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[Saines lectures] Larry Bird, Magic Johnson – Quand le jeu était à nous

Toujours soucieux d’enrichir sa collection basket, Talent Sport a récemment publié Quand le jeu était à nous, biographie croisée de Magic Johnson et Larry Bird rédigée par Jackie MacMullan. Le concept est pour le moins séduisant, réunir les deux figures de proue de la NBA des années 1980 et les faire échanger sur leurs expériences afin de produire un livre relatant leurs carrières respectives, on ne peut qu’être séduit. Bien que les autobiographies écrites avec la connivence d’un auteur dont le nom ne figure même pas sur la couverture s’avèrent généralement trop bienveillantes pour constituer une expérience de lecture enrichissante, cet ouvrage se révèle être une agréable surprise voire même une référence sur son sujet.

Il faut néanmoins s’avérer patient : les prémices de la rivalité Magic-Bird, enclenchée avant même que les deux hommes n’aient atteint l’âge de boire de l’alcool, ne présentent qu’un intérêt tout relatif. On ne se passionnera ainsi guère pour les années Michigan State de Magic, et guère plus pour les années Indiana State de Bird. Non, ce qui fait tout le sel de ce livre, c’est bien la compétition féroce que se sont livrés les deux joueurs une fois intronisés dans la grande ligue, là où leurs ressentis respectifs constituent un véritable plus dans la manière de relater cette période. Le fait de traverser cette époque de la NBA à travers les yeux de ses deux acteurs majeurs permet de lui donner des enjeux, chose souvent trop rare dans les ouvrages biographiques. En partageant la soif de victoire de Bird ou la quête de reconnaissance de Magic, on comprend le feu qui a animé ces deux immenses champions et on prend plaisir à les accompagner dans leurs parcours.

Le style assez insipide de MacMullan s’en retrouve presque occulté, les personnages se suffisant à eux-mêmes pour donner vie à un récit dont la trame narrative s’écrit presque toute seule. Un cadre aussi propice à l’écriture aurait pu engendrer une narration assez fabuleuse, mais Magic, Bird et leur plume ont choisi de se contenter d’un texte assez épuré, choix que l’on peut regretter mais dont on ne peut nier l’efficacité. Chaque chapitre présente des enjeux qui lui sont propres, et vient nourrir les suivants en enrichissant le parcours des personnages, tout en fonctionnant de manière indépendante. En tant que biographie, Quand le jeu était à nous se veut intelligent à défaut d’être ambitieux, et ce choix s’avère payant : le livre manque de génie mais remplit excellement son contrat en tant que biographie. Il écarte les anecdotes futiles tout en offrant au lecteur un très large panorama qui permet de saisir ce qu’étaient Bird et Magic. Quand on repose l’objet après en avoir fini la lecture, on a le sentiment d’avoir appris quelque chose, même d’en avoir appris beaucoup.

Bien entendu, le fait que les deux joueurs aient été partie intégrante du processus d’écriture occulte naturellement beaucoup de facettes moins flatteuses. Par exemple, seules quelques lignes viennent évoquer le style de vie pour le moins volage de Magic, alors qu’on peut considérer que c’est un aspect inhérent au personnage. Ce côté très lisse du livre est néanmoins allègrement compensé par la plongée qu’il offre dans la NBA des années 1980 : la rivalité Magic-Bird étant la composante essentielle de cette période, on tient là un ouvrage que l’on pourrait presque qualifier de référence pour qui cherche à s’imprégner de cette ère qui sonna le renouveau d’une ligue bien moribonde avant l’arrivée des deux légendes.

Le livre est ainsi profondément imbibé d’une nostalgie bienveillante. Malgré son titre au passé, on n’est pas dans une démarche du « c’était mieux avant » mais bien dans les souvenirs de deux acteurs de leur époque qui se remémorent leur âge d’or. On regretterait même que le récit soit aussi centré sur le basket car il gagnerait probablement à s’étoffer d’un regard sur l’Amérique des années 1980 qui viendrait renforcer ce voyage dans le temps auquel nous invitent Bird et Magic. À la manière du film Hoosiers, Quand le jeu était à nous est une œuvre sincère qui utilise le sport pour dépeindre un aspect d’une époque, le sourire aux lèvres, une couverture sur les genoux et le regard vers un feu de cheminée qui crépite.

Sans être brillant, le livre est suffisamment bon pour être considéré comme un incontournable. Son sujet est traité avec assez de sérieux pour le rendre réellement didactique, et le fait de pouvoir compter sur l’implication de Magic et Bird lui donne une orientation fort appréciable dans le regard qu’il porte à la période qu’il couvre. Le chapitre consacré à la maladie du meneur des Lakers, par exemple, est profondément touchant. En résumé, Quand le jeu était à nous apporte ce qu’on est en droit d’attendre de ce type d’ouvrage, ce qui, compte tenu de la richesse du sujet traité, suffit à en faire un objet dont on conseillera la lecture.

Là où le bât blesse, c’est sur cette version française qui manque cruellement du sérieux de sa grande sœur. Olivier Bougard, le traducteur, est très en-deçà de ce qu’il a pu proposer sur les précédents ouvrages publiés par Talent Sport. Outre les nombreux contresens, erreurs de traduction et fautes de français, les choix effectués quant à la concordance des temps sont pour le moins discutables et beaucoup de tournures de phrases transpirent la construction anglophone. Le contenu du livre est des plus agréables mais la manière dont il est écrit rend l’expérience de lecture profondément désagréable voir même agaçante à bien des reprises. Quand le lecteur en vient à soupirer ou à lever les yeux au ciel à la lecture de certains passages, quand le sens de paragraphes entiers est altéré à cause d’erreurs de traduction, quand un même terme est traduit de manière aléatoire selon les chapitres, quand le texte n’arrive tout simplement pas à fonctionner de manière autonome, on est en droit de dire que le travail n’a pas été fait correctement et que le livre s’en trouve gâché. L’éditeur n’est pas en reste, car outre certaines erreurs qui ne devraient jamais survivre à une relecture, les signes typographiques utilisés sont souvent incorrects et la mise en page est indigne d’une maison d’édition de cette importance — par exemple, des appels de note sur une page et la note en question sur une autre. Le rendu final de cette version française pourrait être poliment qualifié d’amateur et c’est franchement regrettable pour un livre de cette envergure.

En résumé, When The Game Was Ours est ouvrage que l’on conseillerait volontiers, mais il serait difficile de faire de même pour Quand le jeu était à nous. Le livre est riche, son contenu intéressant, sa nostalgie ambiante douce voire douillette, mais le fait que sa version française soit si mal écrite rend presque caduque tous ses atouts. Il est réellement dommage qu’une œuvre de cette qualité ne bénéficie pas d’une version française à la hauteur de l’intérêt qu’elle constitue, et quitte à choisir un livre pour l’été, on préfèrera se replonger dans d’autres volumes précédemment publiés afin d’éviter de s’agacer sur sa lecture sous les regards circonspects de ses voisins de wagon ou de serviette.

 

Larry Bird, Magic Johnson, Jackie MacMullan – Quand le jeu était à nous

Éditions Talent Sport – http://www.talentsport.fr/

352 pages.

Prix public : 22 euros.

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