La touche Lucas

Un poil de sourcil dans la pizza

Layne Murdoch/NBAE via Getty Images

Vous êtes sans doute déjà passé devant une pizzeria qui propose une de ces offres «Une pizza achetée, une pizza offerte ». Vous avez peut-être même craqué, et profité de cette offre pour vous offrir deux pizzas alors que vous étiez seul à manger. Vous avez commencé à en manger une, puis vous vous êtes rapidement rendu compte que vous n’auriez jamais assez d’appétit pour manger les deux. Vous avez alors décidé de goûter la deuxième avant qu’elle ne soit froide. Au final, vous n’avez fini aucune des deux et les avez mises au frigo pour le lendemain. Pire, le fait que la quatre fromages soit plus salée vous a gâché le goût de la deuxième pizza. Et bien c’est un peu l’histoire d’Anthony Davis.

Lorsque les Hornets ont obtenu le premier pick de la draft 2012, il était évident qu’ils allaient choisir Anthony Davis. Le freshman de Kentucky était le plus gros potentiel de cette cuvée, sans compter le fait qu’il était déjà un des plus aptes à jouer en NBA. Une poussée de croissance tardive a transformé un meneur assez banal en intérieur ultra-mobile à l’envergure classée X qui a régné en maître sur la NCAA jusqu’à la fin de la saison, cumulant des moyennes de 14 points à 62%, 10 rebonds et 5 contres.

La suite on la connaît, Davis est drafté par les Hornets, part aux Jeux Olympiques avec Team USA, les gagne, et on peut s’attendre à ce que le prodige sourcilièrement incertain fasse une saison retentissante pour son premier exercice en NBA. Mais pendant ce temps, les Hornets ont opéré une manœuvre moins médiatique et pourtant tout aussi importante : le recrutement de Ryan Anderson.

Dans la tête de New Orleans, le projet est clair. Davis aura du temps de jeu en pivot, comme à Kentucky, et Anderson du temps de jeu en ailier-fort, comme à Orlando. Pourtant, on peut dès lors émettre des doutes quant à cette association : Davis peut dominer en pivot en NCAA car ses adversaires ne peuvent  pas profiter de son frêle physique comme pourrait le faire un pivot adulte, mais qu’en sera-t-il en NBA ? On peut comparer à juste titre sa corpulence à celle de Kevin Garnett, qui joue pivot à Boston, mais Garnett a fait la majorité de sa carrière au poste 4, et l’a même commencée au poste 3.

Anderson, pour sa part, a pu bénéficier d’un point de fixation intérieur nommé Dwight Howard, qui lui a permis de briller derrière l’arc où son shoot soyeux fait merveille. Puis après la blessure du désormais Laker, Anderson s’est écroulé en Playoffs où il a tourné à un piteux 9,6 points à 34% aux shoots, loin des standards qui lui avaient valu son titre de Most Improved Player. On s’est alors demandé s’il pourrait s’exprimer sans un pivot dominant à ses côtés, ce que ne serait vraisemblablement pas Anthony Davis lors de sa première année.

Finalement, les Hornets ont ajouté Robin Lopez à leur roster et ont décidé de commencer avec Davis et Lopez, Anderson sortant du banc. L’ensemble a plutôt bien fonctionné, mené par les mains expertes de Greivis Vasquez, d’autant que les deux powers présentent des profils complètement opposés. En revanche, cela ne correspond absolument pas à ce sur quoi les Hornets avaient tablé, puisqu’Anderson et Davis ne sont que très rarement associés, et que finalement seul Anderson semble profiter de cette rotation.

L’ancien shooteur du Magic tourne à 16,5 points de moyenne et est le joueur le plus prolifique à trois points de la ligue derrière Stephen Curry. Surtout, quand il est sur le terrain, il devient la première option offensive que Vasquez va tenter de trouver, et ce même quand Eric Gordon est présent sur le parquet, ce qui explique en partie le faible rendement au scoring de l’impassible arrière des Hornets. Lorsque les matches sont serrés et que l’équipe doit remonter ou tenir le score, Davis ne met plus les pieds sur le terrain car le coach souhaite s’appuyer avant tout sur Anderson.

Pourtant, si l’on regarde les statistiques de Davis, il n’a jamais déçu. A chaque fois qu’il a joué 32 minutes ou plus, il a soit marqué au moins dix points, soit pris au moins dix rebonds, soit les deux. On peut donc légitimement se demander s’il n’y a pas une certaine forme de gâchis à utiliser avec tant de parcimonie celui qui est censé être le visage de la franchise –ce qui au passage est davantage une prise de risque au niveau esthétique que basketballistique.

D’un côté, il est certain que vu la saison plus que satisfaisante dont est l’auteur Anderson, il n’y a aucune raison pour réduire le temps de jeu ou l’importance du shooteur. De l’autre, si les Hornets veulent réellement bâtir autour de Davis, il est nécessaire de lui offrir un temps de jeu proportionnel aux espoirs placés en lui. On ne parle pas ici d’en faire le joueur le moins reposé de la ligue comme Lillard, mais simplement de lui permettre de s’exprimer au niveau qui est le sien grâce à un temps de jeu régulier. Trop souvent cette saison on a pu voir le numéro un de la draft scotché sur le banc plus de la moitié du match.

Puisqu’il est acquis que les Hornets ne joueront pas les Playoffs, on sent que Monty Williams est de moins en moins réticent à faire jouer son poulain, comme en témoigne ses 31 minutes de moyenne sur les 10 derniers matches. Davis n’a pas déçu puisqu’il tourne à 16 points, 11 rebonds et 2 contres sur cette période. Des moyennes qu’il aurait sans doute pu afficher sur la saison entière, même si on doit reconnaître au coach des Hornets que le fait de préserver son ailier-fort est potentiellement responsable de son rendement actuel.

Le problème, c’est que sur la même période, Anderson a lui vu son efficacité chuter. Il est confronté d’une part à un temps de jeu réduit face à la montée en puissance de Davis, et d’autre part au fait que son association avec ce dernier ne lui profite absolument pas. Lorsque les deux joueurs partagent le parquet, leur jeu sans ballon les pousse tous deux à réclamer la balle hors de la raquette, ce qui permet à Davis d’avoir le champ libre pour faire le taf à l’intérieur ou à perdre son défenseur pour appeler la balle directement au cercle. Pour Anderson, cela signifie surtout que son défenseur n’est pas contraint de venir systématiquement aider à l’intérieur. Il est alors obligé de réduire son volume de shoots ou de prendre des tirs contestés, ce qui est loin d’être sa grande force malgré un stepback intéressant.

Les Hornets se retrouvent donc face au dilemme qu’on pouvait annoncer en début de saison : il va falloir trancher entre Davis et Anderson. Monty Williams a réussi à trouver des rotations qui profitent à l’un ou à l’autre, mais pas aux deux en même temps, et cela semble impossible. Ce qui renvoie à nouveau aux interrogations de début de saison : comment les Hornets ont-ils pu supposer que l’association Davis-Anderson était viable, au point de vouloir construire autour d’un numéro un de draft pour lui mettre dans les pattes un ailier-fort à 8.5 millions la saison ?

L’association des deux est clairement vouée à l’échec, mais la perspective d’avoir Anderson à ce prix-là a poussé le Front Office de New Orleans à le recruter tout en sachant qu’ils avaient également en leurs rangs un All-Star en puissance sur le même poste. La perspective était trop tentante pour passer dessus, mais il est malheureusement impossible que les deux puissent jouer ensemble. Comme il est impossible de manger deux pizzas tout seul, quand bien même la seconde était offerte

Lucas – True NBA

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6 réflexions sur “Un poil de sourcil dans la pizza

  • Underkanter

    Ah, excellent article, mais je suis très bien capable de manger deux pizzas tout seul ! :p

  • Basket Infos

    Merci pour l'auteur!

  • Joachim

    Superbe article !!!

  • yoman

    impossible de manger deux pizzas tout seul ? You underestimate my power !

    (bel article bravo ;D )

  • KG5

    j'aimerais bien savoir ou garnett a commencé en poste 3 ? je le suit depuis ses débuts et il n'a jamais joué 3 …

  • Basket Infos

    à ses débuts il jouait ailier (3). Les deux premières saisons il me semble. Ensuite il a été décalé en 4. Notamment parce qu'il y avait Tom Gugliotta qui était le titulaire en 4.

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