La touche StillBallin

Basketball Manager: Episode 1

On l’attendait depuis longtemps, il est enfin sorti. Je défais l’emballage transparent qui enveloppe amoureusement le boitier, ouvre le petit sarcophage de plastique et glisse la galette dans mon ordinateur. Le logo du jeu qui accompagne l’outil d’installation annonce des qualités esthétiques pour le moins modestes et peu inspirées mais c’était attendu. C’est ailleurs que les développeurs ont dirigé leurs efforts. Après tant de temps d’attente et d’espoir, le curseur de ma souris va pouvoir œuvrer dans un jeu entièrement consacré à la simulation de gestion d’une équipe de basket. Loin de moi l’idée d’offenser les NBA2K mais j’ai si souvent joué à Football Manager en m’imaginant devant son égal basketballistique à la place que j’en avais presque nourri un sentiment de culpabilité vis-à-vis du vénérable soft du sport roi de Giuseppe Meazza, du Camp Nou et du Maracana. Ces jours sombres sont enfin derrières moi désormais.

Le seul championnat disponible est la NBA mais je ne vais pas m’en plaindre. Investir la grande ligue était mon ambition avouée. Le jeu me permet de modifier quelques paramètres au regard de la longueur de la saison et des matchs, ce qui est plutôt bienvenu parce que je rechigne un peu à claquer trop de temps pour n’avancer que d’un mois ou deux. Je fixe donc la saison à 56 rencontres (je croiserai chaque équipe à deux occasions, une fois à domicile et une fois à l’extérieur). Il est également possible de modifier la durée d’un quart-temps. Je n’ai pas la moindre idée de la manière dont se passent les matchs mais je n’ai pas vraiment envie d’abandonner deux heures pour chacun d’eux donc je règle la durée à quatre minutes par quart-temps. On verra bien ce que ça donnera. Un petit commentaire me précise que les statistiques seront par la suite rapportées sur 48 minutes. Bonne initiative parce que je refuse de vivre dans un monde où le meilleur scoreur de la NBA atteint péniblement 11 points de moyenne.

Je profite de la création de mon profil de General Manager pour réparer une injustice en ressuscitant KC Asprilla que j’avais arbitrairement supprimé en pleine gloire lors d’une partie « My Player » d’un vieux NBA2K. L’ancien excellent joueur des Sixers trouvera donc une seconde vie vidéo-ludique mais cette fois en costume et dans les coulisses. C’est donc en toute logique (et malice) que je coche la case « ancien joueur NBA » pour caractériser la réputation de mon personnage dans ce monde virtuel de la balle orange.

Après avoir validé ces données pour le moins basiques et peu intéressantes, je dois reconnaître que le jeu m’a par la suite agréablement pris à revers. Il m’est expliqué que je vais subir une courte série de tests pour évaluer quelques unes de mes caractéristiques de dirigeant et je me retrouve rapidement à essayer de trouver les meilleures actions et formulations de phrase parmi une dizaine de propositions face à des situations données afin de démontrer ma, je cite, « Communication/Faculté à inspirer confiance à mes interlocuteurs » (interlocuteurs qui seront, je suppose, les joueurs, les coachs, les autres GMs et ma hiérarchie).

En soi, j’ai du mal à considérer que ce test finalement assez limité puisse sérieusement révéler mon niveau en tant que communicant, mais j’apprécie l’idée de mettre le joueur à l’épreuve pour déterminer ses caractéristiques plutôt que de lui permettre de dispatcher arbitrairement un capital de points de compétence dans les différents secteurs proposés comme si on partait tous avec le même potentiel et qu’on pouvait orienter nos forces et nos faiblesses selon notre bon vouloir.

Il est vrai également que la « faculté à inspirer confiance à ses interlocuteurs » est loin d’être une donnée négligeable dans le cas d’un GM qui doit mettre le coach et les joueurs dans sa poche pour éviter une rébellion face aux décisions prises, convaincre des free agents de signer dans sa franchise plutôt qu’ailleurs ou encore négocier des transactions avec les GMs adverses. Il est plutôt bienvenu d’incorporer (même imparfaitement) ce genre de facteurs dans une simulation de gestion se voulant aussi proche de la réalité que possible.

Or, autant la capacité à prendre des bonnes décisions du GM est directement mise en œuvre et vérifiée dans la partie (c’est même tout l’objet du jeu), autant celles telles que la capacité à convaincre ou à rassurer ne peuvent pas avoir d’applications pratiques dans un jeu vidéo (comment, par exemple, le logiciel pourrait-il intégrer le fait que je me pointe chez Dwight Howard avec les bras chargés de paquets de bonbons et de cookies pour le convaincre de signer chez moi?). Ces éléments doivent être supposés par le jeu pour être pris en considération et j’imagine que la note que j’ai eu au test servira à augmenter ou baisser mes probabilités de convaincre/rassurer mon interlocuteur. Pour info, j’ai eu C+. Enfoiré de jeu.

D’autres évaluations de ce type étalonnent fictivement mon charisme, ma compétence d’observation (un commentaire précisait à ce propos que, à titre d’exemple, le niveau de fatigue affiché auprès de chaque joueur pendant les matchs sera plus ou moins proche de la réalité selon mes résultats à ce test) ; mon adaptabilité aux changements d’environnement (le test n’était pas loin de provoquer une crise d’épilepsie chez moi) ; ma façon d’être générale via un test de personnalité assez classique (il est apparu que je suis réservé, responsable, à l’écoute d’autrui et dévoué. Punaise, j’ai dû perdre deux ou trois points de charisme avec cette connerie) ; mon talent à percevoir les sentiments d’autrui (j’ai dû mettre une émotion sur une série de visages photographiés) ou les mensonges d’autrui (un jeu de vrai-faux assez sophistiqué basé sur des expressions de visage associées à des paroles) ; mon sang-froid (un commentaire indiquait que la capacité à contrôler ou non ses émotions pouvaient avoir une influence sur le comportement des individus m’entourant, joueurs ou autres. Et le test était fun, j’aurai pu passer une bonne demi-heure à m’amuser dessus) ; mon éthique de travail/ma détermination (la consigne du test était « cliquez dans le carré aussi longtemps que possible »… J’ai eu A mais je n’assume pas de vous dire combien de temps j’ai dû cliquer comme un abruti pour l’obtenir), mon professionnalisme (une simple série de questions semblable à un test de personnalité), et enfin ma rigidité/souplesse dans mes relations avec autrui (idem).

Voici donc les caractéristiques de KC Asprilla, 43 ans (les dix ans de plus que je me suis mis sur la grande majorité des joueurs devraient aider à légitimer mes engueulades), américain ayant étudié à l’université de Georgetown (je me demande si le jeu me donne un bonus dans mes relations avec des joueurs ou coachs issus de la même fac):

Personnalité:   Réservé, Responsable, A l’écoute d’autrui et Dévoué.
Communication/Faculté à inspirer confiance à ses interlocuteurs:   C+
Charisme:   D (la ferme)
Perception des sentiments/humeurs d’autrui:   C+
Capacité à déceler les mensonges:   C- (je vais me faire mener en bateau comme un écolier, ça va m’énerver)
Adaptabilité:   C
Sang-froid:   B+ (Iceberg KC, ma gueule)
Ethique de travail/Détermination:   A
Professionnalisme:   B-
Rigidité/Souplesse dans les relations avec autrui:   Orientation Souplesse de 65% (bon ok, je sais déjà que je vais éviter de recruter des cas sociaux)

Je précise que je trouve judicieux l’utilisation des lettres plutôt que des chiffres pour ce genre de notation. Les chiffres sont trop précis pour déterminer des caractéristiques qui ne peuvent en réalité être jugées que de façon subjective et assez générale. L’imprécision qu’implique une notation par lettre me paraît plus représentative de ce qui se passe dans la vraie vie. Un bon point pour toi, Basketball Manager.

Le panneau suivant me demande de choisir l’équipe que je vais diriger. Je savoure un peu le fait d’être vraisemblablement le premier GM de l’histoire à avoir trente franchises à ses pieds lui proposant un poste et choisi les Timberwolves de Minnesota. Depuis le temps que je crisse des dents à les voir prendre le mauvais chemin alors que le bon n’était pas si difficile à reconnaître, je vais voir si je fais mieux à leur place.

Avant de faire ma sélection, le jeu m’a permis de jeter un coup d’œil au roster et à d’autres informations relatives à la franchise telles que la capacité de la salle, la situation salariale de l’effectif ou encore les attentes du propriétaire quant à la saison à venir. Ma curiosité m’avait poussé à cliquer sur Andrew Wiggins et j’ai eu la joie de voir se découvrir sur l’écran la photo souriante du jeune homme entouré d’un canevas de chiffres et schémas propres à attiser mes sens de décideur NBA.

J’ai remarqué avec satisfaction que le niveau du joueur n’était pas résumé par un bête chiffre comme sur NBA2K (ce qui est peut-être pertinent pour ce dernier ne l’est assurément pas pour une simulation de GM à mon sens). D’ailleurs, le profil de Wiggins n’arborait pas non plus une liste de caractéristiques en face desquels pouvait-on lire une note sur vingt comme sur Football Manager. On y trouvait plutôt un tableau des statistiques classiques et avancés de la saison précédente, un schéma faisant apparaître les emplacements des tirs du canadien, son pourcentage de réussite dans les secteurs désignés et la part de ces tirs comparativement à l’ensemble de ses shoots; ainsi qu’un descriptif chiffré du type de tirs qu’il a pris. Les outils idoines pour prendre des décisions. GMs adverses, j’arrive et je suis armé.

Je n’ai pas pu résister à l’idée de faire un tour sur le profil de Adreian Payne (Anthony Bennett aurait été encore là que c’est sur lui que ce serait porté mon regard sadique). Ses stats sont assez catastrophiques et ses tendances pointent d’une manière bien trop éclaboussante pour que j’en ai pas le cœur au bord des lèvres sa propension à prendre principalement des longs tirs à deux points. Bien heureusement, le profil de Karl-Anthony Towns remet mon estomac à l’endroit et fait saliver mes papilles quand bien même les chiffres exposés sont ceux de la NCAA.

Une revue rapide de l’effectif avait précocement instigué chez moi l’idée de transférer quelques uns des trop nombreux intérieurs inscrits. Ma philosophie me pousse à jouer avec une cavalerie assez légère, construite autour d’un véritable pivot plutôt défensif aussi mobile que possible, et d’un power forward flirtant au maximum avec le style de jeu d’un small forward (vif, bon shooteur à longue distance, etc). Il s’agit pour moi de la combinaison intérieure qui a le plus gros potentiel, indépendamment du niveau des joueurs. Mon premier instinct est donc de faire de Towns mon pivot titulaire et de Garnett, son vénérable back-up. Cela signifierait par conséquent au moins le départ de Nikola Pekovic, le monténégrin ne pouvant pas occuper un autre poste, ni contrôler une raquette défensivement.

Sauf que je ne suis pas sûr que mon équipe en ressorte meilleure si j’agis de la sorte. Je sonderai vraisemblablement l’intérêt qu’auraient les autres franchises pour le monténégrin, mais je crains que la cote de celui-ci soit assez basse à cause de son profil peu enviable (pivot qui ne protège pas la cercle, souffre sur pick and roll en défense et dont le talent exprimé avant tout à proximité du cercle n’est pas très spacing-friendly) et d’un récent historique de blessures assez décourageant (le jeu prend-il en compte cet aspect-là dans la cote d’un joueur?).

Je ne suis donc pas sûr de récupérer quelque chose de convenable en échange de la bête des Balkans. Et ça me pose problème parce que Pekovic reste un excellent joueur, capable de me filer 15 points et 10 rebonds tous les soirs avec un pourcentage à faire siffler les badauds sur le bord du terrain. Son scoring intérieur et sa puissance mythologique pèse grandement sur les défenses adverses tandis que sa dureté et son expérience sont de précieuses choses à avoir dans son équipe.

Il faut que je vous dise que je compte essayer d’accrocher les playoffs dès cette année. La matière première en a le talent brut avec Wiggins, Towns, Ricky Rubio et les autres friandises à court, moyen ou long terme que sont Kevin Martin, Shabazz Muhammad, Zach LaVine et peut-être même Nemanja Bjelica. Il ne s’agit donc plus d’accumuler de la valeur mais désormais de développer celle que la franchise a amassé, de la faire fructifier et, éventuellement de procéder aux ajustements nécessaires pour que je puisse au final me retrouver avec une équipe taillée pour se mêler à la lutte pour le trophée O’Brien.

L’équipe actuelle est jeune (du moins certains de ses éléments majeurs) et elle n’arrivera vraisemblablement pas tout de suite à atteindre la post-season mais l’important, c’est d’essayer. L’important aujourd’hui, c’est d’une part d’enclencher la phase de test de viabilité de mon socle actuel (notamment le trio Wigins, Towns et Rubio) et d’autre part de créer une dynamique de recherche de compétitivité (et la culture qui va avec). Les résultats attendus -au moins la finale de conférence dirons-nous- n’arriveront peut-être que dans cinq ou six ans mais ces cinq ou six années d’échec précédentes y seront pour une part non négligeable dans l’atteinte de cet objectif.

Cela dit, je ne sais pas à quel point le jeu tiendra compte des avantages que retire une équipe d’éléments intangibles comme la continuité ou l’expérience collective (qui peuvent se traduire sur le terrain par une exécution plus précise et rapide des mouvements offensifs et défensifs, une meilleure connaissance du comportement de chacun sur le terrain et par conséquent une plus grande capacité d’anticipation, etc…). Mais jouons le jeu comme si j’étais le GM de Minnesota dans la réalité. C’est bien l’objet du soft.

Je me suis intempestivement écarté du fil initial de ma réflexion. Comme je disais, je compte essayer d’accrocher les playoffs et donc je me demande si je n’aurai pas plutôt intérêt à associer Pekovic et Towns plutôt que de m’en tenir de façon trop rigide à ma configuration chérie. La paire que formerait ces deux intérieurs seraient, à première vue, celle qui optimiserait le plus mes ressources quand bien même elle n’est pas parfaite et pas forcément la meilleure idée à long terme. Il est en effet loin d’être évident que Towns suffise à combler les lacunes défensives de Pekovic et offre assez de spacing à l’attaque pour que cette dernière puisse respirer. D’autre part mettre Towns à un autre poste que celui dans lequel on l’imagine être le plus performant n’est pas pour aider son développement et la construction de repère collectif autour de sa personne (automatismes, habitudes de jeu, etc..). Mais Towns et Pekovic sont mes deux meilleurs intérieurs et le n°1 de draft peut normalement jouer 4 sans véritable problème.

Si je trouve, dans mon roster (Bjelica? Payne? Muhammad si je suis audacieux?) ou ailleurs un power forward aussi bon que Pekovic, le Monténégrin risque effectivement de rejoindre le banc ou d’autres horizons mais en attendant, c’est bien lui qui mérite d’être titulaire aux côtés de Towns.

Je ne sais pas pourquoi je me prend la tête maintenant, je n’ai même pas encore réellement commencé la partie. Mon esprit a démarré au quart de tour dès le premier regard porté sur l’effectif, comme un sprinter s’élançant sur la piste alors que ses concurrents n’avaient pas encore quitter leur survêtement….

A suivre.

StillBallin (@StillBallinUnba)

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5 réflexions sur “Basketball Manager: Episode 1

  • Laki06

    Ce jeu existe vraiment? Si oui, où est ce qu'on peut l'acheter?

  • Hipmiles

    Quel bonheur, les bons vieux jeux qui n'ont pas les licenses pour utiliser les noms de joueurs.
    Je revois avec nostalgie l'equipe de France de ISS pro 98 avec Ziderm, Barllez et Therum…

  • Gurtzz

    Pour avoir joué au 2015, il est vraiment pas mal. Certes pas de licences. Mais une quantité impressionnante de championnats (jusqu'a la D4 francaise), de joueurs et pas mal de possibilités. les subtilitées NBA sont plutôt bien prise en compte.

    J'avais pas mal apprécié pour ma part

  • WarriorsBlackKid #P

    Haha toujours aussi fort ce StillBallin, il réussit à donner l'impression que ce jeu existe réellement

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