Manu Ginobili : « J’étais une expérience de la science »
Après avoir perdu la finale pour la médaille de bronze aux JO de Londres en 2012, l’émotion était forte pour les Argentins de Luis Scola et Manu Ginobili qui pensaient alors faire leurs adieux aux jeux olympiques sur cette triste performance. Pourtant, aujourd’hui, cette génération dorée (médaille d’or aux JO 2004, médaille de Bronze aux JO 2008) tente une nouvelle fois de réaliser un coup à Rio.
L’aventure avait commencé en 2002 au championnat du monde d’Indianapolis où à la grande surprise de tous, Ginobili et ses coéquipiers argentins avaient décroché la médaille d’argent, après avoir échoué contre la Yougoslavie en finale. El Manu avait ensuite profité de cet excellent tremplin pour faire ses débuts avec les Spurs.
J’avais dit à Tim Duncan : ‘ce gars-là arrive et personne ne sait aux Etats-Unis à quel point il est bon’. Et Timmy m’a regardé avec son haussement de sourcils si particulier. » Gregg Popovich à ESPN
Dans un article passionnant trouvé sur ESPN, on apprend que dès qu’il avait cinq ans, son coach lui faisait faire des exercices assez particuliers : dribbler avec des gants et avec des lunettes spéciales pour qu’il ne voit ni ses mains, ni le ballon. Aujourd’hui, quand on voit l’aisance qu’à l’Argentin avec la gonfle, on ne peut que remarquer que cette stratégie a fonctionné.
J’avais quatre ans et je dribblais autour de la cuisine en portant tous ces trucs. J’étais une expérience de la science. » Manu Ginobili
Comme tous les membres de la génération en or argentine, l’arrière a grandi, nouant avec ses coéquipiers de sélection des liens très forts. Avant le championnat du monde 2002 par exemple, les Sud-Américains disputaient un match de préparation à Mexico City. En raison des billets low-cost que la fédération avait payé et des retards accumulés lors des correspondances, le vol de retour pris plus de 32 heures. Quand le bus se préparait à arriver à l’hôtel, le temps exact de retour était alors de 32h40. Tous dans la bonne humeur, ont alors demandé au chauffeur de tourner dans les rues de Buenos Aires afin que ce trajet prenne pile 33 heures. Un anecdote qui crée des liens !
Toute l’équipe rigolait, mais surtout Manu. Je me demandais ce qui n’allait pas chez ce gars. C’est notre meilleur joueur, il aurait dû exiger un traitement royal ! Mais c’est comme ça que fonctionnait notre équipe. » Pepe Sanchez
Manu Ginobili s’est ensuite vite fait un nom en NBA, d’abord à l’entraînement, se coltinant les vétérans Steve Smith et Bruce Bowen, puis en compétition face à Kobe Bryant, qui avait demandé à Bowen de lui en dire un peu plus à propos de ce « white guy ».
Durant la suite de sa carrière NBA, Ginobili a aussi épaté par sa rage de perdre, s’enfermant parfois plusieurs jours dans sa maison sans donner de nouvelles après une défaite en playoffs, inquiétant staff et coéquipiers. Mais c’est bien cette hargne qui a mené le joueur là où il est aujourd’hui. Cependant, sa relation avec Gregg Popovich n’a pas toujours été au beau fixe, son entêtement lui jouant parfois des tours.
Durant sa saison rookie, Ginobili jouait un jeu dangereux. Popovich ne tolérait pas ces actions où il prenait le rebond, filait à toutes vitesse, dribblait entre les jambes de son défenseur et balançait une bombe à 3-points en début de possession, pour ensuite se jeter sur les interceptions en défense. Les assistants, Mike Budenholzer le premier, le prenaient alors aux entraînements, lui ordonnant de rester dans le corner pour prendre un shoot lorsque Duncan lui ressortirait le ballon.
J’étais si frustré cette première année à attendre dans le corner. Je voulais la balle, prendre des décisions, créer. J’avais 25 ans et je voulais régner sur le monde. Je pensais tout savoir. » Manu Ginobili
Mais Manu Ginobili était un rebelle. Popovich se rappelle d’un moment où sous les railleries des vétérans qu’étaient Steve Kerr, Danny Ferry et Kevin Willis, il avait montré une séquence vidéo où l’arrière prenait beaucoup trop de risques sur une passe et envoyait le ballon directement dehors en lui ordonnant de ne plus jamais faire ça. Le match suivant, l’Argentin se retrouvait dans la même situation, fit une feinte de passe similaire, s’arrêta et sourit à Pop devant le regard de ses coéquipiers ahuris C’est un homme têtu, et ça ne s’arrêtait pas là, car quoi qu’en disent les coachs, Manu Ginobili jouait son jeu et Popovich dût vite se rendre compte qu’il fallait le laisser faire.
Au final j’ai réalisé qu’il y avait plus de positif que de négatif. C’est un winner incroyable. J’en ai conclu qu’il valait mieux suivre sa façon de faire que la mienne. » Gregg Popovich
Il se donnait juste la permission de jouer comme il le voulait. Il nous a soumis à lui tout seul. Pop s’arrachait les cheveux, mais nous avons tous vu Manu dominer n’importe qui. » Tim Duncan
Il ne lui aura donc fallu qu’un an avant que sa réputation soit ancrée. Devenu la star incontestable de la sélection argentine après la médaille d’or à Athènes, El Manu avait gagné sa place de titulaire aux Spurs, faisant souffrir des défenseurs NBA tels que Raja Bell, pourtant réputé dans ce secteur.
Quand on me demande le joueur le plus difficile à défendre, je dis souvent Kobe, mais la vérité c’est que ça a sûrement été Manu. Il mettait la quatrième vitesse, puis passait soudainement à la seconde, donc vous courriez sur lui et il rentrait un floater de dingue. J’ai passé une vie à étudier le jeu offensif des autres, mais je n’ai jamais réussi à trouver les ficelles de celui de Manu. » Raja Bell
Malgré son caractère, l’arrière a même facilement accepté de se transformer en sixième homme en 2007. Popovich était même plutôt mal à l’aise car si l’Argentin avait refusé cet ajustement, il lui aurait laissé sa place de titulaire. Mais au grand étonnement de son coach, mais aussi de Tim Duncan, Manu Ginobili adorait ce nouveau rôle. Il jouait quasiment autant, mais était très souvent l’option offensive numéro 1 lorsqu’il était sur le parquet. Ainsi, il remporta le trophée de meilleur 6e homme en 2008. Encore une réussite !
Aujourd’hui, après quatre titres NBA et deux médailles olympiques à 39 ans, l’arrière sait que sa carrière touche à sa fin. Remporter une dernière médaille olympique avec cette génération serait un exploit fabuleux et malgré la déconvenue vécue hier face aux Lituaniens, le groupe semble capable d’un nouvel exploit. Pourtant, Manu Ginobili semble avoir une vision bien plus globale de sa carrière après avoir passé 20 ans en équipe nationale avec Luis Scola.
Les voyages, les repas, les larmes, les fêtes infusées au vin… Tout ça vaut bien plus que les résultats. » Manu Ginobili
Nul doute cependant, qu’il ne cracherait pas sur une nouvelle médaille olympique et un nouveau titre NBA avant de prendre sa retraite, probablement dans un an.