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Cahier des rookies: A la découverte des rookies surprises

Le petit monde des rookies est un univers à part dans une saison NBA. Toutes les deux semaines, Basket Infos vous propose d’analyser les performances, bonnes ou mauvaises, des débutants dans la grande ligue.

 

 

Boum! D’un contre monumental sur Giannis Antetokounmpo, Pascal Siakam s’est fait connaître avant-hier à un bon nombre de spectateurs NBA sans doute peu familiers de son patronyme. Comme beaucoup de joueurs choisis loin dans la draft, ou même ignorés lors de la grand messe de juin, Siakam est un de ces noms sur lequel le fan « normal » de NBA bute lorsqu’il le découvre dans les boxscores en début de saison. Loin des attentes et de la pression entourant les lottery picks, plusieurs rookies font pourtant un excellent début d’année alors qu’on attendait d’eux peu, si ce n’est pas du tout. On vous propose donc d’en découvrir quatre dans cette édition du cahier des rookies, quatre joueurs pour autant de parcours: qu’ils aient été choisis en fin de premier tour ou en début de deuxième, qu’ils aient passé un an en D-League ou plusieurs années dans d’autres pays, chacun d’eux se font, à l’approche de l’hiver, une petite place au chaud dans le monde cruel de la NBA.

 

Pascal Siakam (Toronto)

Parce qu’il a été propulsé titulaire dans une équipe de haut de tableau, parce que son histoire personnelle est un peu particulière et parce que personne ne l’attendait à ce niveau (27e choix) lors de la dernière draft, Pascal Siakam est sans doute la surprise dont on parle le plus dans cette cuvée de rookies. Né au Cameroun, Siakam aurait pu devenir prêtre s’il n’avait pas croisé la route de Luc Mbah a Moute à un camp de basket alors qu’il était adolescent. Intéressé par le potentiel du gamin, l’ailier des Clippers l’a convaincu de la possibilité d’une carrière professionnelle, conseil suivi par Siakam dès 16 ans, âge auquel il décide de quitter l’Afrique pour tenter sa chance aux Etats-Unis. Après quelques contretemps (une blessure l’a privé de sa première année à la fac, en 2013), il se fait connaître dans l’université de New Mexico State entre 2014 et 2016 en alignant de très belles stats : 20.2 pts, 11.6 rbds, 2.2 cts lors de sa deuxième saison. Passé sous les radars, notamment en raison de sa présence dans une fac modérément prestigieuse, il est choisi par les Raptors à la fin du premier tour dans une ambiance de perplexité générale (jurisprudence Caboclo oblige).

Comme beaucoup de joueurs choisis loin dans la draft, c’est par le biais d’une blessure que le début de carrière de Siakam a basculé : choisi pour être l’ailier-fort titulaire des Raptors, la recrue Jared Sullinger se blesse en pré-saison, Casey ne veut pas bouleverser sa rotation en mettant Patterson dans le 5 majeur, et voilà Siakam propulsé titulaire, une première pour un rookie de Toronto depuis Valanciunas en 2012.

Depuis, Siakam n’a plus bougé. Dans une équipe où Lowry, DeRozan et Valanciunas gèrent en attaque, l’ailier-fort camerounais se concentre sur la défense, avec une grande intelligence. Ses qualités physiques et son envergure impressionnante aident, évidemment, mais Siakam a surtout une compréhension du jeu bien supérieure à celle de beaucoup de rookies, ce qui lui permet de se glisser sans trop de peine dans le collectif bien rodé des Raptors. Siakam n’est pas seulement un bon contreur que l’on plante dans la raquette, il est aussi capable de défendre le pick & roll grâce à une grande agilité de pied. La manière dont il suit Rudy Gay, dans l’action ci-dessous, est très parlante de ce point de vue :

 

Pour les Raptors, c’est là une arme très intéressante, que Sullinger ne leur offre pas. Valanciunas n’étant pas spécialement connu pour sa vitesse, avoir un intérieur capable de cette mobilité en défense (comme l’était Biyombo l’an dernier) est essentiel pour couvrir les limites défensives du pivot lituanien ou de DeMar DeRozan.

Siakam, par ailleurs, n’est pas un manche en attaque. La majorité de ses points vient logiquement près du panier, que ce soit en transition, sur pick & roll ou après un rebond offensif, mais le jeune Camerounais a aussi montré une belle habilité à shooter en tête de raquette, comme ici où il termine sur un floater un pick & roll avec Kyle Lowry :

 

Plus intéressant encore, Siakam est capable de jouer dos au panier et d’attirer les prises à deux, ce qui semble surprendre ses défenseurs, les commentateurs et Valanciunas dans l’action ci-dessous :

 

Enfin, Siakam, même s’il ne joue pas du tout à la façon d’un stretch 4 comme ses coéquipiers Patterson et Sullinger, a une certaine confiance en son jump shot. Voyez comment il arme tranquillement un tir quasiment de la ligne des trois-points :

 

Tout cela reste à polir, mais qu’un jeune intérieur défensif puisse ainsi à la fois finir près du panier et s’écarter en attaque est plus que prometteur, puisqu’un tel profil peut permettre de jouer à la fois le pick & roll et le pick & pop et offre donc plus de variété en attaque. Il sera intéressant de voir la manière dont Casey modifiera sa rotation au retour de Sullinger, mais il n’est pas absurde de penser que Siakam puisse être utile dans un 5 small ball où il joue le rôle de pivot, autorisant son équipe à switcher systématiquement pour profiter au maximum de la mobilité de son jeune intérieur. Quoi qu’il en soit, il est évident que Toronto ne pouvait espérer mieux d’un 27e choix de draft que ce que Pascal Siakam montre depuis le début de la saison ; quant à savoir si ce dernier sera à terme considéré comme LE steal de la draft, c’est une chose qui dépendra de sa progression dans les mois qui viennent. Les Raptors, en tout cas, se sont trouvés une belle raison de sourire de la draft 2016.

 

Malcolm Brogdon (Milwaukee)

Une surprise en est-elle encore une lorsqu’elle a été annoncée ? Malcolm Brogdon faisait partie de ces joueurs qu’un certain nombre de scouts, fans et autres fous de la draft annonçaient comme un des possibles steals de la draft – notamment les fans des Lakers, qui tenaient absolument à ce qu’il atterrisse à LA. Brogdon s’est montré parfaitement à la hauteur de cette réputation depuis le début de saison, puisqu’il joue plus de 20 minutes par match à Milwaukee et est actuellement le rookie le plus adroit à trois-points (45.1 %) et sur la ligne des lancers (92.6 %). Comme Siakam, le destin de Brogdon s’est joué autour d’une blessure, celle de Khris Middleton. Pour remplacer son meilleur shooteur, Jason Kidd a opté pour l’ancienne star de Virginia, auteur de quatre très belles saisons universitaires. Vainqueur de plusieurs récompenses individuelles l’an dernier, Brogdon a été drafté en 37e position par les Bucks en juin, sur la foi de ses qualités d’artilleurs (41.1 % de loin lors de sa dernière saison à la fac) et de ses aptitudes défensives. L’idée était vraisemblablement de le développer comme un 3 & D de complément, sachant qu’à 24 ans sa marge de progression était limitée et que les observateurs s’inquiétaient de son manque de vitesse et de ses qualités physiques moyennes.

Que Brogdon s’impose chez les Bucks à une telle vitesse n’était pas prévu. Sa maturité impressionne ses coéquipiers et son coach, qui n’en est pas revenu lorsque Brogdon lui a demandé de défendre sur Kahwi Leonard. Le rookie est un défenseur féroce, plus physique qu’il n’y paraît, parfaitement compatible avec le « tall ball » proné par Jason Kidd: avec Brogdon sur le terrain, les Bucks peuvent switcher à tout va en sachant que leur rookie est suffisamment intelligent en défense pour savoir où se placer.

En attaque, Brogdon manque cruellement de puissance près du cercle, où il ne score qu’à 42 % de réussite, un score très faible (la moyenne NBA est de 55 % dans cette zone). Comme on le voit sur sa shotchart, sa zone de prédilection est derrière l’arc:

Le fait que Brogdon soit plus adroit au sommet de l’arc que dans les corners est très intéressant, car cela suggère qu’il n’est pas seulement destiné à attendre que la balle lui arrive dans un coin; il est au contraire tout à fait utile sur pick & roll ou pick & pop, ou en sortie d’écran à la JJ Redick. Par ailleurs, Brogdon a de réelles capacités de playmaking, qui permettent à Kidd de l’utiliser comme deuxième meneur aux côtés d’Antetokounmpo, avec qui il est aligné le plus souvent.

Malcolm Brogdon n’a sûrement pas une marge de progression immense, mais ses débuts NBA n’en restent pas moins particulièrement impressionnants. Comparé aux arrières choisis avant lui en juin dernier (Buddy Hield, Denzel Valentine, Malik Beasley, Malachi Richardson, Caris LeVert), Brogdon est de loin le rookie le plus efficace – seul Jamal Murray entre dans la discussion, quoiqu’il défende beaucoup moins bien et soit moins adroit. Peu importent, pour l’instant, ses limitations: le mélange de défense, shoot extérieur et playmaking qu’il apporte chaque nuit suffit à en faire un joueur utile dans n’importe quelle rotation NBA.

 

Andrew Harrison (Memphis)

Ok, ses stats d’adresse sont abominables (28.5 % d’adresse générale, 23.3 % à trois points). Mais Andrew Harrison, qui a la très lourde tâche de remplacer Mike Conley dans le 5 des Grizzlies, n’en gère pas moins la situation avec une belle maturité. Il est clair que personne ne s’attendait à ce que Harrison, après plus de 20 matchs, soit premier des rookies en termes de temps de jeu (27.8 minutes par match), passes décisives et interceptions ! Une telle performance a beau être d’abord rendue possible par la faiblesse des autres rookies, elle indique bien la confiance que David Fitzdale accorde à son rookie, dans une équipe de Memphis peu réputée pour donner sa chance aux jeunes joueurs.

D’autant que Harrison revient de loin. Considéré comme un des dix meilleurs lycéens du pays lorsqu’il est recruté par Kentucky en 2013, Harrison est attendu dans la lottery de la draft 2014, aux côtés des Wiggins, Randle et autres Parker. Sauf que rien ne se passe comme prévu : Andrew et son frère Aaron déçoivent, rempilent pour une saison où ils ne s’imposent pas davantage comme les leaders d’un groupe remplis à ras-bord de futurs joueurs NBA, et s’inscrivent à la draft 2015 avec un pedigree bien moins brillant qu’attendu. Choisi en 44e position par Phoenix, puis échangé dans la foulée à Memphis où on l’envoie faire ses classes en D-League, Andrew ne découvre même pas la NBA en 2015-2016. Peu convaincant dans la ligue secondaire, il devient même la cible des fans lorsqu’ils apprennent en début de saison qu’il a été conservé dans le roster alors que Jordan Adams a été coupé. Qu’il joue aujourd’hui près de 30 minutes dans une équipe de haut de tableau a quelque chose du miracle.

Harrison n’a rien d’une star, comme le montrent ses pourcentages plus que douteux. Mais il apporte chaque soir de l’énergie et de la défense, à l’image de ce superbe contre en transition sur Chris Paul :

 

Sans être un passeur de génie, il est également suffisamment intelligent pour lâcher la balle quand il le faut, plutôt que d’ajouter une ligne à sa liste de shoots manqués. Cet altruisme est nouveau chez Harrison, qui a toujours eu tendance à chercher l’isolation dans son jeu. Il est désormais l’un des garants de la bonne circulation du ballon à Memphis :

 

En concurrence avec un autre rookie bien plus attendu, Wade Baldwin, Harrison a pour l’instant pris le dessus, en jouant la carte de la sobriété et en acceptant la fonction de role player. Jusqu’à maintenant, ça marche plutôt bien.

 

Rodney McGruder (Miami)

Derrière Harrison et Brandon Ingram, McGruder est le troisième rookie le plus utilisé cette saison, par la grâce d’un effectif du Heat qui ne ressemble absolument plus à rien. « Faux rookie » (il a 25 ans), McGruder a particulièrement galéré pour s’imposer en NBA. Ancien coéquipier de Michael Beasley au lycée, il a suivi un cursus complet à Kansas State entre 2009 et 2013, réalisant une carrière universitaire très honorable qui lui a permis d’être sur les tablettes des scouts NBA. Malheureusement pour lui, personne n’appelle son nom lors de la draft 2013, et voilà ce bon McGruder lancé dans le périlleux parcours des joueurs non-draftés : testé en Summer League et en présaison par des équipes NBA, il n’est pas conservé et rejoint la Hongrie pour un an, avant de retenter sa chance en NBA lors de l’été 2014, sans plus de réussite. S’ensuivent deux années en D-League, où il décroche le titre de champion en printemps dernier et, enfin, un contrat avec un Heat à court de meneurs.

C’est sans doute un cliché, mais McGruder semble avoir tiré de ce parcours du combattant une réelle force mentale, au point de jouer un vrai rôle dans une équipe de Miami qui découvre les affres des bas-fonds du classement. Pas dupe, Spoelstra le préfère d’ailleurs aux trous noirs que sont Wayne Ellington ou Derrick Williams lorsqu’il s’agit de défendre sur… les ailiers adverses. C’est ainsi qu’en l’absence de Justise Winslow, McGruder, 100 kilos tout mouillés, s’est retrouvé à défendre sur Carmelo Anthony, avec un résultat plutôt honorable.

Contrairement à Andrew Harrison, McGruder sait shooter, sans que ses statistiques soient non plus ébouriffantes (40 % d’adresse, 32 % derrière l’arc). Ne comptez pas trop sur lui, en revanche, pour mener le jeu. La plupart du temps, Spoelstra utilise son rookie au poste 2 (McGruder fait 1,93 m) aux côtés de Tyler Jonhson ou Goran Dragic, sans lesquels McGruder n’a joué que 10 % des 600 minutes qui lui ont été accordées depuis le début de la saison. Bon rebondeur offensif pour sa taille, l’arrière du Heat est capable de s’imposer dans le trafic pour finir près du cercle :

 

Pour le reste, son rôle offensif consiste principalement à attendre la balle dans le corner, notamment en transition :

 

Bref, Rodney McGruder s’impose comme un 3&D correct, sans grand génie mais utile dans une rotation NBA. Qu’il joue plus de trente minutes par match certains soirs en dit plus sur la faiblesse du Heat que sur ses propres qualités, mais après trois ans à rêver d’un tel destin, on imagine que McGruder s’en satisfait aisément.

 

Rookie Watch

  • Les temps sont durs pour les Lakers, et Brandon Ingram n’échappe pas à la morosité ambiante. Depuis son meilleur match de la saison à Toronto il y a deux semaines (17 pts, 5 rbds), le n°2 de la draft n’a réussi que 14 de ses 47 shoots. Ingram prend beaucoup de tirs mi-distance, où il n’est pas diaboliquement efficace, mais souffre surtout dans le défi physique lorsqu’il s’agit de finir près du cercle. Ce n’est pas une surprise, vu son corps d’allumette, mais tourner à 42 % dans cette zone est un handicap trop important pour qu’Ingram soit, pour le moment, efficace offensivement.
  • La situation des Sixers devient de plus en plus intrigante: avec le retour de Nerlens Noel, Dario Saric pourrait perdre des minutes, comme on l’a vu ce week-end contre Detroit, alors même qu’il sortait d’une série de quatre matchs de très grande qualité (17 pts, 7.8 rbds à 51 % et 47 % à 3-pts). Lorsque Ben Simmons sera à son tour sur le terrain, le casse-tête deviendra particulièrement ardu? On a du mal à imaginer que la situation puisse rester ainsi bien longtemps.
  • Au coeur de la déprimante saison des Mavericks, il y a au moins une personne qui peut se réjouir: Jonathan Gibson, rookie de 29 ans passé par la Turquie, l’Italie et la Chine, profite des blessures pour avoir un temps de jeu très honorable sous les ordres de Rick Carlisle. On est à peu près certain que ça ne durera pas, alors autant qu’il en profite.
  • Il y a du mieux pour Buddy Hield depuis une semaine, puisqu’il a récupéré une place de titulaire aux Pelicans au gré des blessures. Mais la transition vers la NBA est décidément très, très compliquée pour l’ancienne star universitaire…
  • N°3 de draft dont personne ne parle, Jaylen Brown a eu une grosse éclipse avec le retour de Jae Crowder, mais revoit le jour depuis 5 matchs. On le savait puissant et capable (physiquement, en tout cas) de finir près du cercle, on le découvre également shooteur: sur les quatre derniers matchs, il tourne à 4/7 à trois-points.
  • Et Dragan Bender, dans tout ça? Et bien il ne joue toujours (presque) pas, merci pour lui. Dans la catégorie des top 20 cirant le banc, on peut le placer à côté de Thon Maker, DeAndre Bembry et, bien sûr, l’ineffable Papagiannis.
  • Nate McMillan ayant sainement décidé qu’il valait mieux arrêter là l’expérience Georges Niang, l’ailier des Pacers reste le roi de notre palmarès des rookies shootant le plus mal, avec ses 14.8 % de réussite. A notre grand désespoir, son dauphin n’est autre que Denzel Valentine (27.1 %), en grande difficulté avec les Bulls.

Si vous avez manqué les précédents épisodes du cahier des rookies, on a parlé ici de Jamal Murray et Buddy Hield, et ici de Kris Dunn.

 

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