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Brandon Ingram, Most Not-That-Much-Improved Player ?

Les trophées de la saison sont sur le point d’être décernés, l’occasion parfaite pour revenir sur le cas de Brandon Ingram, grand favori du MIP. Par soucis de continuité l’article est construit de telle manière que le lecteur, même novice, n’a pas besoin de s’attarder sur chaque tableau dans son intégralité mais seulement sur les deux ou trois statistiques mises en avant pour faire avancer le propos. Disponible en PDF ici. Bonne lecture.

Guillaume (@GuillaumeBInfos)

[Episode précédent] : La métamorphose de Malcolm Brogdon

 

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Introduction

Auriez-vous offert un contrat maximum à Brandon Ingram durant l’été 2019 ?

Peut-être. Probablement pas.

Après trois premières saisons professionnelles quelque peu décevantes sous la tunique Violet & Or des Los Angeles Lakers, la question de sa prolongation de contrait semblait loin d’être une évidence. Preuve en est, l’ancien 2e choix de la Draft 2016 avait déjà la possibilité de parapher une extension l’été dernier mais les New Orleans Pelicans, nouveaux acquéreurs de son talent, sa jeunesse et son potentiel, avaient alors choisi de ne pas boucler l’affaire. Aujourd’hui en revanche il semble évident qu’Ingram va se voir offrir un contrat maximum durant la prochaine intersaison, de la part des Pelicans ou bien d’autres. Et pour cause : cette campagne 2019-20 fut véritablement la saison de l’explosion pour Brandon Ingram.

L’ancien ailier de Duke s’est imposé comme un des tous meilleurs jeunes joueurs de NBA cette année. À 22 ans à peine il scorait 24.3 points par match en moyenne, production de premier plan pour un titulaire indiscutable qui lui valut même d’être auréolé d’une première sélection au All-Star Game. Après un début de carrière tout autant prometteur qu’irrégulier chez les Lakers, Ingram est passé à la vitesse supérieure cette année. De l’avis de tous, Brandon Ingram est le désigné Most Improved Player 2020.

Consensus collectif duquel découle naturellement la question suivante : Brandon Ingram a-t-il vraiment progressé ?

Ce n’est pas qu’un simple différentiel de points par match ne suffise pas à me convaincre (en réalité, si, c’est exactement le cas), mais cette question est souvent bien plus complexe qu’à première vue. Plus encore que la simple problématique du MIP, trophée auquel chacun choisit d’associer les critères qui lui siéent, celle de son renouvellement contractuel appelle bien plus à répondre à cette question de son niveau de jeu.

Alors que les New Orleans Pelicans sont à l’aube d’une reconstruction tout aussi intéressante que spectaculairement rapide, le cas Brandon Ingram apparaît déjà comme le premier grand tournant de ce projet. Les Pelicans ont leur pierre angulaire, Zion Williamson, mais se tromper dans le recrutement des joueurs à mettre autour de lui pourrait coûter très cher à une franchise qui, précisément, vient tout juste de perdre le précédent talent générationnel que la ligue leur avait offert (Anthony Davis) pour cette même raison. Si Brandon Ingram s’avère par la suite ne pas mériter un salaire maximal, lui avoir donné tout cet argent pour un aussi grand nombre d’années deviendrait un handicap conséquent dans la construction d’une grosse écurie autour de Zion. L’enjeu est de taille.

Notez bien que la notion centrale de son nouveau contrat est en effet son évolution d’une année à l’autre, pas simplement son niveau de jeu actuel. New Orleans aurait pu proposer un contrat maximal dès l’été 2019 et régler l’affaire dès lors, mais ils ne l’ont pas fait. Si Ingram n’a effectivement pas tant progressé que ça, il semblerait par conséquent à la fois logique et pertinent d’affirmer qu’il ne mérite pas plus (ni moins) une telle somme aujourd’hui qu’à l’époque.

D’où le besoin de répondre à cette question fondamentale : Brandon Ingram a-t-il vraiment progressé ?

Si c’est en effet le cas, nul doute que les différentes statistiques que l’on pourra trouver nous balanceront au visage les preuves d’une évolution incontestable. Jetons-y un coup d’œil.

Outre ses points par match, son efficacité générale a elle aussi connu une amélioration plus que conséquente en carrière.

Au niveau du PSA, Points per Shot Attempt (ou Points par Tir tenté) Ingram a évolué depuis un très mauvais 0.95 Pts/Tir en tant que rookie à Los Angeles à un excellent 1.19 Pts/Tir la saison dernière à New Orleans. L’avantage d’utiliser cette statistique des Pts/Tir plutôt que le simple pourcentage de réussite générale est double : d’abord, elle pondère la valeur des tirs à 3pts là où le FG% met tout type de panier sur le même plan. Ensuite, elle prend également en compte les points générés sur lancers francs. En somme, le Pts/Tir permet d’exprimer la capacité d’un joueur à générer des points de quelque manière que ce soit.

Voir un haut choix de draft et jeune joueur typé scoring avoir autant de mal pour ses débuts en NBA est quelque chose d’assez commun. Ce qui est bien moins fréquent en revanche est de parvenir à s’améliorer aussi vite et de manière aussi franche comme Ingram l’a fait sur son début de carrière en passant du 10e percentile à peine (seulement meilleur que 10% des joueurs à son poste) au 84e percentile.

Si on se concentre seulement sur ce qui nous intéresse, son évolution entre 2018-19 et 2019-20, le différentiel est encore très parlant puisqu’il passe de 1.11 Pts/Tir à 1.19 Pts/Tir (du 63e au 84e percentile). Le bond est moins impressionnant que celui sur 4 ans, mais tout de même conséquent, d’autant plus à ces hauteurs-là : c’est sans doute plus difficile de passer de joueur efficace à très efficace que de passer de scoreur médiocre à scoreur moyennement efficace.

Pour situer un peu plus cette réussite par rapport aux autres joueurs NBA, notez que Ingram est carrément le 7e joueur NBA le plus efficace de toute la ligue parmi les joueurs avec une fréquence d’utilisation aussi grande que la sienne (+28% Usage). L’ailier des Pelicans se situe seulement derrière Towns, Harden, Lillard, Booker, Giannis, Jokic et DeRozan, et fait donc mieux que certains autres scoreurs d’élite tels que LeBron, Kawhi, Doncic ou Embiid par exemple.

La performance est donc remarquable et mérite amplement d’être soulignée.

Des joueurs comme Paul George, Jayson Tatum, Donovan Mitchell, John Wall, Russell Westbrook ou Kemba Walker n’ont par exemple jamais atteint en carrière cette barre symbolique des 1.19 Pts/Tir tenté. Ce critère-là en lui-même pourrait presque suffire à justifier un énorme contrat si on le prenait tel quel sans trop approfondir la question.

Néanmoins, essayons précisément de creuser un peu plus.

 

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PARTIE 1 : Starification ?

Le problème de filtrer par Usage est évident : l’Usage rate tel qu’il est calculé ne prend en compte que la fin des actions. Une possession est comptabilisée comme « utilisé » si le joueur prend un tir, fait une passe décisive ou commet une perte de balle, mais il ne permet pas de savoir ce qu’il en est de la possession en elle-même. En somme, l’Usage ne fait pas la différence entre un joueur qui se crée lui-même son tir après avoir porté la gonfle pendant toute la possession ou un joueur qui ne touche la balle que pendant une seconde pour prendre un catch & shoot grand ouvert. Évidemment, tous les Usage ne se valent donc pas.

Pour Ingram par exemple, il est possible qu’il ait atteint cette barre des 28% Usage non pas en étant plus « utilisé » au sens où on pourrait l’entendre communément (balle en main à créer du jeu), mais simplement en héritant de beaucoup d’opportunités faciles. Si c’était le cas, il semble alors évident que comparer son efficacité par rapport à celle de LeBron James, James Harden et autres créateurs de premier plan perdrait alors tout son sens. Il est possible que cette superbe efficacité, la 7e meilleure de NBA chez les joueurs à gros volume, soit à nuancer plus ou moins fortement selon ce qu’était réellement son rôle offensif.

Gardons ça en tête pour le moment et continuons de s’intéresser à sa réussite au tir.

Plusieurs choses très intéressantes à relever ici.

De manière intéressante son effective Field Goal n’évolue quasiment pas : Ingram passe de 52% eFG à 53.6%. Ce petit écart est pour le moins contre-intuitif après avoir vu au contraire l’évolution conséquente de ses Pts/Tir. Avec 53.6% eFG Ingram n’est que dans le 63e percentile, mieux que seulement 63% des joueurs à son poste : bon, mais loin d’être élite. Néanmoins, tous postes confondus et parmi les joueurs à gros volume, il est encore une fois le 7e meilleur joueur de NBA, là aussi devant du beau monde (Harden, Kawhi, Doncic, George, Beal, Butler…).

En réalité, une des raisons pour lesquelles Ingram a aussi peu évolué entre l’an passé et cette année est assez simple : son 52% eFG aux Lakers était déjà de très bonne facture. La raison pour laquelle il se situe dans des percentiles peu impressionnants vient du fait que ce classement est relatif aux autres joueurs à sa position, sans prendre en compte le style de jeu ni le répertoire du joueur. L’an passé par exemple, parmi les plus hauts percentiles à son poste se trouvaient Landry Shamet, Danny Green, Joe Harris, Doug McDermott ou Royce O’Neale. Que des joueurs n’ayant pas à se créer leur propre tir et qui, par conséquent, ont pu produire des chiffres bien plus impressionnants qu’Ingram.

Son eFG% était déjà bon, voire très bon, l’an passé chez les Lakers, laissant donc assez peu de marge de progression pour la suite. Pour autant, une question subsiste : comment a-t-il pu à ce point améliorer ses Pts/Tir sans faire en même temps décoller proportionnellement son eFG% ? Comment a-t-il pu booster sa productivité de scoreur sans pour autant rentrer ses paniers avec une fréquence largement plus grande ?

La réponse se trouve dans une autre partie du tableau : sa réussite aux lancers francs a explosé.

D’un très moyen 67% LF l’an passé, Ingram se trouve aujourd’hui à un excellent 86% LF. Les percentiles aident de plus belle à illustrer de manière tangible cette explosion inattendue : Ingram se situait dans le 9e percentile l’an passé (seulement mieux que 9% des joueurs à son poste) et se trouve aujourd’hui dans le 91e (seulement pire que 9% des joueurs à son poste, complètement l’inverse).

C’est ici qu’est s’opère la différence entre l’évolution des eFG% et des Pts/Tir. L’eFG% n’est rien de plus qu’un pourcentage de réussite, légèrement ajusté pour valoriser les trois-points. Mais le Pts/Tir fait plus que ça : il pondère lui aussi la valeur de tirs à longue distance, mais comptabilise également les LF. Or en augmentant de manière considérable sa réussite sur la ligne des lancers francs, Ingram a pu produire bien plus de points supplémentaires que l’an dernier sur les mêmes situations sans avoir à rentrer ses paniers beaucoup plus souvent.

Ainsi donc, il semble que la grande différence et ce pour quoi Ingram a réussi à booster sa productivité aux Pts/Tir soit simple : il a rentré beaucoup plus de lancers francs que par le passé. Ni plus ni moins, a priori.

Pourtant, un autre élément quelque peu déconcertant ressort du lot sur ce tableau : un chassé-croisé bizarre de ses réussites à deux-points et à trois-points. Chez les Lakers Ingram réussissait ses paniers à longue distance à seulement 33% (27e percentile) avant de remonter vers un très bon 39% à New Orleans (77e percentile). À deux-points il fait le chemin inverse : de vraiment bon (77e percentile, 52%) à plus moyen (47e percentile, 50%).

Quelque peu étrange. La hausse de sa réussite aux LF ne semble pas être la seule chose qui a évolué d’une saison à l’autre. Pour essayer d’y voir plus clair sur ce chassé-croisé de pourcentages, essayons de voir comment a évolué sa répartition de tirs.

La première observation que l’on peut faire est assez simple : ce n’est plus vraiment le même joueur. Celui de gauche, au Lakers, ne s’écartait quasiment jamais jusqu’à la ligne à trois-points tandis que celui de droite y tente sa chance de manière on ne peut plus régulière.

Voyons ce que donne ce profil de tir de manière chiffré.

Les statistiques précisent cette tendance visuelle des Shot Chart.

Ingram prend considérablement plus de tirs à longue distance cette année à New Orleans. Toujours pas une énorme quantité par rapport aux autres joueurs NBA à son poste, mais quand même trois fois plus : 32% contre seulement 11% à Los Angeles. Ce report de 20% de ses tirs à longue distance se fait assez simplement : en diminuant de 10% à la fois ses tentatives de tirs au cercle et à mi-distance.

Qu’en est-il de sa réussite dans ces zones ?

Outre son pourcentage à trois-points qui augmente considérablement, le reste de son jeu reste très stable : à la fois au cercle et à mi-distance, les changements d’une année sur l’autre sont presque négligeables.

Ce que ce peu de changement suggère est assez évident : l’explosion offensive de Brandon Ingram se limite à mettre plus de tirs à longue distance. Il n’a pas fait grimper son jeu à mi-distance vers des hauteurs vertigineuses et un niveau implacable, ni ne finit autour du cercle particulièrement mieux ou tel un finisseur d’élite.

C’est là qu’est le hic.

Et si Brandon Ingram s’était tout simplement mis à rentrer ses trois points…et rien de plus ?

C’est une excellente avancée que d’avoir un Ingram compétent à longue distance. Mais s’il n’est pas plus scoreur, plus créateur de jeu, plus pesant offensivement qu’il ne pouvait l’être lors de son passage mitigé aux Lakers, est-ce vraiment raisonnable de lui offrir un contrat max du simple fait qu’il soit désormais capable de rentrer des catch & shoot ?

Pas forcément.

Évidemment le raccourci fait ici est cependant on ne peut plus grossier : à ce stade on ne peut pas affirmer que les tirs à trois-points qu’Ingram marque désormais sont de simples catch & shoot. Plus encore si ces trois-points sont en réalité des pull-up en sortie de dribble on pourrait alors aisément avancer avec certitude qu’Ingram mérite mille fois d’être rémunéré à la manière d’une superstar. En effet, même si Ingram n’a amélioré qu’une seule chose dans son jeu en un an, si cette chose-là s’avère être le pull-up 3, tir le plus important d’un point de vue tactique et le plus rentable d’un point de vue stratégique, cette amélioration suffirait largement à elle seule à propulser Ingram dans la catégorie des scoreurs d’élite qu’on accepte volontiers de rémunérer en centaine de millions de dollars.

En prenant un peu plus de recul pour parler de manière plus générale, ce serait également un raccourci et un non-sens total d’affirmer à cette étape de nos recherches que la seule chose qui a changé chez Brandon Ingram est sa réussite aux lancers francs et à 3pts. Ce que nous avons fait pour l’instant est simplement de se rendre compte que son efficacité générale est assez stable d’une année sur l’autre, et qu’il prend à peu près les mêmes tirs aux mêmes endroits. Mais aucun de ces deux éléments ne permet de dire que Ingram jouait de la même manière : nous n’avons pour l’instant aucune information sur la nature des tirs qu’il a tentée.

Pour l’instant, on ne sait pas si les tirs que prenait Ingram étaient plus ou moins difficiles chez les Pelicans qu’aux Lakers. On ne sait pas si son rôle était plus compliqué, s’il était plus impliqué dans la création du jeu, ou si au contraire il a pu jouir à New Orleans de conditions bien plus favorables.

Or cette question est fondamentale pour juger de sa hausse d’efficacité.

Si Ingram est devenu bien plus efficace et productif tout en gardant le même registre de jeu, c’est impressionnant. S’il l’est devenu en jouant de manière plus compliquée, en devant se créer ses tirs lui-même bien plus souvent, c’est même encore plus remarquable. En revanche, si son rôle est devenu plus simple à New Orleans alors sa hausse d’efficacité sera évidemment à nuancer : ce ne serait pas vraiment qu’Ingram s’est amélioré, mais juste qu’il a hérité de tirs plus faciles à rentrer, pour le formuler grossièrement.

Il est primordial d’arriver à déterminer son rôle aux Lakers puis aux Pelicans pour avoir toutes les cartes en main. Savoir si Ingram est réellement devenu une star bien plus impliquée dans la création du jeu, ou s’il a simplement pu profiter d’un meilleur environnement offensif.

Tentons de nous y atteler.

Commençons par comparer ses deux saisons sur le plan des un contre un.

Très peu d’évolution sur ce premier critère entre Los Angeles et New Orleans.

Sur un temps de jeu similaire, Ingram est un peu plus utilisé sur ISO chez les Pelicans, mais le différentiel est tout sauf marquant : de 2.7 à 3.1 ISO par match. Plus encore, sa fréquence d’utilisation par rapport au reste de ses possessions diminue de son côté (de 14.2% à 13.2%). Rien de marquant, ni même de significatif.

Son efficacité dans l’exercice est par ailleurs identique (1.00 et 0.99 Point par Possessions) et aboutit sur une production globale quasi identique là aussi : Ingram allait chercher 2.7 pts/m sur ISO à L.A. contre 3.1 pts/m à New Orleans. De toute évidence sa saison de l’explosion ne se traduit pas du tout par une augmentation d’utilisation ni de production sur des un contre un.

Poursuivons dans le thème de la création offensive balle en main avec les Pick & Roll.

Là-dessus, pas non plus une énorme évolution d’une année à l’autre. Son nombre de P&R augmente légèrement avec les Pelicans (de 4.8 à 5.3 P&R par match) et sa fréquence d’utilisation diminue même (de 25.5% à seulement 22.6%). Son efficacité augmente un peu (0.79 à 0.88 PPP) ce qui lui permet d’aller grappiller 4.6 pts/m sur P&R plutôt que 3.8 pts/m, mais rien de significatif. Légère augmentation quasiment négligeable.

Qu’en est-il des Post-Up ?

Ici non plus Ingram ne semble pas avoir évolué vers un rôle plus créateur ou proactif, au contraire.

À New Orleans ces situations au poste bas ne représentent plus que 3.3% de son jeu global, soit 0.8 possession par match. Moitié moins que ce qu’il faisait aux Lakers (1.7 par match, 9.0% de fréquence d’utilisation). Son efficacité chute même d’un vraiment bon 0.99 PPP à un bien plus moyen 0.72 PPP.

Voilà le bilan que l’on peut faire pour l’instant à propos de son utilisation entre Los Angeles et New Orleans.

De toute évidence, l’importance supplémentaire qu’a pris Ingram en attaque ne semble pas être synonyme d’un développement de sa création offensive ni d’un rôle plus calibré leader d’attaque. Son volume total de tir dans ces situations difficiles est identique d’une année sur l’autre : 6.6 tentatives par match sur des types d’actions balle en main. Plus encore, par rapport à son répertoire complet, sa fréquence d’utilisation dans cette situation diminue même de manière non négligeable : 36% contre 47% l’an passé.

Ingram est bien plus utilisé de manière générale cette saison chez les Pelicans (de 23% à 28% d’Usage), mais il n’a pas atteint ce volume de « de star » en ajoutant des possessions « de star ». Tout le contraire. En regardant en termes de points par match plutôt que de tirs, les changements sont là encore peu évidents.

Ingram score sensiblement le même total de points en ISO, P&R ou Post-Up à New Orleans qu’il le faisait à Los Angeles : 8.2 et 8.3 points par match. Mieux, même : son profil aux Lakers ressemble bien plus à celui d’un scoreur de haut calibre, se créant presque la moitié de ses tirs tout seul sur ces situations (45%) alors qu’aux Pelicans c’est seulement un tiers de ses points qui survient en création balle en main (34%).

Ingram ne joue pas plus le rôle d’une star que par le passé.

 

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PARTIE 2 : Role Playing

À l’inverse, regardons à présent du côté des types d’actions plus simples qui n’impliquent pas autant de pure création de sa part. À commencer par les Spot-up.

Pour rappel un spot-up est une situation où le joueur est dans le périmètre et attaque dès la réception du ballon, que ce soit shooter immédiatement ou driver jusqu’au panier depuis cette position. En somme, ce sont des situations de jeu sans ballon où le joueur profite généralement d’un décalage déjà créé par d’autres pour agir.

Ingram voit son nombre de possessions en spot­-up décoller, doubler même : de 2.5 à peine à 4.8 possessions par match. Pour visualiser un peu mieux cette évolution marquante, notez qu’Ingram n’était que le 139e joueur de toute la ligue en nombre total de possessions jouées sur spot-up en 2018-19, avant de bondir jusqu’à la 7e place du classement tous joueurs et postes confondus. Ingram joue par exemple plus de spot-up par match que des role players spécialistes de genre tel que PJ Tucker, Davis Bertans, Kelly Oubre, Joe Harris, Duncan Robinson ou Tim Hardaway Jr.

Plus encore que le simple nombre de possessions jouées dans l’exercice, son efficacité et sa production explosent elles aussi : de 0.88 PPP à 1.13 PPP, de quoi le propulser depuis un mauvais 27e percentile (tous postes confondus) jusque vers le 79e percentile.

Quid des jeux en sortie d’écran ?

Dans ce domaine également Ingram est plus fréquemment utilisé : de 0.9 à 1.6 possession par match, soit désormais le 26e joueur NBA le plus utilisé dans cet exercice.

Dans le même temps, son efficacité augmente (de 0.76 à 0.88 PPP et de 37% à 43% eFG), mais reste néanmoins très moyenne pour ne pas dire largement insuffisante. Parmi les joueurs qui sont au moins autant utilisé que lui dans l’exercice, Ingram est d’ailleurs le 5e pire scoreur aux PPP (29e sur 33) de toute la ligue. A l’origine de ce manque de productivité : un 43% eFG assez mauvais (27e sur 33) pour un exercice où le tir à trois-points reste l’issue la plus rentable. En comparaison, Spencer Dinwiddie et Joe Ingles siègent en haut du classement à plus de 72% eFG.

La rentabilité et l’efficacité ne sont donc pas forcément au rendez-vous, mais retenons la notion qui nous intéresse le plus ici : Ingram joue effectivement plus souvent dans un registre de Off-Screen, situation plus facile que balle en main.

Passons aux Hand-Offs.

Le degré de « facilité » des situations de Hand-Off pourrait être sujet à discussion ici, le joueur devant quand même créé une partie de l’action contrairement à du simple spot-up par exemple. Néanmoins, ce jeu de main-à-main où un intérieur donne la balle à un joueur déjà lancé et en avance sur le défenseur permet de créer un décalage et des opportunités plus facilement, d’où cette classification de tirs « plus faciles » que des ISO, P&R ou Post-Up.

Là encore Ingram augmente sa fréquence d’utilisation, tout comme son efficacité. De 0.7 possession par match l’an passé, il se retrouve cette année à 1.3 en moyenne (37e plus gros total de NBA) tout en produisant 1.08 point par possessions contre seulement 0.86 chez les Lakers. Un bond qui lui permet de passer du 38e au 80e percentile.

Regardons à présent les Cuts.

Légère baisse néanmoins peu significative étant donné le tout petit échantillon dans les deux cas (au total, 52 et 34 possessions jouées sur les deux saisons très négligeables).

En revanche, les situations sur transition sont bien plus intéressantes.

Ingram joue plus souvent de situations de contre-attaque à New Orleans cette saison (4.4 fois par match contre 3.6 l’an passé) et bien que son efficacité baisse légèrement, les transitions lui permettent encore de grappiller plus de points que durant ses jours en Californie : 5.1 pts/m contre 4.3 pts/m en moyenne.

Essayons de faire le bilan de Brandon Ingram sur les situations « plus faciles ».

Le nombre de tentatives de tir dans des contextes par nature plus faciles a augmenté de manière notable.

Plus encore : sur un temps de jeu identique à New Orleans et Los Angeles, Ingram recevait 4 tirs « faciles » de plus par match…soit le même écart qu’entre son ancien total de tir et son nouveau total de tirs tentés par match. Autrement dit les tirs supplémentaires qu’a tentés Ingram par rapport à l’an passé sont entièrement des tirs « plus faciles », particulièrement sur spot-up et transition.

Il en va de même pour l’augmentation de ses points par match.

On peut faire quasiment le même constat : Ingram inscrit 5 points de plus par match sur ces tirs-là (de 9.3 à 14.2), sachant le la différence de points marqués au total est de 6 (de 18.3 à 24.3). Là encore, les spot-up faisant la majorité du travail pour combler la différence.

La situation devient de plus en plus limpide.

Néanmoins, afin d’être complet vis-à-vis du degré de facilité (ou difficulté) de ses tirs, tournons-nous vers les données de positionnement du défenseur au moment de tirer. Les tentatives d’Ingram à New Orleans étaient-elles mieux ou moins bien défendues qu’à Los Angeles ?

En moyenne au moment où Ingram tentait sa chance, le défenseur face à lui était plus loin à New Orleans qu’à Los Angeles. Il obtient par ailleurs bien plus de tirs dit « ouverts » et « grands ouverts » (44.7% contre 37.2% du temps) et également moins de tirs difficiles où le défenseur et en position voire carrément en plein sur lui (55.3% contre 62.9% de ses tirs).

Au-delà même du fait qu’Ingram a pu obtenir plus de tirs ouverts chez les Pelicans qu’aux Lakers, on peut remarquer par ailleurs une augmentation de sa réussite dans trois des quatre catégories. Autrement dit, dans des conditions similaires et au même degré de difficulté et/ou contestation du tir, Ingram mettait tout simplement un peu plus ses tirs à New Orleans qu’à Los Angeles.

Continuons à chercher d’autres indices. Plutôt que de filtrer par type d’action, essayons de voir quel type de tirs Ingram prenait à Los Angeles et New Orleans.

Qu’en est-il par exemple des Catch & Shoot ?

Les chiffres que l’on peut trouver ici font largement écho à ceux sur Spot-up : Ingram a eu à New Orleans bien plus d’opportunités de tirer en réception du ballon, directement et sans avoir à créer quoi que ce soit, qu’il n’en avait l’occasion du côté de Los Angeles.

Particulièrement sur les tirs à trois-points Ingram prend désormais 5 catch & shoots par match depuis cette zone contre à peine 1.7 aux Lakers. Dans le même temps son efficacité pour rentrer ces tirs-là décolle elle aussi d’un mauvais 31% à un bon 42% de réussite, permettant à l’effective Field Goal de passer de 45% eFG à 60% eFG.

En termes de points générés, une énorme partie du différentiel entre 2018-19 et 2019-20 est également à retrouver ici : Ingram a produit 4.3 points/m supplémentaires rien que sur ces situations de Catch & Shoot quand l’écart global était de 6.0 pts/m en tout. 71% de ses points supplémentaires inscris surviennent sur Catch & Shoot. Ce n’est pas tant qu’Ingram a grandi pour devenir un meilleur leader d’attaque qu’auparavant, mais simplement qu’il rentrait plus tirs basiques en Catch & Shoot.

Pour autant, il serait à la fois incorrect et injuste de simplement attribuer cette hausse de production sur catch & shoot à l’environnement et au contexte. Il est vrai que l’attaque des Pelicans d’Alvin Gentry permet d’obtenir plus de bonnes opportunités de tirs, mais ce n’est pas le seul facteur ni même peut être celui le plus important : Ingram lui-même a aussi et surtout été bien plus enclin à prendre ces tirs-là. Les opportunités de jouer sans ballon à côté de LeBron James ou Rajon Rondo existaient déjà l’an passé, mais Ingram n’en tirait pas profit. Lorsqu’il recevait la balle dans le périmètre, il refusait tout simplement de tenter sa chance.

Le Brandon Ingram des Lakers, en particulier dans sa troisième et dernière saison là-bas était devenu un ailier tout autant incapable que réticent à utiliser le tir à longue distance alors même que tir était une de ses forces en NCAA : 40% de réussite sur 5.4 tentatives par match (!) durant son année à Duke. Cette année à New Orleans apparaît comme un retour à la normale ou au minimum à ce qu’on pouvait espérer de lui après sa saison universitaire. Pour autant cela reste une évolution à mettre à son crédit, bien que ce ne soit pas forcément l’évolution que tout le monde imagine et associe à son explosion de points.

Qu’en est-il à présent de ses tirs en pull-up, en sortie de dribble ?

La non-évolution d’Ingram ne pourrait être plus évidente ici.

Non seulement son nombre de tentatives en pull-up n’augmente que de manière très légère (de 4.7 à 5.6 par match), mais en plus son efficacité chute : de 44% à 38% dans l’exercice, et même de 45% eFG à un encore moins impressionnant 40% eFG. Ingram n’a pas pris beaucoup plus de tirs de créateur, de tirs de stars, mais en plus il les rentre moins fréquemment.

En termes de points générés, c’est tout l’inverse des Catch & Shoot : Ingram ne va chercher qu’une partie très similaire de ses points en pull-up (4.5 pts/m contre 4.2). Son total de points a bondi entre sa période Lakers et celle aux Pelicans, mais cette augmentation est tout sauf une conséquence de sa production sur des tirs en sortie de dribble.

La candidature pour le Most Improved Player sous le narratif qu’Ingram est devenu une star offensive cette année prend ici un sacré coup dans l’aile.

Plus encore, si l’on s’intéresse de plus près aux tirs à longue distance cette candidature devient même encore moins solide : seulement 1 tir par match est tenté derrière la ligne à trois-points. Autrement dit Ingram est encore loin de maîtriser le sacro-saint pull-up 3, tir de superstar par excellence de par sa vertu de rentabilité et de démantèlement de n’importe quelle couverture défensive. C’est à noter qu’il en prend plus qu’avant (5 tentatives sur toute la saison passée contre 58 cette année), mais se trouve encore très loin du niveau suffisant et attendu pour un créateur offensif de premier plan.

En tentatives par match, avec seulement un seul pull-up 3 de moyenne Ingram est 104e du classement, et son efficacité de 26% sur ces tirs est 96e à peine. Pour visualiser un peu mieux, 1 tentative par match à 26% de réussite équivaut en fait à ce que Brandon Ingram réussite un pull-up 3 chaque 4 matchs. On est bien loin des standards de superstar et/ou de créateur d’élite amené à réussir ces tirs-là une bonne poignée de fois à chaque match.

Sur ce tableau récapitulatif apparaît très clairement la non-évolution de Brandon Ingram. Ou plutôt, sa réelle évolution bien plus légère et très différente de ce qu’on pourrait penser : aux Lakers seuls 17% de ses tirs se faisaient en Catch & Shoot tandis qu’au Pelicans ces tirs représentent presque 31% de son jeu. Sa proportion de tirs en sortie de dribble, elle, n’augmente pas et baisse même un peu (de 33.7% à 31.9%).

L’autre changement que l’on peut lire sur ce tableau : sa fréquence de tir proche du panier chute.

Ingram prenait presque la moitié de ses tirs dans la zone intérieure du terrain (49%), mais n’en prend plus qu’un bon tiers à présent (36%). Son efficacité dans cette zone est stable (59% les deux saisons), mais son nombre total de tirs dans cette zone passe de 6.8 à 6.4 tentatives par match alors même qu’il prend bien plus de tirs cette année à New Orleans.

Tentons d’y voir plus clair en regardant ses pénétrations de plus près.

La première chose à noter est l’augmentation du nombre de fois où Ingram drive jusqu’au panier : presque trois fois de plus à New Orleans qu’à Los Angeles (12.9 contre 10.1 drives/m). Pour autant, son nombre de tirs tentés sur des drives ne croît pas proportionnellement : 5.9 contre 5.4 tentatives/m. Alors que sa fréquence de drive par match augmente de 27%, celle des tirs sur drive ne croit que de 9%.

Une des raisons pour cela peut se voir ailleurs sur le tableau : Ingram passe plus fréquemment la balle lorsqu’il effectue un drive (34% du temps contre seulement 25% à L.A.).

Un autre chiffre retient toutefois notre attention : Ingram prend presque autant de tirs sur drive…mais augmente sa production de points de manière plus importante. Alors qu’il tente seulement 0.5 tir de plus en moyenne par match cette année, il parvient à scorer 1.4 point supplémentaire. La raison ? Les lancers francs.

Lorsqu’un joueur subit une faute pendant un tir, ce tir-là n’est pas comptabilisé du tout. D’où par exemple la performance historique de Dirk Nowitzki en Finales de Conférence 2011 : 48 pts à 12/15 aux tirs, mais 24/24 aux LF, Nowitzki a évidemment tenté sa chance bien plus de fois que les 15 tirs indiqués par le box-score, mais chaque fois qu’il subissait une faute en prenant un tir celui-ci n’était pas compté.

Sur ce critère-là des drives, Brandon Ingram semble donc en effet avoir fait évoluer son rôle vers un registre plus créateur et proactif, mais le différentiel reste néanmoins très marginal. Presque négligeable même : cette augmentation pourrait simplement être lié à son plus haut statut dans la hiérarchie aux Pelicans comparé aux Lakers, et pas la résultante d’un changement de style de jeu.

 

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PARTIE 3 : Emprise sur le jeu

Continuons à rassembler des indices pour déterminer sa différence de rôle entre Lakers et Pelicans. Pour ce faire, regardons à présent du côté des Touches : le nombre de fois où la balle passe par les mains de Ingram dans un match.

Ingram touche la balle presque 67 fois par match à New Orleans, soit à peine 7 fois de plus qu’aux Lakers. Relativement à la hausse de son Usage (de 23% à 28%), de son nombre de tirs par match (de 14.0 à 18.0 tirs/m) ou de ses points (18.3 pts/m à 24.3 pts/m) cet écarté semble encore plus insignifiant et largement anecdotique. Si les systèmes offensifs d’Alvin Gentry font par exemple plus tourner la balle durant leur mise en place que ceux de Luke Walton aux Lakers, on arriverait assez rapidement à ces 7 fois par match de plus où la balle transite entre les mains de Ingram…sans pour autant qu’il n’en fasse grand-chose ni que ça ne traduise une plus grande importance.

Notez qu’avec 66.8 Touches par match Ingram n’a que le 39e plus gros total de la ligue. L’année précédente aux Lakers, il était 41e du classement (très peu d’évolution, donc). Ingram n’est d’ailleurs même pas le meilleur Pelican de ce classement puisque la balle transite bien plus souvent par les mains de Lonzo Ball (83.0) et Jrue Holiday (80.8).

Par ailleurs son temps de possession global est identique d’une année à l’autre (3.8 min/m en cumuler avec la balle) et on peut même constater qu’en moyenne Ingram garde la balle moins souvent quand il l’a (3.42 secondes par touche contre 3.8) et dribble moins souvent (2.52 contre 2.82). Pas franchement des indices d’un rôle bien plus expansif qu’aux Lakers.

Les données sur son nombre de passes effectuées par match confortent cette stabilité de rôle.

Sur un temps de jeu quasiment identique Ingram réalise un nombre identique de passes (41 contre 39 par match) et en reçoit un nombre très similaire également (50 contre 44). Très clairement, son importance au sein de son attaque n’a pas explosé, elle n’a même presque pas évolué du tout.

Creusons encore un peu plus à propos de cette notion de Touches.

Sur ce critère la non plus, le temps passé avec la balle dans les mains, l’évolution d’une saison à une autre n’indique pas un rôle plus important. C’est même légèrement le contraire : le nombre de fois où Ingram se contente de garder le ballon moins de 2 secondes grimpe de 31% du temps à plus de 40%. À l’inverse sur les touches où Ingram garde la balle plus longtemps, entre 2 et 6 secondes ou même carrément plus de 6 secondes passent de 68% du temps à seulement 59% du temps.

Qu’en est-il à présent si on filtre à propos du nombre de dribbles pris avant un tir plutôt que du temps de possession ?

Ingram prend largement plus de tirs immédiats à New Orleans, sans avoir besoin de dribbler une seule fois (37% contre 26% à L.A.) tout en les réussissant plus. Ce qui rejoint les constatations faites à propos des Catch & Shoot : plus et plus efficace.

De manière plus générale, la proportion de tir pris après 0, 1 ou 2 dribbles augmente pour Ingram à New Orleans (60.1% du temps contre 51.5%) tandis que le nombre de tirs qu’il prend après 3, 4, 5, 6, 7 dribbles ou plus diminue chez les Pelicans (39.9% contre 48.5%). Du point de vue de l’efficacité, pas d’écart significatif une fois de plus entre Pelicans et Lakers qui pourrait nous faire dire que même si Ingram ne prend pas plus de tirs difficiles au moins il les rentre de manière bien plus régulière. Ici, ce n’est pas le cas.

Autre critère auquel on peut s’intéresser : le moment des tirs de Brandon Ingram par rapport à l’horloge des 24 secondes. À quel point son équipe s’en remettait-elle à lui en fin de possession pour créer quelque chose à partir de rien et sauver l’action ?

Pas si souvent que ça.

Les situations où Ingram était appelé à prendre un tir avec 7 secondes de jeu ou moins restantes dans la possession est passé de 19.4% à seulement 16.2%, tandis que dans le même temps sont efficacité sur ces tirs baisse légèrement par ailleurs.

Toujours pas d’évolution allant dans le sens d’une importance offensive croissante sur ce critère là non plus.

Prenons un peu de recul à présent. De manière plus globale intéressons-nous à un autre critère pertinent vis-à-vis de son rôle offense : son pourcentage de paniers qui furent assistés par un coéquipier.

De ce point de vue là, le rôle de Ingram ne semble pas avoir tant changé que ça non plus. Et surtout pas vers un rôle plus typé « star » et création offensive.

Ingram se fait bien plus assister à New Orleans qu’à Los Angeles : 49% de ses paniers étaient consécutifs à une passe décisive (moins de 2 dribbles avant de tirer) cette saison alors que c’était seulement le cas 41% du temps aux Lakers. Si on s’en réfère au percentile Ingram semble être en très bonne posture puisqu’il apparaît dans le 90e percentile : il fait donc mieux que 90% des joueurs à son poste. Ici, notez bien que les échelles de percentiles et paniers assistés sont inversées : plus un joueur est assisté moins il sera haut dans les percentiles, et vice versa. Quand Ingram fait mieux que 90% des joueurs à son poste, cela veut donc dire qu’il est moins assisté que 90% des joueurs, qu’il se crée plus souvent son tir que 90% des joueurs à son poste.

De prime abord, c’est donc un indicateur très fort : Ingram n’a pas vraiment évolué d’une année à l’autre (94%tile et 90%tile) pour la simple et bonne raison qu’il était déjà tout en haut de l’échelle.

Sauf que.

Le problème de ce percentile proposé par Cleaning The Glass est de classer Ingram par rapport aux autres joueurs à son poste. Or à son poste se trouve très peu de créateurs balle en main et au contraire une majorité de role players type Ducan Robinson, Doug McDermott, Jae Crowder, Robert Covington, Mo Harkless ou Kelly Oubre. La majorité des joueurs à son poste sont des joueurs qui ne se créent pas leur tir du tout : c’est donc plus facile de ressortir du lot parmi ceux-là. Si on transpose son 49% de paniers assistés sur l’échelle de percentile des meneurs de jeu par exemple, Ingram ne serait pas dans le 90e percentile, mais seulement dans le 20e percentile.

Plutôt que de filtrer par position tentons de juger Ingram relativement aux joueurs avec une aussi grande importance offensive. Dans toute la NBA, parmi les joueurs avec au moins 28% d’Usage tel que lui on remarque même qu’avec 49% de paniers assistés Ingram se classe seulement 27e joueur sur 30 qualifiés. Derrière lui ne se trouvent que Paul George, qui cohabite avec de nombreux autres créateurs, Joel Embiid et Nikola Jokic, qui de par leur position d’intérieur obtiennent fréquemment des lay-ups au cercle faisant augmenter leur fréquence de paniers assistés.

Autrement dit, parmi les joueurs avec un gros volume d’utilisation Ingram est quasiment celui qui se crée le moins souvent son tir. Ce qui tombe sous le sens : 49%, un tir sur deux, assisté par un coéquipier est une proportion assez importante. Inutile de dire que les créateurs offensifs les plus dominants de la ligue sont bien loin de ce ratio : Harden est à 14% seulement, Lillard, Paul et Doncic entre 17% et 19%, LeBron à 30%, Trae Young à 21%, Kawhi à 37%, Mitchell 33%, Kemba 35%, etc.

Les seuls scoreurs à gros volume qui s’approchent de Ingram sont ceux qui possèdent un vrai jeu sans ballon et un shoot en mouvement d’élite (Booker, Beal, George). Mais dans leur cas, une partie importante de leurs paniers assistés sont tout de même la résultante d’un travail de création individuelle, bien qu’indirecte : ce sont eux qui doivent créer le décalage et une séparation avec leur défenseur via des sorties d’écran. Beal et George sont 3e et 7e de toute la ligue pour jouer en Off-Screen tandis que Booker est juste derrière à la 11e place. Ingram ne pointe qu’à la 32e place du classement. Ses paniers assistés sont en moyenne bien plus faciles que les scoreurs à gros volume dans son voisinage qui, malgré la passe décisive, ont eu à créer l’ouverture eux même.

 

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PARTIE 4 : No upgrade, no problem ?

 

Essayons de faire le point.

Brandon Ingram a-t-il réellement évolué entre sa saison aux Los Angeles Lakers et celle aux New Orleans Pelicans ? A-t-il réalisé de gros progrès et amélioré son jeu au point de devenir le grand favori pour le trophée de MIP ?

En réalité, pas vraiment.

Ce que suggèrent son plus haut total de points et sa première sélection au All-Star Game à New Orleans de prime abord est une saison de l’explosion pour le jeune ailier, qui aurait franchi plusieurs paliers et prit bien plus de responsabilités. Après analyse des différentes données disponibles, il apparaît de manière plus qu’évidente que la réalité est bien différente de ce qu’on pourrait supposer intuitivement.

Pour résumer très grossièrement, Ingram est devenu All-Star en se mettant à rentrer des lancers francs et des trois-points en catch & shoot. Rien de plus, rien de moins. Ingram a bel et bien progressé cette saison, mais pas sur les aspects auquel on s’attend lorsqu’on entend 24 points par match ou première sélection au All-Star Game. Sa fréquence de tirs tentés dans des situations de création balle en main est la même, tout comme le nombre de points qu’il y a généré, et son efficacité est globalement restée la même dans quasiment tous les compartiments du jeu.

En analysant sous le prime du Most Improved Player 2020, la candidature de Brandon Ingram semble de ce fait largement insuffisante face à certains autres joueurs cette saison. Pascal Siakam est passé de role player polyvalent et créateur occasionnel à pierre angulaire d’une de 8 meilleures équipes de la ligue. Luka Doncic est devenu encore plus tranchant, efficace et implacable dans son scoring et en tant que créateur principal utilisé de manière écrasante dans la meilleure attaque de l’Histoire de la NBA. De’Vonte Graham est devenu initiateur offensif principal d’une équipe médiocre de Charlotte qui sans sa création en sortie de dribble aurait été cataclysmique, un an après avoir été un nobody. Même Malcolm Brogdon, passé de role player finisseur à meneur de jeu omniprésent des Pacers, Shai Gilgeous-Alexander devenu scoreur essentiel d’OKC, ou Bam Adebayo, élément important de l’attaque du Heat et clé de voute de sa défense pourrait prétendre à avoir bien plus évolué en un an que Brandon Ingram.

En analysant sous le prisme du contrat maximum, il y a en revanche plus de place pour le doute. Si effectivement les Pelicans ne voulaient pas lui offrir un contrat maximum l’été dernier après sa dernière saison aux Lakers, il semble assez peu légitime de le lui offrir à présent si la seule différence est de désormais savoir rentrer des Catch & Shoot.

Sauf si…

Et si savoir mettre des trois-points était la seule chose qu’il manquait à son profil ? Et s’il ne manquait que les Catch & Shoot à trois-points pour parfaire un jeu déjà calibré gros scoreur ? Et si Brandon Ingram avait effectivement atteint un niveau on ne peut plus prometteur calibré jeune contrat maximum…mais pas forcément durant cette saison à New Orleans ?

Et si, en fait, le battage médiatique fait autour de sa saison 2019-20 avait été tout autant exagéré que sa saison 2018-19 ne fut pas été apprécié à sa juste valeur ? Ingram n’a pas forcément beaucoup progressé dans le jeu, mais peut-être était-il déjà l’an passé à un niveau très satisfaisant pour un ailier de 21 ans lancé dans l’arène ? Vous seriez surpris.

Reprenons le tableau des jeux en isolation.

Durant son année aux Lakers Ingram se situait déjà dans le 80e percentile sur ISO, c’est-à-dire mieux que 80% des joueurs NBA avec 1.00 Point par Possessions. Plus encore, si on filtre par le nombre d’ISO disputé pour ne retenir que les joueurs en ayant joué au moins 2 par match, Ingram était même le 10e joueur le plus efficace de toute la ligue dans l’exercice.

Pour l’ailier de 21 ans encore très imparfait qu’il était et dans un contexte des Lakers 2018-19 loin d’être idéal, c’est assez remarquable. L’absence de gros progrès ou d’un écart très conséquent d’une année à l’autre devient alors bien moins problématique : Ingram était déjà très bon.

C’est à noter par ailleurs qu’avec 2.7 ISO/m aux Lakers, Ingram se classait déjà 18e plus gros total de NBA. Plus que Kemba Walker, Tobias Harris, CJ McCollum ou Bradley Beal par exemple. Sa bonne efficacité ne s’est pas faite sur un petit échantillon non pertinent : les performances d’Ingram étaient déjà significatives.

Plus encore, avec 50.7% de Score Frequency Brandon Ingram se classait carrément 2e de toute la NBA en 2018-19, seulement devancé par DeMar DeRozan. Autrement dit lorsque Ingram jouait une situation de un contre un, il parvenait à scorer au moins un point (panier ou LF) 50.7% du temps : mieux que Kevin Durant, Kawhi Leonard, Giannis Antetokounmpo, Kyrie Irving, LeBron James et tous les autres.

En termes d’effective Field Goal et malgré le fait de tenter très peu sa chance à longue distance l’an passé, Ingram parvenait quand même à poster un excellent 53.2% eFG. Relativement aux autres joueurs jouant au moins 2 ISO/m ? Le 3e plus gros total de NBA derrière Khris Middleton et Derrick Rose. La raison de cet eFG% étincelant malgré très peu de trois-points ? Tout simplement le meilleur pourcentage de réussite général de la ligue sur ISO (52.7%). 1e du classement parmi les joueurs à plus de 2 ISO par match. Pas mauvais.

Également, avec 16.4% de FT Frequency Ingram se classait alors 5e de NBA chez les utilisateurs réguliers d’ISO : il obtenait un lancer franc sur 16.4% de ses isolations disputées. Seul Devin Booker, DeMar DeRozan, Giannis Antetokounmpo et Spencer Dinwiddie faisaient mieux.

Si on revient à cette saison 2019-20 aux Pelicans, Brandon Ingram n’est pas en reste en ce qui concerne l’ISO.

Avec 0.99 PPP (quasi identique au 1.00 PPP de l’an passé) Ingram se classe 10e une fois encore du classement des joueurs pratiquant l’ISO régulièrement. Il ne s’est pas forcément amélioré, mais, d’une part, il était déjà à des hauteurs satisfaisantes et, d’autres parts, a maintenu cette belle efficacité malgré un échantillon plus important : ses 3.6 ISO/m (contre 2.7 aux Lakers) se classaient à présent 12e de toute la ligue (18e l’année d’avant). C’est en soi déjà satisfaisant.

Avec 48% de Scoring Frequency, Ingram se maintient à la 5e place du classement (contre 2e l’an dernier) et avec « seulement » 49% d’eFG (53% l’an passé) il se retrouve encore 10e du classement plutôt que 3e de NBA. Par ailleurs, Ingram a même réussi à l’inverse à provoquer encore plus de fautes que par le passé, faisant augmenter sa FT Frequency de 16% à quasiment 18% et se maintenir 5e de toute la ligue.

Sa saison aux Lakers était déjà satisfaisante, et celle aux Pelicans l’est tout autant. Même sans progrès.

Reprenons à présent l’ensemble des tirs en sortie de dribble.

Avec 44.1% de réussite sur tous ses tirs en pull-up lors de la saison 2018-19 à Los Angeles, Ingram se classait tout simplement comme le 6e joueur le plus efficace de NBA sur ces tirs. Le genre de tirs difficiles, créés par lui-même, en général très difficiles à rentrer.

Ingram a malheureusement chuté dans l’exercice aux Pelicans (seulement 43e de NBA avec 38.1% de réussite), mais il n’avait pas besoin en arrivant à New Orleans de prouver pouvoir être compétent dans l’exercice : on avait déjà vu aux Lakers qu’il pouvait l’être.

Sur Pick & Roll, l’histoire est un peu différente.

Ingram n’a jamais été à l’aise sur P&R, ni aux Lakers ni aux Pelicans. Il utilise d’ailleurs cet exercice très peu : en 2018-19 il se classait seulement 47e de NBA en fréquence d’utilisation et 43e en 2019-20. En termes d’efficacité, Ingram n’était que dans le 41e percentile avec 0.78 PPP et pire encore, se classait 49e sur 60 joueurs utilisant au moins 4 P&R par match devant seulement certains arrières très peu compétents sur du shoot en sortie de dribble tels que Kris Dunn, Russell Westbrook, Ricky Rubio ou Rajon Rondo.

Un an plus tard néanmoins, Ingram a commencé à faire évoluer ses performances de manière non négligeable pour passer à 0.88 PPP (60e percentile). Parmi les utilisateurs fréquents de P&R, il se classe même 36e sur 56 joueurs qualifiés, et même 28e sur 56 en Score Frequency. Son pourcentage de réussite sur les tirs tentés sur P&R augmente même de manière significative : de 42.4% à 46.4%, soit le 17e meilleur pourcentage sur 56 joueurs. Même l’eFG grimpe jusqu’à presque 48% (30e meilleur sur 56).

Ingram n’est pas encore bon dans l’exercice, mais se situe aujourd’hui dans la moyenne plutôt qu’en bas de l’échelle. Il n’a pas réalisé de progrès faramineux d’une année sur l’autre, mais la dynamique de progression semble plutôt positive.

Une statistique ressort particulièrement du lot et consolide l’hypothèse d’un Brandon Ingram déjà très prometteur aux Lakers : sa capacité à se rendre sur la ligne des lancers francs. Avec 16.3% de FT Frequency en 2018-19 Ingram était tout simplement 4e de toute la ligue (parmi les joueurs utilisant régulièrement le P&R) seulement derrière Spencer Dinwiddie, Kawhi Leonard et Lou Williams. Sur les Shooting Fould en particulier (provoquer une faute pendant un tir), Ingram était même 2e de toute la ligue.

De manière plus générale d’ailleurs, cette capacité à attirer les fautes reste à la fois impressionnante et capitale.

Comme on peut le constater, Ingram a toujours été excellent si ce n’est carrément élite dans sa capacité à attirer les fautes. Sur le Shooting Foul Percentage (nombre de fois où il subit une faute sur une tentative de tir) il a d’ailleurs réalisé sa toute meilleure saison en carrière en 2018-19, sa dernière année aux Lakers.

Cette année-là en particulier avec un SFLD% de 16.5% Ingram se classait carrément 5e de toute la NBA sur la capacité à attirer les fautes dans n’importe quel contexte, derrière seulement Giannis, Embiid, Dinwiddie et Ben Simmons. Toute la valeur et la pertinence de cet indicateur résident dans le fait que la capacité à attirer les fautes est une des qualités, si ce n’est la grande qualité commune à tous les scoreur d’élite. Ils partagent tous cette aptitude à pouvoir se rendre sur la ligne des lancers francs pour y récupérer des points faciles. Déjà chez les Lakers, à 21 ans, Brandon Ingram faisait partie de l’élite à cet égard.

Par ailleurs, on peut également remarquer des chiffres d’élite sur le FFLD% (Floor Fouled percentage, nombre de fautes subies en dehors de tirs tentés) qui reflète la capacité d’un joueur à provoquer et attirer les fautes, même sur des situations autres que des tentatives de tirs. Une catégorie où on retrouve souvent parmi l’élite précisément les porteurs de balle de très haut niveau de NBA. Son 2.7% FFLD en 2018-19 se classait par exemple 12e de toute la ligue (hors Big Men) au voisinage de joueurs tels que James Harden, Ben Simmons, Kemba Walker, Damian Lillard ou Paul George.

Reste un aspect à évoquer concernant le jeu de Brandon Ingram, particulièrement vis-à-vis de ses performances déjà prometteuses à Los Angeles : ses qualités de passeur.

Intéressons-nous à un des meilleurs indicateurs de production de passe décisive, le AST Ratio : nombre d’assist par 100 possessions utilisées par le joueur.

D’une année sur l’autre, Ingram évolue très peu là encore : de 13.5 à 15.5 ast/100poss tout en jouant quasiment le même nombre de minutes par match. Plus encore et contrairement aux ISO par exemple, Ingram ne partait pas de très haut à la base. Il n’était pas si performant que ça aux Lakers en 2018-19 : avec 13.5 d’Assist Ratio il se classait seulement 161e de toute la ligue (parmi les joueurs ayant disputé au moins 25min/m), et avec 15.5 se situe encore 79e du classement cette année.

Même constat sur les Assist Potentielles, qui prennent en compte les fois où Ingram créé pour un coéquipier, mais ce dernier manque son tir. Ingram évolue un peu, mais de manière assez marginale : de 6.4 à 8.1 par match. Le 33e plus gros total de NBA parmi les joueurs NBA avec un temps de jeu conséquent.

En somme, Ingram n’affiche ni une production de créateur de premier plan ni des progrès significatifs. Néanmoins, ce serait une erreur de s’arrêter sur ces chiffres : aux Pelicans comme aux Lakers, Ingram variait souvent entre séquences sans ballon et séquences balle en main à être le créateur désigné. Même en filtrant par Usage ou par possessions utilisées, les chiffres ne pourront qu’être altéré et tiré vers le bas par la quantité importante de situations en spot-up, sans ballon ou catch & shoot où Ingram n’a de toute façon pas vocation ni d’opportunité de créer pour autrui. De ce fait, sa production globale n’est pas si pertinente que ça.

Sur les séquences de jeu où il devait en effet jouer comme un créateur de jeu balle en main, Ingram a même démontré de très belles promesses. À New Orleans mais aussi et surtout déjà aux Lakers.

Ingram évoluait même sur de longues séquences en tant qu’initiateur de l’attaque en l’absence de LeBron James (blessures) ou simplement en leader de la second unit. Le tableau ci-dessus montre bien cette diversité d’utilisation en 2018-19 contrairement aux deux premières années en carrière à être quasi exclusivement utilisé en poste 3. Aucune minute n’est recensée à proprement parler sur le poste 1, mais Ingram remplissait de facto de rôle de meneur depuis le poste 2 ou 3, à côté de postes 1 sans ballon que pouvaient être Lonzo Ball, KCP, Lance Stephenson ou d’autres.

Sur ces séquences de jeu aux Lakers, dans le rôle d’initiateur de l’attaque, Ingram a démontré de très belles qualités que ses statistiques de production globale ne parviennent pas à capturer.

Ingram est un joueur intelligent doté d’une bonne vision du jeu et capable de réaliser de belles passes avec le bon timing en sortie de dribble (pénétration ou Pick & Roll). Ses incroyables mensurations physiques lui permettent de passer par-dessus (ou autour de) n’importe qui, n’importe quand, et ainsi de délivrer des passes dans des angles toujours plus variés. Il n’a ni la créativité ni l’imprévisibilité ni l’approche cérébrale d’élite des tout meilleurs de NBA, et ne les aura jamais, mais possède un bon niveau à la fois dans la créativité et le decision-making. Les outils nécessaires pour être un créateur secondaire de bon niveau.

Son niveau, mais surtout son potentiel de créateur pour autrui balle en main est réellement intriguant, en particulier s’il est capable d’améliorer sa qualité de dribble (dribbler plus proche du sol et d’être bien plus en contrôle du ballon) l’aspect qui pour l’instant limite son impact en création individuelle.

 

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PARTIE 5 : Profil & Potentiel

 

Les conclusions que l’on peut tirer de toutes données statistiques sont assez simples.

Ingram n’a en vérité pas progressé tant que ça cette saison…mais partait déjà de bases bien plus solides qu’on ne pouvait le laisser entendre à la fin de sa saison précédente. Le Brandon Ingram version 2018-19 était déjà un créateur intéressant, suffisamment même pour que la simple acquisition d’un tir à trois-points très basique le propulse vers des niveaux d’efficacité et de productivité très satisfaisants. Sans oublier d’ailleurs sa nouvelle capacité à convertir ses lancers francs.

Le Ingram de 21 ans des Lakers était déjà très prometteur et intéressant. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que tout était idéal ni même sur les bons rails pour l’être : Ingram conservait à l’époque et même encore aujourd’hui quelques défauts conséquents.

Le plus important est sans l’ombre d’un doute le manque de rentabilité de son jeu.

Malgré des pourcentages de réussite allant de très honorables à carrément excellents dans des situations de création offensive, Ingram restait encore très loin des scoreurs les plus productifs de la ligue. Chez les Lakers l’intégralité de ses tentatives venait de la mi-distance, et les choses sont encore très similaires pour ne pas dire carrément identique aux Pelicans pour le moment. Ingram était impressionnant de réussite relativement à ses pairs dans la zone la moins rentable du terrain, la mi-distance, et beaucoup moins compétent dans les zones du terrain au contraire les plus profitables : le cercle et le trois-points.

Lors de sa saison aux Lakers et malgré le 6e meilleur pourcentage de réussite de la ligue sur pull-up, Ingram n’était que 34e en ce qui concerne l’eFG%. Pour une raison assez simple : parmi tous les joueurs NBA tentant au moins 4 tirs en sortie de dribble par match il était bon dernier (62e sur 62) au nombre de pull-up 3 tenté. Pour sa saison au Pelicans, et malgré une augmentation de 0 à 1 pull-up 3 par match, Ingram reste encore cloué à la 61e place sur 68 joueurs qualifiés cette saison-là.

Ingram tente la grande majorité de ses tirs en sortie de dribble à de la mi-distance, peu rentable. Plus encore, il ne compense pas ce manque de pull-up 3 par une efficacité au cercle implacable : aux Lakers Ingram ne convertissait que 47.7% de ses tentatives sur drives. Parmi les joueurs drivant plus de 10 fois par match jusqu’au panier, c’était seulement la 21e efficacité sur 42 joueurs qualifiés. Cette année, avec 49% il se classe 18e sur 45 joueurs. Un peu mieux, mais pas suffisant pour compenser d’un point de vue rentabilité. D’autant plus qu’en termes de fréquence Ingram ne se rend pas assez au cercle pour que ce bon pourcentage fasse remonter le tout (par exemple c’est le cas pour Giannis ou LeBron).

Le problème pour Ingram actuellement n’est pas tant sa réussite sur les tirs qu’il prend, mais plutôt le fait qu’il ne prenne pas forcément les bons tirs. La comparaison la plus pertinente que l’on pourrait faire actuellement est un joueur déjà fréquemment cité dans cet article pour s’être trouvé au voisinage d’Ingram sur certain critères : DeMar DeRozan.

L’ancienne star des Raptors est un scoreur fantastique dans son registre, capable de se dégager à volonté son tir à mi-distance et de le rentrer avec un taux exceptionnel bien plus élevé que la quasi-totalité des joueurs NBA. Pour autant DeRozan échoue depuis toujours à être un engin offensif suffisamment puissant pour faire de son équipe une attaque d’élite comme le font LeBron, Harden, Doncic et les autres. Ses déficiences pour aller souvent au cercle (et y finir avec une excellente réussite) et pour inscrire des pull-up 3 engendre inévitablement des limites pas aussi hautes qu’on le souhaiterait, relativement aux autres superstars de la ligue.

La plus grande carence de DeRozan est intangible : il rentre un excellent pourcentage…des tirs qu’il tente. Mais ses scintillants pourcentages de réussite ne racontent pas toute l’histoire. Ni ce qui aurait dû se passer ni ce qui n’est pas arrivé. Le problème pour DeRozan, comme pour Ingram, n’est pas les tirs qu’ils tentent, mais bien ceux qu’ils ne tentent pas. Pas assez, ou pas du tout. Les meilleurs scoreurs sont élite sur pull-up 3, ou bien au cercle, ou même bien souvent aux deux. Actuellement, Brandon Ingram ne fait partie d’aucune de ces catégories.

La comparaison entre le Toronto 2017-18 de DeRozan et celui 2018-19 de Kawhi semble injuste tant le contexte autour a évolué de manière notable. Mais quand même : DeRozan ne pouvait pas solutionner tous les problèmes défensifs, donc n’était pas assez rentable ni efficace. Kawhi, lui, peut tout bien faire sur le terrain et apporter la parade nécessaire. En plus de son jeu à mi-distance, il peut aller au cercle à volonté malgré l’opposition ou au contraire enchaîner les pull-up 3 pour battre un Drop, ou un Switch. Même dans ses plus belles années en carrière DeRozan n’est jamais vraiment allé au-delà de la barre symbolique du 1.10 Point par Tirs tentés. Kawhi et les scoreurs d’élite sont fréquemment au-dessus des 1.20 Pts/Tirs. L’écart est énorme.

La création offensive de DeRozan est loin d’être stérile. Elle n’a simplement pas une valeur suffisamment positive. Il est probable qu’Ingram n’arrive jamais à s’améliorer à cet égard, ces progrès-là étant très difficiles et n’arrivent que rarement. Si c’est le cas, le risque pour son équipe est alors de se retrouver avec un créateur de ce calibre. Compétent, mais ni décisif, ni implacable ni rentable devant l’adversité de play-offs.

Deux différences fondamentales existent néanmoins d’un point de vue théorique entre le profil de DeRozan et celui d’Ingram.

Premièrement Ingram est doté d’atouts physiques extrêmement plus impressionnants. Très grand et muni d’une envergure de bras gigantesque, il est capable d’avoir un impact défensif de ce fait immensément plus grand que DeRozan ne pourrait jamais rêver d’avoir. En tant que défenseur sur l’homme, Ingram est par exemple bien plus polyvalent et peut à la fois défendre des arrières comme des ailiers et intérieurs plus imposants. Également, ses mensurations physiques lui confèrent un potentiel de défenseur collectif là aussi considérablement supérieur : Ingram peut impacter le jeu sur des rotations défensives, sur le rebond, la protection du cercle, les lignes de passes et bien d’autres aspects encore. Ce potentiel défensif n’améliore en rien sa création offensive, mais bonifie sa valeur générale : l’autre problème de DeRozan, au-delà de son manque de rentabilité, reste son absence totale d’impact en défense.

Deuxièmement, le tir à trois-points : contrairement au Spur, le Pelican est désormais capable de rentrer des tirs à longue distance. Là où DeRozan pénalise forcément son équipe lorsqu’il n’a pas la balle, Ingram au contraire contribue au spacing de son équipe. Ne serait-ce que mettre ces tirs en Catch & Shoot, pourtant très simples, a une valeur conséquente vis-à-vis du collectif. En progressant sur ces tirs cette année Ingram est devenu un attaquant bien plus polyvalent et transposable, capable de jouer aux côtés d’autres créateurs alors que l’an passé sa présence sur le terrain quand LeBron James avait la balle avait très peu de sens. Là encore, cet aspect ne résout pas le problème ni n’ajoute de la valeur à sa création offensive imparfaite, mais sa valeur globale est en conséquence bien plus grande. Les chiffres de cette année parlent d’ailleurs d’eux même : la productivité d’Ingram a atteint la barre de 1.19 Pt/Tir tenté cette saison, bien au-dessus de DeRozan (autour de 1.05 ou 1.10 toute sa carrière).

Même s’il ne s’améliore pas forcément sur la création balle en main et la rentabilité de son répertoire, Ingram peut avoir une très belle valeur. Par ailleurs, qu’en est-il de cette possible amélioration ? En réalité, il semble légitime de penser que ce genre de progression reste probable, pour plusieurs raisons.

D’abord, la dynamique de progression : Ingram ne tentait jamais sa chance sur pull-up 3, mais a commencé à s’y mettre à New Orleans. Ses tentatives restent plutôt rares, mais cette augmentation coïncide avec la forte consolidation de son jump-shot comme en attestent ses performances sur Catch & Shoot. Ingram a démontré une mécanique de tir plus compacte et épurée que sur tout son début de carrière NBA. Il ne serait pas étonnant qu’avec ce meilleur jump-shot Ingram continue cette hausse de pull-up 3 tentés sur les prochaines saisons jusqu’à pourquoi pas atteindre un niveau très respectable, à défaut de Curryesque ou Lillardien.

Ensuite, Ingram ne possède pas de limites mécaniques sur son jump-shot qui pourrait empêcher la transposition de ce ses qualités à mi-distance vers la ligne à 3pts. Étant donné sa très bonne efficacité sur les longs 2 (41% de réussite) il n’y a pas de raison de penser que quelques pas en arrière annihileraient entièrement sa réussite. Le cas de DeRozan qui n’a jamais réussi (ou plutôt, tenté ?) de transposer son jump-shot dans l’entrejeu en un pull-up 3 au moins correct fait bien plus office d’exception que de norme dans le paysage NBA.

Une question mérite toutefois d’être posée à ce stade de la réflexion : l’évolution de Brandon Ingram au shoot est-elle durable ? Est-on certain que ses progrès sur jump-shot sont bel et bien réels, et que sa réussite n’est pas simplement le fruit de surperformances et d’une surdose totalement aléatoire de chance ? De réussite pure, d’un hasard fortuit ?

En effet, il se peut qu’il ait surperformé cette saison et que la chance lui ait souri plus que la moyenne, mais il est peu probable que le seul facteur aléatoire heureux ait fait bondir ses pourcentages à ce point. Plusieurs indicateurs laissent à penser que les progrès réalisés par Ingram sont réels.

Premièrement, ses pourcentages de réussite ne sont pas les seuls à être différents cette année : son jump-shot en lui-même l’est aussi. Sa mécanique est épurée, à nouveau assez propre et sans mouvements superflus dans l’exécution du geste. Le fait que ce changement structurel coïncide avec une évolution de sa réussite est un bon indice que cette dite réussite n’est pas aléatoire comme on aurait pu le penser si, par exemple, son tir s’était mis à rentrer bien plus souvent tout en gardant des défauts de mécanique conséquents.

Deuxièmement, la taille de l’échantillon. En 2019-20, Ingram a tenté par moins de 354 tirs à trois-points. Un échantillon encore plus grand serait bien évidemment plus représentatif, mais dans ce cas précis Ingram se situe tout de même au-dessus du palier des 250 tirs tentés, taille d’échantillon où les résultats commencent à être pertinent et ne sont plus autant influencée par l’aléatoire. Le bond de réussite d’un pourcentage très moyen à un très bon ne s’est pas fait sur une petite poignée de tirs, mais bien sur un panel pertinent.

Troisièmement, l’historique de sa carrière. Ingram n’est pas un non-shooteur depuis toujours qui d’un coup aurait connu une excellente saison dont il faudrait se méfier. Durant sa saison à Duke en 2015-16 il convertissait un excellent 40% de ses 5.4 trois-points tentés par match, c’était même un des attraits de son profil de prospect NBA. L’échantillon total de NCAA s’élevait à 195 tirs, pas autant que l’on pourrait souhaiter, mais pas ridicule non plus comme pour certains autres prospects. C’est plus un retour à la normale d’une certaine manière, tant en termes de pourcentage de réussite que d’exécution du geste de jump-shot. Ce qui pousse à être un peu moins méfiant vis-à-vis de cette soudaine explosion du shoot en 2019-20.

Quatrièmement et enfin, sa réussite aux lancers francs. Les capacités de mettre des trois-points et des lancers francs sont corrélées, tous deux résultants de mêmes qualités de toucher de balle, d’adresse pure et de mémoire gestuelle. Aussi, pour vérifier qu’une réussite à trois-points, soit bien, le produit de ces qualités-là et pas d’une simple chance passagère, regarder son corrélé est un excellent indicateur : si en effet la réussite aux LF est elle-même très solide c’est bel et bien que le joueur est un bon shooteur intrinsèquement, adroit et précis. Le raisonnement étant le suivant : être chanceux à la fois au LF et à 3pts la même année reste extrêmement improbable. Si les deux indicateurs augmentent en même temps, c’est donc plutôt que l’évolution du shot-making du joueur est réelle, pas chanceuse.

Dans le cas d’Ingram, la hausse de réussite sur les trois-points survient exactement la même saison que son pourcentage de réussite aux lancers francs explose (de 67% à 86%). De ce fait, il est très probable qu’Ingram ait réellement progressé sur son jump-shot. Alors qu’en NCAA son 40% de réussite suscitait quelques doutes (à raison) du fait d’un assez mauvais 68% LF, sa saison à New Orleans où son 39% à longue distance est soutenu par un très solide 85% LF laisse moins de place au doute. Par ailleurs l’échantillon sur lancers francs, 330 tentatives, est lui-même suffisamment important pour être pertinent.

Un dernier point mérite d’être soulevé concernant le profil de jeu de Brandon Ingram : les turnovers.

Sur l’ensemble de sa carrière Ingram garde un niveau de déchet assez stable, y compris entre l’an passé et cette saison. Le problème majeur étant que cette stabilité se fait à un niveau assez bas, presque insuffisant.

Relativement aux autres joueurs à gros volume (+28% d’Usage) Ingram se classe 12e pire de NBA sur 28 joueurs. Cette performance devient néanmoins encore plus problématique quand on prend en compte le registre de jeu : Ingram évolue régulièrement sans ballon sur de longues séquences, des situations moins à risques. Il était même parmi ce groupe de joueur à forte utilisation, le 4e joueur se faisant le plus assister dans la réalisation de ses paniers. De toute évidence, son rôle est moins créateur et proactif que la majorité des autres joueurs à gros volume de cette liste, mais pourtant, Ingram perd quand même plus de ballons que plus de la moitié d’entre eux. Par exemple, des joueurs comme Harden, Beal, Brogdon, Lillard ou DeRozan ont eu moins de déchet qu’Ingram en étant pourtant bien plus responsabilisés au sein de leur attaque.

Étant donné ses nombreuses possessions dans un rôle finisseur et joueur sans ballon, ce très haut total suggère que dans les domaines de création balle en main le taux de pertes de balle doit être incroyablement élevé pour faire rehausser le tout à ce point.

C’est en effet le cas. Ingram se classait 32e sur 37 joueurs utilisant régulièrement l’ISO avec une fréquence de perte de balle de 13%. Seuls Tatum, Booker, Beal, Randle et LaVine faisaient pire que lui. Sur P&R, avec 18% de déchet Ingram était le 7e pire joueur de NBA parmi les utilisateurs réguliers de l’exercice. Avec 18.5% de tov sur Post-Up, il se classait 14e pire de NBA. Deux éléments sont à la base de ces déchets : un manque de lucidité par moment, mais également une qualité de dribble largement imparfaite comme évoqué plus haut.

La rentabilité de son jeu, a fortiori de son répertoire de créateur balle en main, ne passera pas seulement pas une recherche de tir plus profitable : il semble important d’arriver à limiter ces pertes de balles pour l’instant trop importantes. À la limite de l’inquiétant, même. Rien n’est perdu toutefois : l’amélioration de son dribble est à la fois un objectif tangible et relativement simple qui permettrait un assainissement plus ou moins rapide de son jeu.

 

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Bilan

 

Difficile de ne pas se laisser convaincre par le profil et le potentiel de Brandon Ingram.

Sa candidature pour le Most Improved Player s’avère finalement assez banale en comparaison d’autres progressions de cette saison. En revanche la question de sa prolongation contractuelle appelle à des réponses plus positives. Malgré ses relativement faibles progrès d’une année à l’autre, ceux-ci sont survenus sur un domaine précis qui en dépit de son caractère assez basique (mettre des catch & shoot) valorise à lui seul et de manière considérable son profil.

De scoreur efficace, mais peu rentable, Ingram est devenu aujourd’hui un joueur plus complet, mais aussi et surtout plus polyvalent offensivement. Si son niveau à longue distance se confirme sur la durée, Ingram pourrait désormais conserver une belle valeur lorsqu’il évoluera avec d’autres créateurs et porteur de balle. Un aspect d’autant plus important vis-à-vis de sa situation contractuelle et de la construction de l’équipe : imaginer la version sans trois-points de Brandon Ingram cohabiter avec Zion Williamson ressemblait bien plus à une incohérence et une sous-optimisation évitable de Zion qu’autre chose. Aujourd’hui en revanche, les Pelicans peuvent désormais envisager un futur plus serein autour de ces deux éléments majeurs du projet.

Ingram est déjà à un bon niveau de création offensive. Mais bien qu’on puisse demeurer optimiste quant à d’éventuels progrès dans ce domaine il semble important par ailleurs de souligner qu’Ingram pourrait ne jamais y arriver. Il existe une probabilité non nulle ni même négligeable qu’Ingram n’arrive pas à franchir cette étape-là. Qu’il ne développe jamais son pull-up 3, en particulier. Pour autant, ce ne serait pas nécessairement une condamnation.

Quelle serait la valeur de DeMar DeRozan, même sans pull-up 3 ni finition au cercle d’élite, s’il pouvait rentrer 39% de ses catch & shoot et qu’il était un défenseur bien plus polyvalent et impactant ? Pas forcément top 10 NBA, mais pas obligatoirement très loin non plus. Sur le papier et sans progrès conséquent dans les domaines clés c’est à ce joueur que pourrait ressembler Ingram. Plutôt pas mal. Ce serait dommage de ne jamais le voir améliorer sa rentabilité et productivité balle en main, nous privant ainsi d’un joueur calibré All-NBA et go-to-guy. Mais même s’il stagne de ce point de vue là, son apport pourrait quand bien même se révéler intéressant.

Le point sur lequel nous avons assez peu insisté ici et qui parallèlement aux pull-up 3 peut faire décoller sa valeur ajoutée, c’est la défense. Et pour cause : d’une part il n’existe pas de statistiques défensives pertinentes comme c’est le cas pour l’attaque, et d’autre part un sujet comme celui de la défense d’Ingram mériterait à lui seul un article de bonne consistance pour ne survoler aucune subtilité décisive de son jeu.

Globalement, Ingram n’a jamais démontré un niveau défensif très élevé pour l’instant en carrière. Toutefois, une grande partie de sa valeur défensive est structurelle : sa capacité à remplir différents rôles de plutôt bonne manière.

De toute évidence, le gros de son potentiel défensif réside dans ses mensurations d’élite.

En défense On-Ball Ingram était d’ailleurs utilisé régulièrement au « point of attack », en premier rideau défensif sur le meneur adverse durant sa dernière saison aux Lakers. Il est loin d’être parfait sur la technique défensive (appuis, coordination, etc) et manque même de vivacité et de puissance, mais sa seule taille et ses longs bras étouffants lui permettaient malgré tout d’altérer les actions même sans être toujours idéalement positionné.

Sur la défense Off-Ball, son potentiel est là encore faramineux, mais l’accomplissement de ce potentiel est loin d’être une garantie. De la même manière que les meilleurs créateurs offensifs sont les esprits les plus brillants de la ligue, ceux qui ont à la fois une intelligence et des instincts naturels plus importants que les autres, il en va de même en défense. Or pour Ingram les indicateurs défensifs ne semblent pas complètement le placer à ce niveau.

Alors que sur le BLK% ses bras interminables lui ont permit de flirter avec l’élite, ce n’est pas le cas pour le STL%, sans doute l’indicateur le plus pertinent en ce qui concerne l’intelligence d’un joueur. En particulier, défensive. Ce que ce petit total d’interception suggère est qu’Ingram est loin d’un niveau de compréhension et d’instincts naturels de très haut niveau. Avec ces outils-là il aurait sans doute réussi à se trouver au bon en droit au bon moment avec un temps d’avance, et de créer des turnovers adverses. Ingram est remonté à 1.2% cette saison à New Orleans (44e percentile, presque la moyenne), mais son passif à Los Angeles à côtoyer les bas fonds du classement est loin d’être encourageant. À l’inverse, les défenseurs d’élite ont généralement des STL% d’élite depuis toujours.

Les deux points clé du développement défensif d’Ingram sont là : l’intelligence de jeu et la puissance. Ces deux qualités apparaissent réellement comme des points charnières qui détermineront si son niveau défensif pourra basculer vers l’excellence ou stagner à des performances plus moyennes.

Plus encore, l’acquisition et/ou amélioration de ces deux aspects sont même déterminantes quant à la suite de la carrière d’Ingram. Si en effet Ingram est capable de gagner en masse musculaire, sa transposition sur des postes 4 voire même 5 par séquence sera d’autant plus facile. Sans aller jusqu’à savoir résister à Joel Embiid poste bas, avoir de quoi survivre sur des switchs et être capable de tenir des ailiers superstar (LeBron, Kawhi, Giannis et autres) serait déjà largement suffisant. Très satisfaisant, même. De la même manière, si Ingram devient en effet un défenseur collectif alerte capable de très bien protéger le cercle et d’impacter le jeu sur différentes aides défensives permettrait là aussi de plus facilement l’imaginer en intérieur small ball.

Les avantages que pourrait débloquer un Ingram intérieur seraient on ne peut plus précieux. Du point de vue d’Ingram évoluer face à des intérieurs plus lents et donc des mismatchs plus fréquents pourrait l’aider à créer plus souvent et mieux balle en main. Du point de vue de l’équipe obtenir un spacing optimal avec Ingram en poste 4 ou 5 plutôt que sur les ailes est évidemment plus simple : il est bien plus facile sur le marché d’enrôler un extérieur capable d’apporter du spacing qu’un intérieur faisant la même chose. Une raquette Zion + Ingram offrirait même par ailleurs un très grand nombre de possibilités et combinaisons offensives toutes plus intéressantes les unes que les autres.

Tout cela néanmoins reste conditionné au fait qu’Ingram devienne un défenseur de bon, voire très bon calibre. En particulier sur la défense sans ballon. Dans le cas contraire, la valeur ajoutée offensive qu’il pourrait apporter en stretch 4 ou 5 se trouverait rapidement annihilée par ses errances défensives et rendrait l’opération non rentable.

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Encore beaucoup d’incertitudes existent autour du cas Brandon Ingram. Et pour cause : Ingram n’a que 22 ans, des atouts physiques extraordinaires, des défauts pas si incorrigibles que ça et une marge de progression encore considérable, en théorie.

Il serait très surprenant de ne pas voir New Orleans tout faire pour le retenir cet été, y comprit mettre sur la table un coquet contrat maximum. D’une part Ingram est un actif pour la franchise, acquis via l’échange de Davis. Le signer puis le faire partir dans un nouvel échange pour en tirer une nouvelle contrepartie aurait plus de sens que de le perdre contre rien à la Free Agency. D’autre part, sur le plan sportif Ingram s’inscrit totalement dans le projet de jeu. À l’inverse de Ben Simmons, Ingram lui n’est élite dans aucun domaine du jeu, mais sa valeur principale réside dans son profil sans trou béant et sa polyvalence à la fois défensive comme offensive. Un atout de luxe pour n’importe quel coach.

Plus encore même et à défaut d’être sûr qu’il sera payant un jour, le pari qu’Ingram parvienne à franchir encore les derniers paliers qui le sépare des All-NBA Team est une opportunité qu’une franchise en reconstruction ne peut pas refuser. De banale monnaie d’échange future à franchise player des Pelicans en passant par lieutenant de complément idéal, la suite de la carrière de Brandon Ingram reste encore totalement à se réaliser.

Brandon Ingram, Most Intriguing Player 2020.

 

Guillaume (@GuillaumeBInfos)

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Une réflexion sur “Brandon Ingram, Most Not-That-Much-Improved Player ?

  • WarriorsBucksKid #A

    Super article, par contre je n'arrive pas à le télécharger en pdf alors que j'ai réussi pour les anciens

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