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Réhabiliter le cocu, ou la suppression intelligente du tanking

Ces derniers temps, Conférence Ouest oblige, il ne se passe pas une soirée sans que j’aille me coucher avant d’avoir méthodiquement étudié le classement pendant une dizaine de minutes, puis épluché encore et encore des calendriers d’équipes que je connais déjà par coeur. Dallas, Phoenix, Memphis, quoiqu’il se passe une de ces trois équipes restera sur le carreau. Peut-être même bien malgré une saison à 50 victoires.

Et rester sur le carreau, ça veut dire se retrouver à la place du cocu, à la place du con, appellez-la comme vous voudrez. La place de celui qui ne fait pas les Playoffs de justesse, et qui attaquera la lottery deux mois plus tard avec la certitude de recevoir le quatorzième pick. Cette place, c’est la place où on perd tout, et où on ne gagne rien. C’est la plus mauvaise place à laquelle une équipe puisse être classée, de la même manière que la plus mauvaise place dans une épreuve olympique est toujours la quatrième.

Un de ces matins, alors que j’allais regagner mon lit, fuyant les lueurs de l’aube et le bruit des premiers tramways, m’inquiétant pour l’avenir de mon équipe si d’aventure elle se retrouvait à cette place du cocu, je me suis demandé si la NBA ne pouvait pas faire en sorte que le système puisse récompenser la lutte de l’équipe qui échoue de peu plutôt que de l’accabler tel que c’est le cas actuellement. Et le fait est qu’en plus de réparer cette injustice, une légère modification du schéma actuel de la lottery permettrait également d’éradiquer le tanking, qui s’il n’est pas un problème à mes yeux, l’est à ceux du commish et de bon nombre d’observateurs. Jugez plutôt.

Le système de lottery actuel est fait de tel sorte que plus le bilan d’une équipe est mauvais, plus elle va obtenir de chances de récupérer le premier choix. En sus, une équipe ne peut pas se voir octroyer un choix éloigné de plus de trois rangs de son bilan. Par exemple, le deuxième pire bilan ne peut pas recevoir un choix au-delà de la cinquième place, le troisième au-delà de la sixième place, et ainsi de suite. Encore une fois, la meilleure équipe à ne pas faire les Playoffs est lésée puisqu’en plus d’avoir moins de 2% de chances d’obtenir un choix du top 3, les choix situés entre la troisième et la quatorzième place ne peuvent lui revenir.

(Cliquez sur le tableau pour l’agrandir)

En plus d’encourager les équipes à saboter leur saison pour augmenter leurs chances d’obtenir un haut choix de draft, le système actuel condamne la meilleure équipe non-qualifiée pour les Playoffs au quatorzième choix, soit un renfort minime pour son effectif là où les cancres de la ligue pourront passer de zéro à héros en l’espace d’un été. L’équipe classée neuvième de sa Conférence naviguera elle dans les mêmes eaux la saison suivante, jusqu’à ce que frustrée par des années sans la saveur des Playoffs ou l’engouement provoqué par l’arrivée d’un rookie prometteur, elle décide de tout faire péter pour repartir de zéro, comme l’ont fait par exemple les Sixers ou les Bucks.

L’idée serait donc de permettre aux équipes qui ont tout donné mais échoué à la photo finish de ne pas se retrouver dans la pire position possible à la fin de la saison. Plutôt que de donner les meilleures chances de recevoir un pick élevé aux équipes les plus mauvaises, donnons-les aux équipes les plus méritantes. Ainsi, les équipes classées neuvièmes à l’Ouest et à l’Est recevraient 250 et 199 boules de lottery en lieu et place des deux équipes au bilan le plus faible, le cocu ayant le meilleur bilan des deux en recevant davantage.

Mais, me direz-vous, le but de la draft n’est-il-pas de permettre aux petites équipes et aux petits marchés de se relancer sans avoir à recruter un free agent de renom qui de toute façon ne voudra pas mettre les pieds dans une équipe peu compétitive ou peu attractive d’un commercialement? C’est effectivement le cas, et c’est pourquoi à l’exception du cocu de chaque Conférence, l’ordre des équpes pour la lottery resterait inchangé. Ainsi, le pire bilan conserverait plus de 15% de chances d’obtenir le premier choix et aurait un top 6 garanti.

De cette manière, les équipes qui auraient manqué les Playoffs d’un rien ne seraient pas lésées par cet échec, et auraient la possibilité de recevoir un renfort de poids pour leur permettre de franchir un pallier pour la saison suivante. Les équipes qui hésitent à balancer leur saison se remobiliseraient pour jouer les Playoffs, et au pire la neuvième place. Et les équipes franchement nulles pourront de toute façon se consoler en fin d’année avec un choix de draft haut placé.

Je fais une parenthèse pour rappeller que la définition originale du tanking est de ne plus faire jouer ses meilleurs éléments une fois son équipe éliminée de la course aux Playoffs. C’est ce qu’a fait Portland en 2012 par exemple, laissant Aldridge en costard pour la fin de la saison, perdant ainsi neuf de ses dix derniers matches et héritant du sixième choix, qui deviendra Damian Lillard. C’est ce que fait actuellement Minnesota en n’alignant plus Love ni Martin pour ne pas remonter au classement alors qu’ils sont déjà éliminés.

Avec la refonte du système que je propose, aucune équipe n’aurait d’intérêt à balancer sa fin de saison puisqu’outre les Playoffs, la place de neuvième de Conférence aurait également un enjeu. Il y aurait même davantage d’intérêt à mobiliser son équipe pour lutter jusqu’au bout plutôt que de la laisser s’enfoncer dans les profondeurs du classement. Néanmoins, une telle modification ferait naître d’autres problèmes.

Faire les Playoffs en étant huitième, c’est bien, mais pour un GM, rater les Playoffs et recevoir un haut choix de draft, c’est mieux. Si une équipe est à la lutte pour la huitième place, risquerait-elle de se voir intimer l’ordre par sa direction de lever le pied pour assurer une neuvième place synonyme de top 4? La question mérite d’être posée, mais l’inquiétude soulevée est minime.

Un dirigeant qui préfèrerait, à une semaine des Playoffs, saboter le travail accompli par ses joueurs pour s’assurer le renfort d’un top prospect s’attirerait les foudres du public en plus que celles de son équipe, de quoi être mis sur un siège éjectable rapidement. De plus, chaque joueur NBA rêve de faire les Playoffs, alors qu’un haut choix de draft signifie seulement une concurrence accrue et donc moins de temps de jeu ou un contrat moindre. Deux raisons qui motiveraient encore davantage les joueurs à se donner à fond jusqu’à la fin.

De cette manière, on peut quasiment exclure la possibilité qu’un GM pousse son équipe à tanker la fin de la saison pour obtenir un bon pick. En revanche, l’autre souci est que les équipes intermédiaires, ni vraiment larguées au classement et ni en compétition pour le huitième strapontin, deviennent les cocus du précédent système, puisque ce sont elles qui obtiendraient les derniers choix de la lottery.

Néanmoins, le problème de ces équipes (on peut citer Denver ou New Orleans cette année) n’est pas qu’elles ont besoin d’un gros prospect pour devenir un outsider : elles ont besoin d’ajustements pour être capable de se mêler à la lutte pour les Playoffs. Par exemple, le simple ajout d’un bon perimeter shooter pour les Pelicans serait suffisant pour qu’ils puissent légitimement viser la 8e place à l’Ouest, un type de joueur qu’on peut obtenir via un choix de draft en fin de lottery.

Si cet ajout ne suffira pas à faire d’eux une équipe qui vise la Finale de Conférence, au moins cela leur permettra-t-il soit de faire les Playoffs et emmagasiner de l’expérience, soit d’échouer à la neuvième place et d’obtenir un haut choix de draft qui les fera passer au niveau supérieur. Un tel système permet à une équipe de travailler sereinement sur la durée, et ne force pas à tout casser pour mieux reconstruire derrière.

Mieux encore, puisque ce système permet aux équipes borderline de devenir de vrais outsiders, aux équipes moyennes de viser les Playoffs et aux équipes nulles de se renforcer à moindre coût, il permet un réel roulement au niveau des équipes, pusiqu’il devient quasi-impossible de rester englué dans les bas-fonds du classement ou dans son ventre mou. Chaque équipe, avec une gestion pas trop débile, peut viser en l’espace de deux ou trois ans une demi-finale de Conférence.

En plus de récompenser les équipes méritantes et d’équilibrer la balance du pouvoir en NBA, un tel système permet aux meilleurs prospects de pouvoir se retrouver dans des équipes compétitives. Personne ne rechignerait à aller à la draft puisqu’il y aurait une chance non négligeable de rejoindre une équipe avec des objectifs élevés d’entrée.

Et quitte à modifier le système, autant en profiter pour rééquilibrer les chances en fin de lottery : plutôt que de condamner une équipe au 14e choix, on pourrait plutôt offrir des chances similaires aux trois équipes disposant de moins de boules dans la lottery d’obtenir le 12e, 13e ou 14e choix. Le tableau de la lottery tel que présenté plus haut serait donc le suivant :

(Cliquez sur le tableau pour l’agrandir)

Le système tel que je le propose récompense les équipes qui luttent jusqu’au bout, encourageant par là-même chaque franchise à lutter pour les Playoffs plutôt qu’à passer une saison blanche. Il stimule la compétitivité, et permet d’avoir des matches à enjeu tout au long de la saison, donc un meilleur spectacle pour les fans et de meilleures recettes de billeterie pour la ligue. Il n’enlève pas non plus aux pires équipes l’opportunité de se relancer via la draft. Il conserve les avantages du système actuel mais gomme ses inconvénients. C’est un nivellement par le haut là ou le système actuel de lottery encourage la médiocrité.

Pour être honnête, le fait que certaines équipes lâchent délibérément leurs saisons pour obtenir un bon choix de draft ne m’a jamais vraiment gêné. Si elles sont prêtes à gâcher une année, tant pis pour elles. En revanche, voir des équipes éliminées lors de leurs tous derniers matches et n’ayant plus que leurs yeux pour pleurer m’a toujours semblé écoeurant, puisqu’en plus de les empêcher de progresser, cela les fait bien souvent régresser et les pousse à tout casser. Combien de beaux projets ont échoué, combien d’années de travail ont été ruinées à cause d’une malheureuse neuvième place? Il est temps de changer ça. Il est temps de consoler le cocu, pour que les années de Playoffs soient comme les femmes. Une de perdue, dix de retrouvées.

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6 réflexions sur “Réhabiliter le cocu, ou la suppression intelligente du tanking

  • JoachimCelts

    L'idée est en effet parfaite, tout comme l'article !!! Moi je dis, l'année prochaine, dégageons Adam Silver et mettons Lucas à la tête de la NBA !!! :)

  • Theloger

    J'ai bien aimé la référence au tramway brestois :D

  • DatSwaggy

    Super article !! Ce serai parfait !

  • FansRising

    Agreed!! A group of NBA fans are pushing to change the lottery draft. We need all the help we can get! Sign and share the petition – http://www.nbarrassing.com

  • Sim2mars

    Qu'est-ce que tu attends pour leur envoyer ?!!! :p Très bon article !

  • Rondo86

    Excellent, je n'ai jamais pensé à cette idée mais vraiment, c'est le système le plus juste à appliquer.

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