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Quand l’enjeu dépasse le jeu – Le scandale des JO de Munich

Le Basket est un sport. C’est aussi, et avant tout un jeu. Mais il arrive que parfois l’enjeu prenne le dessus sur le jeu, et qu’une simple recontre de Basket devienne bien plus qu’un match, du fait du contexte qui l’entoure. Ce fut le cas lors de la finale des Jeux Olympiques de Munich en 1972, où Américains et Soviétiques s’affrontèrent sur fond de guerre froide pour ce qui reste encore aujourd’hui comme l’un des plus grands scandales de l’Histoire du sport.

Les Jeux de Munich se tiennent dix ans après la crise des missiles cubains. Durant cette période, on a pu observer un réchauffement des relations entre les Etats-Unis et l’URSS, grâce notamment à la mise en place du téléphone rouge ou plus simplement à une simple prise de conscience d’un côté comme de l’autre. Les Jeux débutent le 27 août 1972, soit à peine quelques mois après les accords SALT I censés limiter la course à l’armement au sein des deux blocs.

Néanmoins, malgré ces avancées diplomatiques, le conflit reste réel, et c’est tout naturellement qu’il se projette sur des terrains plus triviaux comme celui du sport, par exemple. Les favoris de ces Jeux Olympiques sont ainsi l’URSS, les Etats-unis, et les deux Allemagnes. Chaque médaille vaudra cher, les Jeux étant le seul terrain d’affrontement physique entre les deux blocs. En ce qui concerne le Basket, Soviétiques et Américains sont les deux grands favoris.

A l’époque, la majorité des joueurs sont des amateurs. La sélection américaine est constituée des meilleurs étudiants du pays, parmi lesquels Doug Collins, un ailier bourré de talent qui sera le premier choix de la draft l’année suivante avant d’être quatre fois All-Star puis d’entraîner les 76ers. Côté soviétique, la délégation est plus âgée puisqu’elle contient également des joueurs professionnels, comme Sergei Belov, la star du CSKA Moscou, double meilleur marqueur de l’Euroleague mais aussi MVP de l’Euro 69 et du Championnat du Monde 70. Il est aujourd’hui encore reconnu comme l’un des plus grands joueurs européens de tous les temps.

Les deux délégations passent les poules sans difficulté, terminant toutes deux invaincues. Les Etats-Unis se permettent même le luxe de passer 20 points à Cuba, pourtant gros outsider et dans un contexte ô combien particulier. L’URSS impressionne tout autant, puisqu’ils écartent la Yougoslavie et l’Allemagne de l’Ouest sans trembler. En demi-finales, les Américains écartèlent l’Italie tandis que les Soviétiques doivent s’employer davantage pour se défaire de Cuba, mais la finale mettra bien aux prises les deux favoris de la compétition.

Le match est bien évidemment tendu d’un bout à l’autre. A moins d’une minute de la fin, l’URSS mène d’un point, mais le pivot américain McMillen contre leur tentative. Doug Collins remonte le terrain à tout allure, monte au lay-up, et subit une faute qui l’envoie la tête la première dans le panier. L’ailier d’Illinois State reste au sol un long moment, mais finit par se relever et va se positionner sur la ligne des lancers-francs avec 3 secondes au chronomètre et toujours un point de retard.

Collins ne tremble pas et rentre le premier. Il arme le second, mais le buzzer sonne. Collins le rentre tout de même alors que l’arbitre s’était tourné vers la table de marque. Rien de spécial a priori, les Etats-Unis repassent devant, l’arbitre rend la balle à l’URSS qui remet en jeu depuis sa ligne de fond, remonte la balle mais on entend un nouveau coup de sifflet alors que le ballon était à hauteur de la ligne médiane et qu’un des assistants soviétiques s’agace à la table de marque. Stupeur dans la salle. Que s’est-il passé? Personne ne semble comprendre et la tension monte, arbitres et coaches s’emploient à séparer les joueurs dans le chaos le plus complet.

Vladimir Kondrashin, le coach soviétique, ne tient plus en place. Il certifie avoir demandé un temps-mort avant les lancers de Collins, et ne pas l’avoir obtenu. Les règles olympiques de l’époque n’autorisent les temps-morts que dans certaines situations, il ne peut donc plus le prendre. La table de marque assurera par la suite avoir noté la demande de Kondrashin, qui avait demandé le temps-mort avant que Collins ne prenne place sur la ligne, mais qui souhaitait le prendre entre les deux. A-t-il oublié de prendre son temps-mort? La table a-t-elle omis de le signaler à l’arbitre? Que faire maintenant?

Les arbitres ont stoppé le jeu sur demande de la table, mais il faut bien reprendre. Renato Righetto, l’arbitre brésilien, demande une nouvelle remise en jeu ligne de fond, mais n’accorde pas de temps-mort à l’URSS puisqu’aucune règle ne l’y autorise. Il demande trois nouvelles secondes pour les Soviétiques. Alors que Righetto tente d’expliquer la situation aux différentes parties et que la table lutte pour régler à nouveau la pendule, Kondrashin remplace l’un de ses ailiers par son pivot Ivan Edeshko. Il aura ainsi un joueur plus grand pour la remise en jeu.

Le problème, c’est qu’étant donné qu’aucun temps-mort ne lui a été accordé, le remplacement n’est pas valide. Mais les arbitres et la table sont trop affairés à tenter de calmer tout le monde et n’ont pas remarqué le changement. Righetto donne la balle à Edeshko, qui tente une passe tout terrain bien gênée par McMillen, les Soviétiques ne marquent pas et la sirène retentit. Les Etats-Unis sont champions.

Les journalistes affluent sur le terrain, les joueurs se congratulent, se sautent dans les bras, c’est la consécration pour les troupes de Jim Bach. Rapidement, les arbitres font évacuer le terrain, renvoyant journalistes et supporters à leurs places respectives. Pourquoi? Parce qu’une nouvelle irrégularité à été pointée du doigt par la table. La pendule indique 23 secondes, et continue de s’écouler.

Lorsqu’Edeshko a effectué la remise en jeu, la table n’avait pas fini de régler la pendule, et elle affichait 50 secondes. La sirène a été déclenchée pour interrompre le jeu afin de signaler aux arbitres qu’ils n’auraient pas du reprendre la partie si tôt. Pourtant, l’action s’est déroulée correctement et le temps écoulé avant que le buzzer ne retentisse semblait conforme à celui qui devait être imparti aux Soviétiques.

Plus personne ne comprend. Le temps était écoulé, la sirène avait sonné et l’URSS avait manqué sa passe. Pourtant, la dernière action sera rejouée une nouvelle fois. Righetto se prépare à rendre la balle à Edeshko, défendu par McMillen. Sans explication, l’arbitre demande à McMillen de s’écarter du passeur. Le pivot américain est pourtant à une distance parfaitement réglementaire, mais il n’y a qu’un point d’écart et par peur de la faute technique, il recule.

Edeshko va tenter de viser Belov. Les deux joueurs ont déjà remporté la finale du championnat de l’Union Soviétique sur une action similaire. Maintenant qu’il n’est plus gêné par McMillen, le pivot envoie une passe tout-terrain parfaite que Belov réceptionne. Il se défait de la défense, shoote avec la planche et marque. Le buzzer retentit, l’URSS est championne.

Dans les jours qui suivent, la fédération américaine use de tous ses recours pour que le résultat ne soit pas entériné, et le CIO constitue finalement un jury de cinq membres de la FIBA pour trancher sur la question. Par trois voix contre deux, la victoire soviétique est confirmée. Les voix pour les Américains sont celles d’alliés du bloc capitaliste, les voix pour l’URSS d’alliés du bloc communiste. Les Américains, en signe de protestation, refuseront d’aller chercher leurs médailles. A ce jour, il ne l’ont toujours pas fait.

Cette finale des Jeux de Munich reste encore aujourd’hui l’un des plus gros scandales de l’Histoire du sport, notamment du fait que tout n’ait pas encore été élucidé. Pourquoi la table de marque a-t-elle volontairement interrompu le jeu à plusieurs reprises? Pourquoi le jeu a-t-il repris sans que le chrono ait été vérifié au préalable? Comment se fait-il que l’URSS ait pu effectuer un changement non valide sans que la table ne s’en rende compte? Pourquoi Righetto a-t-il fait s’écarter McMillen, offrant ainsi une fenêtre de tir parfaite à Edeshko? Pourquoi la table et l’arbitre ont-ils manipulé le jeu délibérément de façon à offrir de nouvelles chances aux Soviétiques?

Les différents acteurs du match ont tenté d’éclaircir ces points, mais il reste des zones d’ombre. Righetto par exemple, justifie les diverses erreurs par une incompréhension entre lui et la table de marque due à la barrière de la langue -il est brésilien, la table allemande. Pourtant, il n’a jamais signé la feuille de match bien qu’il en ait été l’arbitre. La table a également confirmé avoir noté le temps-mort de Kondrashin, et il semble évident qu’un coach de son calibre n’aurait pas fait l’erreur d’oublier de le demander. Mais encore une fois, pas de trace de ce temps-mort sur la feuille de match.

Les enjeux qui ont entouré cette finale des Jeux de 1972 sont tels qu’ils ont ôté des mains de jeunes joueurs leur rêve de toujours, non sans leur avoir laissé le temps de le carresser pour mieux le voir partir en fumée. Ce ne sont pas leurs adversaires qui sont à blâmer, mais bien le contexte qui a fait d’un simple jeu un affrontement politique. D’ailleurs, si le jury constitué par le CIO avait été majoritairement composé d’alliés des Etats-Unis, ce seraient les jeunes Soviétiques qui en auraient été les victimes. S’il est important que le sport puisse porter une dimension culturelle ou politique, cela ne doit pas se faire aux dépens du jeu, car quand les enjeux extérieurs enlèvent toute notion de jeu, plus personne ne peut gagner.

 

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Une réflexion sur “Quand l’enjeu dépasse le jeu – Le scandale des JO de Munich

  • jejevert01

    Excellent article

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