable apprendre au joueur égoïste à faire la passe alors que le joueur qui ne voit pas ne pourra pas apprendre à voir. Le but est au contraire d’établir de simples liens de corrélation : le joueur qui voit, mais est égoïste possède le bon logiciel en tête, malgré son choix individualiste, donc devrait être capable de comprendre d’autres mécanismes offensifs ou les principes d’une défense collective et ses rotations. Le joueur qui ne voit pas, à l’opposé, aura probablement un impact potentiel bien plus bas dans ces domaines-là.

Un cas plus ou moins similaire s’est d’ailleurs présenté récemment au moment de la Draft de RJ Barrett : l’arrière de Duke a probablement joué plus égoïstement que n’importe quel autre joueur NCAA sur le début de saison universitaire. Mais en en regardant de plus près, déclarer que Barrett possède une vision tunnel et un intellect limité aurait été un mauvais raccourci : le Canadien, projeté futur premier choix de Draft depuis des années, avait tout simplement une crise de narcissisme avec l’explosion sportive et médiatique de Zion Williamson, en train de lui voler toute la vedette et son titre de meilleur prospect du pays. Zion jouait d’ailleurs dans la même équipe que lui, Duke : il n’y aura donc jamais de confrontation entre équipes adverses, la seule manière de rivaliser avec Zion (dans l’esprit de Barrett) était de scorer plus. Sur le reste de la saison en revanche, notamment après la blessure de Zion, Barrett est redevenu un passeur bien plus altruiste, au contraire capable de créer pour ses coéquipiers, de lire de jeu de manière très cérébrale pour son jeune âge et même de réaliser des performances très solides dans sa défense sans ballon. Barrett voyait les joueurs ouverts et comprenait le jeu, mais n’avait pas envie de passer la balle dans son désir d’empiler les paniers individuels pour briller aux yeux des scouts et des médias.

Les exemples que l’on pourrait citer sont innombrables, mais le cas de Shabazz est unique en son genre de par son degré d’extrémisme. Il a tellement poussé loin son égoïsme et son désir de briller de manière individuelle à tout prix que ça en devient impossible en analysant une centaine d’actions où il ne fait pas la passe au joueur ouvert de déterminer la part d’intelligence de jeu et la part de volonté. Une solution pour tenter d’y voir plus clair et glaner d’autres indices sur son QI basket aurait pu être de regarder de l’autre côté du terrain, mais en réalité le même problème se pose : la défense l’intéressait tellement peu qu’il n’essayait même pas. Shabazz était-il réellement incapable de reconnaître la rotation à effectuer…ou avait-il simplement choisi de ne pas la faire ? Impossible de le déterminer avec précision pour chaque cas.

De par sa présence même en NBA, le cas de Shabazz est quasiment unique : les joueurs avec son type de mentalité et de comportement sont usuellement épurés par le système. En jouant de la sorte, ils ne sont pas assez bons pour aller au niveau universitaire, et encore moins professionnel. Mais Shabazz, si. Malgré un égoïsme sans borne qui plombait sa valeur générale, Shabazz était quand même suffisamment fort sur ce qu’il faisait de bien pour y survivre. Vous trouverez très peu de joueurs en NBA avec un niveau aussi bas à la fois sur le passing et sur la défense…mais vous ne trouverez également que très peu de joueurs aussi balèzes que Shabazz pour scorer dès qu’il touche la balle proche de l’arceau. Dans les deux cas, quasiment aucun même.

Sauf qu’évidemment le serpent finit par se mordre la queue : en étant fort à ce point pour enfiler les paniers quand bon lui semble, il n’a jamais eu besoin d’essayer de faire autre chose. De chercher à étoffer son jeu, de travailler sur ses faiblesses au scoring, de développer son passing ou de s’impliquer en défense, etc. Ses compétences extraordinaires pour mettre le panier dans l’arceau lui ont permis de ne jamais sortir de sa zone de confort même lorsque le niveau de compétition augmentait, et de porter à son paroxysme son égoïsme sans que cela menace sa présence sur les terrains de NBA. Dans un premier temps, en tout cas.

Ce qui nous emmène vers une autre remarque importante consécutive à l’étude de son profil de jeu : le cas fascinant et extrême de Shabazz Muhammad est une parfaite illustration de l’importance du facteur mental dans les performances sportives. Non pas mental au sens des discutions de bistrots et du royaume de l’ineffable désignant communément la « force de caractère ». Au contraire ici par mental on entend les traits de personnalité du joueur, sa mentalité sur et en dehors des parquets, sa psychologie, sa manière d’être et d’appréhender la vie. Ce facteur mental là est peut-être le facteur principal d’une carrière. Shabazz jouait d’une manière on ne peut plus particulière parce qu’il pensait d’une manière particulière à la fois sur et en dehors des parquets.

Le meilleur exemple pour illustrer ça est sans aucun doute celui de Russell Westbrook. L’ancien meneur du Thunder a probablement une des toutes meilleures carrières de ces vingt dernières années NBA. Pourtant, des dizaines et des dizaines de joueurs de basket débarquent chaque année en NBA avec plus de qualités que n’en avait Westbrook a sa Draft en 2008, et presque aucun d’entre ne parviennent à atteindre son niveau de jeu et son statut. Et pour cause : malgré l’énorme quantité de déchets dans son jeu et un skill-set encore très brut à ses débuts, Westbrook n’a jamais hésité à tenter sa chance encore et encore, à prendre ses responsabilités, à s’imposer. Certains autres meneurs ou arrières avec de meilleures capacités à se rendre au cercle, à manier le ballon, à distribuer le jeu ou à finir autour du panier ne s’imposent jamais, car n’ont pas cette mentalité et cette façon d’être qu’à Westbrook. Evan Turner, Nick Stauskas ou Kendall Marshall étaient par exemple des joueurs significativement plus avancés sur le plan basket que le Westbrook de 2008 drafté par OKC, sans pour autant connaître un succès comparable.

Il y a quelques années de cela, Jonathan Givony de Draftexpress déclarait au détour d’une interview que la zone d’ombre la plus grande encore à explorer dans le scouting demeure précisément l’évaluation psychologique des joueurs. Comment évaluer la personnalité d’un jeune homme, pour savoir quelles sont ses forces mentales et ses faiblesses, son niveau d’ambition, sa capacité à d’adapter (ou non), sa capacité à affronter l’adversité, et tout un tas d’autres caractéristiques ? Au moment de pondérer tous les éléments qui rentrent en compte dans un scouting report, il est possible d’avancer que la partie basket et dissection du jeu sur laquelle nous passons parfois des heures est probablement négligeable par rapport au profil psychologique du joueur.

Au sein d’une Draft par exemple, le différentiel de niveau basket entre deux prospects d’un âge similaire est finalement assez dérisoire, et/ou assez rapidement rattrapable. Anthony Bennett était un bien meilleur basketteur que Giannis Antetokounmpo en 2013. Mais la force de détermination et la capacité de travail de Giannis couplée à la fragilité mentale de Bennett et son manque d’assurance ont rapidement aidé à ce que la différence de niveau sportif entre les deux s’annule, puis s’inverse complètement. Si c’était à refaire, les Cavaliers auraient ils réellement pris Anthony Bennett, légèrement meilleur que Giannis à l’époque, s’ils avaient su que cet écart n’existerait plus 12 à 18 mois plus tard de par les caractéristiques mentales des deux jeunes hommes ? Probablement pas.

Là où des Giannis et Westbrook sont des personnes avec un très haut niveau de confiance en elle capable d’ignorer leurs propres défauts pour détruire un à un les obstacles sur leur route, des Anthony Bennett, Wes Johnson ou Dragan Bender sont des gentils garçons au sens le plus littéral du terme. Ils ne prennent que ce qu’on leur donne malgré leurs qualités. Ils sont gênés et embarrassés quand ils manquent un tir ou perdent un ballon, là où des profils comme Westbrook n’en ont que faire de l’avis des fans, des coachs ou des coéquipiers et retente leur chance dès la possession suivante. Je grossis quelque peu le trait pour faire comprendre l’idée, mais on n’est pas si loin que ça de la réalité.

En s’arrêtant strictement au profil de jeu, l’erreur que l’on fait trop souvent consiste à s’abandonner à des douces rêveries et à supputer des potentiels maximums théoriques découlant des qualités d’un joueur sur un terrain. En effet, avec son explosivité d’élite, son énorme envergure de bras, sa puissance et épaisseur de torse impressionnante, son toucher de balle de bonne qualité ainsi que son dribble et sa mécanique de jump-shot bien au-dessus de la moyenne, Anthony Bennett aurait pu devenir un joueur All-NBA, pense-t-on. Mais c’est sans doute une erreur : le facteur psychologique est tout autant capital que peu sujet aux variations. Il arrive encore trop fréquemment au moment des Draft de se dire « si seulement Andrew Wiggins arrivait à avoir une mentalité de killer il deviendra fabuleux » alors qu’on ne dit jamais au grand jamais « si seulement TJ McConnell arrivait à grandir pour mesurer 6’9 plutôt que 6’1 ce serait un joueur All-NBA ». Pourtant, Wiggins a en réalité tout autant de chances de changer intégralement sa personnalité après sa Draft que McConnell de gagner 30 centimètres.

L’intégralité de son profil de joueur et du déroulement de la carrière de Shabazz Muhammad a été dicté par sa mentalité et sa façon d’être. Son appétence pour le scoring intérieur, le non-développement de son jeu dans le périmètre, ses records catastrophiques à la passe ou ses performances abyssales en défense, etc. Toutes sont d’abord et surtout la conséquence de sa mentalité et sa psychologie. Une personne différente à qui on donnerait ces mêmes aptitudes physiques et basket n’aboutirait pas sur la même carrière que Shabazz.

Mais alors, pourquoi Shabazz Muhammad était-il ainsi ? Pourquoi cet extrémisme unique en son genre, qui en devint même un handicap pour le bon développement de sa carrière ?

La réponse semble assez claire et a été largement documentée au fil des ans : son entourage. En particulier, son père Ron Holmes. Lui-même ancien joueur de basket à l’université de USC, Holmes n’a jamais réussi à devenir pro. La suite ? Le cas classique d’un parent qui projette ses rêves et aspirations déchues sur ses propres enfants et compte bien construire tout un business autour de leurs carrières. Classique donc…à ceci près que la détermination extrême de Holmes pour ériger son fils en succès commercial n’aura d’égal que celle de Shabazz pour pratiquer son propre style de jeu.

Dans un article du LA Times publié suite au mensonge sur l’âge de Shabazz en Mars 2013 le reporter Ken Bensinger revient sur l’incroyable personnalité du père et ses ambitions folles. Très tôt Holmes est fasciné par la façon dont les éleveurs de chevaux de course font s’accoupler deux spécimens très bien dotés pour obtenir une progéniture au capital génétique exceptionnel, Bensinger rapporte, et raconte comment Holmes décide de faire d’une autre basketteuse qui lui tape dans l’œil sa femme pour qu’ils puissent « engendrer des All-Americans ». Sa mission dans la vie consiste à faire de ses trois enfants des athlètes professionnels. Dès le plus jeune âge, il pousse sa fille aînée à faire du tennis et la fait passer professionnelle à l’âge de 17 ans. Le benjamin de la famille, lui, n’est pas doté d’excellents atouts physiques et ne jouera d’ailleurs jamais au niveau universitaire. Tous les espoirs de Holmes dans le basket se reposent sur le frère cadet, Shabazz, à qui ce prénom-là a été attribué pour sa singularité et son potentiel marketing. Un nom qui « sonne bien et pourrait être facilement markété à l’international » selon Holmes.  À la manière de « Magic » ou « Kareem », et tel que seront connu « LeBron » et « Kobe » quelques années plus tard. Tout était planifié avant même que Shabazz ne soit en âge de faire rebondir un ballon de basket.

Shabazz en compagnie de son père, Ron Holmes, et sa mère Faye Muhammad

Plutôt que de le laisser vivre sa vie d’ado normalement, Holmes emmène sans cesse Shabazz à travers tout le pays pour le faire participer à tous les tournois possibles où pourraient se trouver des scouts, journalistes et autres recruteurs. Quand Shabazz commence à percer au lycée, Holmes et le clan Muhammad multiplient les visites universitaires, plus de 15 en tout, pourtant assez onéreuses et que les facs ont interdiction absolue de financer pour ne pas tomber du pot-de-vin et faire signer un jeune en lui graissant la patte. De nombreuses visites assez chères, donc, mais pas de problème pour Holmes : « quand on est suffisamment bon [comme Shabazz], on n’a pas à payer pour ces voyages ». Différentes relations dans le milieu se chargeront de payer ce genre de frais. Quand le choix de Shabazz se porte sur UCLA, fac historique mais en berne ces dernières années plutôt que les usines à One & Done que sont Duke et Kentucky, un détail n’échappe pas à tout le monde : la même année UCLA recrute dans son coaching staff Phil Matthews, un ami de la famille, en le payant 50 000 dollars de plus que le second assistant le mieux payé de NCAA, et presque 160% de ce qu’il touchait sur son ancien poste. De là à dire que Matthews ne fut pas le seul à profiter de ses fiches de paies, il n’y a qu’un pas que certains voudront bien faire.

Ces visites universitaires tous frais payés ont commencé à alerter la NCAA qui s’est alors mise à enquêter d’un peu plus près dès 2011. La suspension de Shabazz tombe le jour même de l’ouverture de la saison, en novembre 2012, mais Holmes a plus d’un tour dans son sac : il détient une preuve où le petit ami d’Abigail Grantstein, enquêtrice en chef du dossier, déclare que cette dernière fera tout en son pouvoir pour empêcher Shabazz de jouer en NCAA. De quoi remettre en cause aux yeux du grand public l’impartialité de l’enquête. Holmes divulgue sa preuve dans les médias, Grantstein est licenciée et la NCAA se voit dans l’obligation de retirer la suspension de Shabazz après seulement trois petits matchs.

Interrogé sur son propre échec de devenir basketteur professionnel, Holmes déclara « je n’ai jamais eu d’aide approprié, personne ne m’a montré comment la voie ». En essayant de réparer le destin et de montrer lui-même la voie à son fils, Holmes a peut-être maladroitement fait plus de mal que de bien. Shabazz Muhammad a-t-il un jour réellement été passionné de basketball, ou n’a-t-il fait que suivre les pas de son père pour tenter d’assouvir les rêves déchus de ce dernier ? Plusieurs médias osaient se poser la question alors que sa Draft approchait. En interview et pendant les workout pre-Draft, Shabazz se montrait impeccable sur le jeu de la communication. Un peu trop même, récitant de manière mécanique et presque automatique toujours les bonnes réponses aux journalistes sur son désir de travail, la valeur de ses coachs et l’importance du collectif d’abord et avant tout.

Un seul média aura réussi à décrocher un peu plus de sincérité et de spontanéité : Grantland. Quelques jours avant la Draft Bill Simmons et Jalen Rose recevaient pendant une vingtaine de minutes en face à face chacun des top prospects de la Draft 2013 pour une rubrique nommée « Job Interview ». La vidéo de Shabazz n’est malheureusement plus disponible sur le net, mais les réactions à l’époque allaient de plutôt mitigé à carrément perturbé par la « prestation » de Shabazz et ce qui pouvait transpirer de ses dires. Outre ses réponses toujours un peu floues sur le mensonge de son âge, ou sur l’importance de son « clan », Shabazz se compare notamment à James Harden durant cette interview. Harden distribuait déjà presque 6 passes de moyenne par match cette saison-là pendant que Shabazz en avait délivré 27 en tout et pour tout sur l’intégralité de ses 1000 minutes universitaires.

Dans ce contexte-là et avec ce cocon familial extrêmement particulier, difficile d’imaginer Shabazz grandir, se développer et se construire comme n’importe quel basketteur de son âge. Comme n’importe quel jeune garçon de son âge, même. Avec un père le considérant comme un produit basket et futur investissement pour toucher la loterie que sont les rémunérations de sportif professionnel, allant même jusqu’à décider de son prénom sur des critères de marketing, comment pourrait-il en être autrement ?

Shabazz Muhammad n’était pas un joueur « normal ». Mais comment et par quel miracle aurait-il pu l’être ?

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Si vous n’êtes pas encore repus d’anecdotes et de faits insolites sur l’extraordinaire carrière complètement banale de Shabazz Muhammad en NBA, en voici quelques derniers.

En 2013 Shabazz est drafté en 14e position du premier tour. Le pick juste après ? Un certain Giannis Antetkoumnpo. Petit clin d’œil amusant du destin. Minnesota passe à deux doigts d’un talent générationnel et transcendant, digne héritier du Big Ticket, dont ils diront bien entendu par la suite telle que le veut la coutume à propos des superstars et des 29 franchises qui ne les ont pas drafté, qu’ils avaient à l’époque « grandement hésité à le prendre ».

D’ailleurs, Muhammad est en réalité drafté par Utah techniquement, qui l’envoi lui et un autre choix du premier tour (Gorgui Dieng) à Minnesota pour récupérer la future pierre angulaire de leur équipe…Trey Burke. Les fans du Jazz peuvent néanmoins se rassurer : Utah réalise un second échange ce jour-là, un peu plus heureux celui-ci puisque le Jazz envoi Erik Green, meilleur scoreur de NCAA, à Denver pour récupérer Rudy Gobert. C’est assez amusant aujourd’hui encore de voir que les deux meilleurs joueurs de cette classe de Draft sont liés de plus ou moins près à Shabazz. Et que pendant qu’ils pèsent à deux pour 3 DPOY, 2 MVP et probablement deux gigantesques prolongations de contrat d’ici quelques mois, Shabazz, lui, continue d’enfiler les paniers dans le vide pour une poignée de dollars en Chine. Le destin et la grande ligue américaine se sont montrés bien plus cléments envers les deux Européens anonymes et très bruts de décoffrage qu’envers le phénomène annoncé, pur produit US et déjà bâti pour réussir chez les pros.

En cinq années de carrière NBA Shabazz aura scoré quelques 2500 points sans jamais dépasser les 13.5 pts/m. Son plus haut total en carrière sur un match est en revanche un peu plus ronflant : 35 points. Contre qui donc Shabazz a-t-il réalisé cette marque ? Une équipe médiocre au cours d’un match plié d’avance et avec un quart temps entier de garbage time ? Que nenni : contre les Golden State Warriors tout puissants d’un Stephen Curry en mode demi-dieu, l’année des 73 victoires en saison régulière.

Le match survient en fin de saison, certes, mais l’enjeu était de taille. Minnesota se rend à Golden State le 5 avril 2016, seulement quatre jours après que les Warriors aient subi leur toute première défaite à domicile de la saison (contre Boston). Golden State est même doublement engagé dans ce match : chaque victoire compte pour espérer dépasser les 72 victoires des Bulls, mais particulièrement à domicile puisque les Warriors s’attaquent dans le même temps au record des Boston Celtics de 1986 qui n’avaient perdu que deux fois dans leur antre sur toute l’année. Le match est disputé jusque dans les dernières secondes. Emmenés par les 35 points d’un Shabazz Muhammad qui enchaîne courses en transition, fautes provoquées pour lancers francs et jeux au poste bas, les jeunes Timberwolves terrassent Golden State en prolongation, leurs espoirs de record à domicile et (presque) celui du nombre de victoires totales.

Il n’y a que Shabazz Muhammad pour faire ça. Avoir cette carrière anodine faite de scoring dans le vide, mais planter son record en carrière dans ce contexte-là et face à cette équipe-là. Qui d’autre ?

Comme un symbole, son tout dernier panier sous les couleurs du Minnesota est lui aussi on ne peut plus estampillé « Shabazz Muhammad » : dernières secondes d’un match déjà plié, blow out de 20 points contre les Rockets, à s’échapper avant tout le monde pour scorer un panier en transition. Dans le vide. Là encore, difficile de faire plus Shabazz que ça.

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La carrière tout entière de Shabazz Muhammad, ses histoires insolites, ses anecdotes en tout genre, ses performances remarquables, ses exploits statistiques et ses autres faits d’armes de renom pourrait presque s’avérer un cas d’école amusant à conter s’il ne traduisait pas, au fond, toute la tristesse d’une carrière qui aurait pu être, mais ne fut pas. Pour de très mauvaises raisons, de surcroît. Le grand malheur de Shabazz est de n’avoir que lui-même à blâmer, tout en pouvant pointer dans le même temps la responsabilité d’autres personnes qui dès le plus jeune âge ont voulu le faire devenir ainsi, penser ainsi et agir comme il l’a fait tout au long de son parcours.

Le meilleur moyen de s’en rendre compte et de finir sur les toutes premières phrases qui ont été écrites sur Shabazz Muhammad, le prospect NBA, en avril 2010 par Jonathan Givony de Draftexpress.

« Shabazz Muhammad est un des plus intrigants prospects long terme ayant participé à ce tournoi. C’est plus qu’évident en le regardant jouer qu’il a un très bel avenir devant lui. Un pur scoreur semble être la meilleure manière de décrire le jeu de Muhammad. Il n’existe sans doute pas de lycéen plus agressif et plus confiant que lui dans le pays. […] Muhammad trouve toujours un moyen de noircir la feuille de stats et semble même déterminé à le faire chaque fois qu’il pose un pied sur un parquet. Il est toujours là où se trouve la balle et n’a jamais peur de prendre ses responsabilités quand il le faut.

L’agressivité avec laquelle Muhammad empile les points peut très clairement irriter certaines personnes par moment, tant il se montre presque sans gêne et pas embarrassé pour un sou de la manière dont il produit ses points. Il a tendance à dribbler sans but, à vouloir forcer les choses et à avoir une sélection de tir très discutable. Il a encore besoin d’améliorer sa prise de décision en général et de réduire drastiquement ses pertes de balle à l’avenir. »

Malheureusement, à l’aube de la saison 2018-2019 qui laissera définitivement Shabazz Muhammad à quai, pas un iota n’était à changer de ce scouting report établit pourtant 8 ans plus tôt à propos d’un tout jeune basketteur de 15 ans encore totalement à polir.

Il était sans doute là, le problème.

Guillaume (@GuillaumeBInfos)

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