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Cahier des rookies: jusqu’où Lauri Markkanen peut-il aller?

Le petit monde des rookies est un univers à part dans une saison NBA. Toutes les deux semaines, Basket Infos vous propose d’analyser les performances, bonnes ou mauvaises, des débutants dans la grande ligue.

 

Lauri Markkanen sait shooter. Il n’y a jamais vraiment eu de doutes à ce sujet, et il n’y en a déjà plus après ses deux premières semaines en NBA. Après avoir shooté à 42.3 % à 3-pts en fac, le grand Finlandais tire à 42.6 % derrière l’arc dans la grande ligue. Markkanen était sans doute le meilleur intérieur shooteur à se présenter à la draft depuis Ryan Anderson, aussi bien en précision (mieux que Kevin Love) qu’en volume (bien plus de tirs que Kelly Olynyk, par exemple). Le tir extérieur était LA certitude des scouts à propos de la star d’Arizona, certitude qui s’accompagnait de bien des doutes, en particulier les suivants :

  • Est-il capable d’avoir assez de variété dans son jeu pour ne pas être un simple spot-up shooteur ?
  • Peut-il devenir un meilleur rebondeur ?
  • Peut-il protéger le cercle?

Ces trois questions en sous-entendent une quatrième : Markkanen, qui a la taille d’un pivot, peut-il vraiment jouer pivot ? Dans l’ère du smallball, être un poste 4 qui sait shooter est à peine un avantage : c’est une norme. Le must est d’avoir un poste 5 qui sache lui aussi shooter, afin de libérer la raquette et d’offrir de l’espace aux meneurs pour attaquer le cercle. C’est le principe même du deathlineup des Warriors, avec Draymond Green poste 5, que la ligue entière cherche à copier. La situation compliquée de Nerlens Noel à Dallas s’explique notamment par la volonté de Rick Carlisle de « faire monter » Dirk Nowitzki au poste de pivot, pour profiter de son tir tout en neutralisant au maximum sa lenteur face aux 4 adverses. Lors des derniers playoffs, Mike D’Antoni a fait la même chose avec Ryan Anderson.

Le problème, évidemment, est qu’il n’y a qu’un seul Draymond Green. Anderson et Nowitzki sont de remarquables pivots en attaque, mais ils sont incapables de protéger le cercle en défense, et sont des rebondeurs médiocres. Or l’inquiétude des observateurs, lors de la dernière draft, venait de ce que Markkanen semblait plus dans ce moule là que dans celui d’un Porzingis, par exemple, capable de protéger le cercle par séquences. Sur 40 minutes, Markkanen ne prenait ainsi que 9.3 rebonds l’an dernier, un score très faible pour un intérieur de cette taille. Sans défense ni rebond, le profil de Markkanen devenait beaucoup moins intéressant, l’enfermant dans un rôle de stretch 4 intéressant, mais un peu dépassé : quitte à faire jouer un shooteur poste 4, autant reconvertir un ailier qui pourra profiter de sa rapidité, plutôt qu’un grand benêt de 2,13 m qui aura toujours un déficit de mobilité.

Heureusement pour lui, Markkanen est sans doute tombé dans l’équipe idéale pour mettre en valeur ses qualités. L’effectif des Bulls est une horreur absolue, qui permet à Justin Holiday de prendre plus de 15 tirs par matchs (Justin Holiday !).  Dans une équipe au moins légèrement fonctionnelle, Markkanen aurait sans doute été cantonné à un rôle de shooteur ; à Chicago, il est déjà l’un des attaquants les plus compétents, et peut donc être le centre de l’attaque. Solution éternelle pour les joueurs qui sont peu polyvalents et/ou qui ne savent pas défendre : en faire le leader offensif. Plutôt que de leur demander de s’adapter, l’équipe s’adapte à eux.

Même si l’attaque d’Arizona ne lui permettait pas vraiment de le montrer, Markkanen est bien plus qu’un shooteur : les stats avancées le plaçaient déjà dans l’élite au poste, en isolation et en roll man. Si l’on tente une visualisation de la palette offensive de Markkanen via la bubble offense (le principe est expliqué dans cet article), on constate en effet une certaine variété:

 

Premier constat: Markannen est un médiocre shooteur en spot-up (la grosse bulle bleu clair en bas à gauche), même si la plupart de ces tirs viennent de ces positions. Hoiberg en est néanmoins conscient, puisque seuls 5% de ses tirs sont des 3-pts dans le corner. Markannen n’est pas non plus très utile en transition ou sur les coupes: dans l’attaque des Bulls, il passe la majorité de son temps en tête de raquette, à attendre que se lance un pick & pop ou qu’il puisse récupérer le ballon derrière un écran. Et sur ces actions, il n’est pas bon: il est exceptionnel! La bulle en haut à droite indique que Markkanen est (pour l’instant) ce qui se fait de mieux en NBA sur les shoots derrière un écran, rien que ça! Le jeune Finlandais déclenche son tir à une telle vitesse qu’il est très difficile pour le défenseur de venir le contester:

 

Jonathan Isaac a beau être lui aussi un rookie, il défend très bien sur cette action, en contournant l’écran à une vitesse surprenante pour un intérieur. Cela ne suffit pas: Markkanen a déjà dégainé.

L’intérêt du graphique est de nous montrer que, comme à la fac, Markkanen sait faire autre chose que shooter. Il est ainsi un bon joueur au poste, et très efficace sur pick & roll dans le rôle du joueur qui « roule » vers le panier. Comme un arrière, il est capable de tirer en sortie de dribble, surtout s’il est défendu par un joueur moins mobile que lui (ci-dessous, Vucevic):

 

Le jeu offensif de Markkanen a encore des failles, la principale étant peut-être une absence presque totale de playmaking, défaut déjà relevé par les scouts. Markkanen a un Assist Percentage de 2.8 %, score très faible qui le place dans le 8e percentile de la ligue. Ce défaut, fréquent chez les grands (c’est l’un des gros points faibles du jeu offensif de Rudy Gobert, par exemple), est une autre preuve de la polyvalence limitée de Markkanen dès lors qu’il s’agit d’autre chose que de tirer. Avoir le sens de la passe est particulièrement important pour un intérieur qui n’a pas la verticalité insensée d’un Jordan ou d’un Capela : pour éviter les prises à deux ou pour servir des shooteurs en sortie de pick & roll, entre autres.

Fred Hoiberg a pour l’instant à peine tenté l’expérience Markkanen au poste 5. L’immense majorité de ses minutes ont été au poste 4, le plus souvent à côté de Robin Lopez. Sur quelques possessions , Markkanen a été le seul intérieur sur le terrain, mais elles sont tellement rares qu’il est impossible d’en tirer quoi que ce soit de convaincant. Le choix d’Hoiberg est assez logique : Lopez, sans être une terreur en défense, apporte au moins la dimension physique que Markkanen n’a pas pour batailler seul dans la raquette. Faiblard au rebond offensif (4.3 % OReb Rating), ce dernier se défend plutôt bien au rebond défensif (23.1 % DReb Rating, dans le 74e percentile), ce qui est déjà bon signe par rapport à ses performances en fac. Markkanen n’est pas forcément un mauvais défenseur, en tout cas lorsqu’il s’agit d’être mobile: contrairement à Kevin Love et Ryan Anderson, il n’est pas systématiquement dépassé par des joueurs plus rapides que lui, et peut même contenir correctement certains ailiers-forts. Face à Aaron Gordon, cette nuit, Markkanen s’en est très bien sorti et a même par deux fois entraîné un turnover de la star du Magic, comme sur l’action suivante:

 

La vraie limite du Finlandais en défense vient davantage de sa protection de cercle. Son Block Percentage est de 0.8 %, ce qui est médiocre; Markkanen n’a pas une détente folle et semble bien plus à l’aise pour défendre le périmètre que pour ancrer une raquette, malgré sa taille. Cela explique sans doute que Fred Hoiberg ne tente pas outre mesure de l’aligner au poste 5. Pourtant, vu l’état des Bulls, le coach n’aurait pas grand-chose à perdre à tenter plus régulièrement l’expérience. Personne n’a aucun doute sur le fait que les Bulls tankent, en profiter pour tenter de développer la polyvalence de certains joueurs ne serait donc pas un mal.

Cela paraît d’autant plus nécessaire que les Bulls ont besoin de savoir sur quelles bases ils peuvent lancer leur reconstruction. D’ici quelques mois, Hoiberg récupérera ZachLaVine, dont les défauts et les qualités ne sont pas sans rappeler celles de Markkanen : comme l’intérieur finlandais, la polyvalence suspecte de LaVine rend plus difficile son adaptation à un collectif quand ce dernier ne tourne pas autour de lui. Comme Markkanen également, LaVine profiterait à coup sûr de la présence d’un vrai playmaker que les Bulls n’ont pas (Kris Dunn peut-il l’être ? On ne parierait franchement pas là-dessus). Une franchise ayant Markkanen et LaVine comme pièces centrales de l’effectif ne parie pas sur la polyvalence mais sur le talent offensif : pari viable, à condition d’associer les deux joueurs à des coéquipiers susceptibles de pallier leurs déficiences. Autrement dit, et contrairement à d’autres équipes en reconstruction, les Bulls semblent déjà avoir des obligations pour bâtir leur futur effectif, s’ils veulent faire briller les deux joueurs de talent qu’ils possèdent.

Lauri Markkanen est à la fois le problème et la solution, ici. S’il continue à améliorer les points forts qu’il montre déjà, il sera un très bon joueur NBA, digne de sa 7e position à la draft. Pour simplifier la vie des Bulls, l’idéal serait qu’il devienne plus : un rebondeur, playmaker et défenseur au moins correct, afin d’offrir plus d’options à ses coachs. A lui de jouer.

 

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  • Cette cuvée de rookies est bien partie pour être exceptionnelle. Après deux semaines, 11 débutants affichent plus de 10 pts de moyenne par match, et 15 jouent plus de 20 minutes par match, des chiffres énormes. Le plus impressionnant est évidemment Ben Simmons, sur les bases d’une saison historique: seul Oscar Robertson a fini une saison rookie avec plus de 18 pts, 9 rbds et 8 pds de moyenne! Sauf blessure ou énorme baisse de régime, on connaît déjà le Rookie of the Year.
  • Comme (presque) toujours, les meneurs et arrières rookies souffrent à l’adresse en ce début de saison. 36.8 % pour Mitchell, 38.8 % pour Smith Jr, 34.4 % pour Monk, 30.8 % pour Ball: les briques volent, ce qui n’empêche pas les joueurs en question de montrer d’autres qualités. Pas d’inquiétude à avoir pour l’instant, c’est un classique de début de saison.
  • Jayson Tatum fait un début de saison exceptionnel à 3-pts (52.6 %) et a surtout déjà effacé certaines inquiétudes sur son jeu old school. On craignait qu’il soit trop attiré par le tir mi-distance? Il prend finalement moins de tirs dans cette zone que de 3-pts, un très bon indice de sa volonté de rendre son jeu réellement efficace. A l’heure actuelle, le pari fait par Danny Ainge lors de la dernière draft paraît justifié.
  • John Collins est encore un peu tendre (il est incapable de shooter du côté gauche du terrain, notamment), mais c’est un incroyable aspirateur à rebonds offensifs: avec un OReb % de 15.1, l’intérieur des Hawks est dans le 93e percentile de la ligue! Il est aussi dans le 2e percentile pour ce qui est des fautes commises, ce qui est nettement moins positif.
  • Ce n’est pas très visible dans les stats, mais Jonathan Isaac confirme visuellement tout le bien qu’on pensait de lui lors de la draft: l’ailier du Magic est un excellent défenseur pour son âge, qui va offrir à Frank Vogel des solutions tactiques passionnantes. On attend avec impatience des lineups avec Gordon en 4 et Isaac en 5.
  • Bam Adebayo joue avec une énergie colossale, malgré quelques limites techniques. Face à Minnesota, le pivot de Miami a sérieusement embêté Karl-Anthony Towns des deux côtés du terrain. Très intéressant, et dommage qu’il ne puisse pas être aligné avec Whiteside.
  • Zach Collins a fait une impression affreuse dans les quelques minutes offertes par Terry Stotts. En 25 minutes (sur 3 matchs), il a loupé ses trois tirs, commis 7 fautes et semblé plutôt dépassé. Il faudra être patient avec l’ancien de Gonzaga.
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