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La NBA, pionnière en matière de préservation mentale des joueurs ?

Le 1er juin 2021, en plein début du tournoi de Roland-Garros, Naomi Osaka, numéro 1 mondiale, annonce son retrait du célèbre tournoi parisien. En effet, la nippone était sous pression : elle qui refusait de se rendre en conférence, en raison de la charge mentale que l’exercice lui incombait, se voyait sous la menace de sanctions. Motivé par des considérations de santé mentale, de bien-être, ce choix a suscité la polémique et bien souvent l’incompréhension. Alors que la Niponne souffre de dépression, certains se sont alors contentés d’y voir là un caprice d’une joueuse immature. En réalité, rien d’étonnant : les considérations mentales ne sont peu ou pas encore considérées dans le tennis, et plus globalement, dans le traitement médiatique du sport en France. 

De l’autre côté de l’Atlantique, la plus grande ligue de basket au monde, la NBA, apparait à l’inverse bien plus avancée sur ces questions.

Ron Arest, le déclencheur 

Tout commence le 17 juin 2010, jour de Game 7 entre les Lakers et les Celtics. La franchise de LA vient de s’adjuger un 16e titre, après leur victoire étriquée 83-79, lors d’un match mémorable. Fraîchement bagué, l’ailier des Lakers, Ron Arest, sort d’une excellente performance : avec 20 points et un tir primé dans le clutch, il est l’un des hommes forts de ce match. En conférence de presse, le sulfureux joueur va rendre hommage à son coach, à ses coéquipiers, à Kobe et … à son docteur, Madame Santhi Periasamy. En effet, il la tient pour grande responsable de son bon Game 7. Il confesse : 

« Je voudrais remercier ma psychiatre, le Dr Santhi. Elle m’a vraiment aidé à me détendre »,

Ainsi, le très décrié et, selon lui, incompris Artest voulait que tout le monde sache qu’il n’avait pas obtenu sa première bague tout seul.

« Merci beaucoup, c’est si difficile de jouer, il y a tellement d’émotions pendant les playoffs, et elle m’a aidé à me détendre », expliquait-il.

Le joueur, qui a vécu une enfance difficile, raconte les difficultés à prendre conscience de sa maladie. En effet, si les franchises ont tenté de l’accompagner, il n’a pas toujours su accepter cette main tendue qui lui était offerte. Il raconte : 

« Les Bulls … ils étaient vraiment bons, en fait. Les Bulls étaient en avance sur leur temps, mais je n’ai pas vraiment accepté leur aide. Je pensais simplement qu’il s’agissait d’un diagnostic général ou personnalisé. Mais c’était à l’époque. Quand je suis arrivé à Indiana, nous avons commencé à obtenir un diagnostic [de santé mentale], et j’ai commencé à suivre une thérapie, à respirer, à méditer et à faire d’autres choses comme ça. C’était vraiment cool, quand j’ai commencé à travailler sur ce genre de choses.

Une première déclaration choc donc, qui a permis d’ouvrir la conversation à ce sujet, à défaut de régler la question. Surtout, c’est la première étape d’un long chemin de libération de la parole chez les joueurs et dans les vestiaires. Des tabous peu à peu brisés, dans une ligue où les joueurs sont parfois considérés, à tort, comme des machines. Un long processus donc, qui va s’accélérer en 2018, année clé. 

 

2018 : un tournant ?

En effet, c’est en 2018, plus précisément la veille du All-Star Game, le 17 février, que DeMar DeRozan lâche ce tweet :

 

“ Cette dépression est en train de gagner”.

Un tweet qui déchaîne immédiatement les passions, notamment sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les médias, où l’on commence, progressivement, à s’emparer du sujet, bien que l’on en discute encore en des termes maladroits. « Ce n’est pas forcément quelque chose à laquelle je pense tous les jours, mais je dois vivre avec et je pense que c’est important de le partager. Pour les autres et pour que l’on puisse s’éduquer », résumait alors le joueur chez ESPN. Dans les jours qui ont suivi, il réalise une interview pour le Toronto Star, dans lequel il détaille son combat contre l’anxiété et la dépression, espérant ainsi que sa volonté de partager son expérience pourrait aider d’autres personnes à se sentir moins seules.

« Peu importe à quel point nous paraissons indestructibles, nous sommes tous humains au final. Nous avons tous des sentiments… Parfois, ils prennent le dessus, dans les moments où le monde entier est sur vous.  » Expliquait-il. « Ce n’est pas quelque chose dont j’ai honte » confiait-il, faisant là référence à sa maladie.

DeRozan a, par la suite, continué à donner des interviews et a discuté de sa santé mentale tout en évoquant des problèmes de santé mentale invisibles auxquels les athlètes professionnels font face dans tous les sports. Surtout, son tweet initial – et l’attention médiatique qui s’en est suivie – est aujourd’hui considéré comme un élément central dans la libération de la parole des athlètes en NBA.

Quelques semaines après le tweet de DeRozan, Kevin Love, ailier fort de Cleveland, a également pris la parole, dans un article publié dans The Players Tribune. En 2 000 mots, il y décrit, en détail, une crise de panique qu’il a subie pendant un temps mort et qui l’a forcé à quitter un match, et la prise de conscience subséquente, avançant là qu’il s’agissait du point culminant de sa lutte contre l’anxiété : « C’est sorti de nulle part. Je n’en avais jamais eu auparavant. Je ne savais même pas s’ils étaient réels. Mais c’était réel – aussi réel qu’une main cassée ou une entorse à la cheville. Depuis ce jour, presque tout ce que je pense à propos de ma santé mentale a changé. »

 

Love y raconte également la première fois qu’il a consulté un thérapeute – quelque chose qu’il a reconnu être souvent considéré comme un signe de faiblesse dans le monde du basket. Aussi, il attribue au tweet de DeRozan le mérite de lui avoir donné la force d’aller de l’avant en publiant son histoire. Aujourd’hui, il continue à promouvoir la sensibilisation à la santé mentale par le biais d’un fonds en partenariat avec Headspace. Il a également fondé le Kevin Love Fund, qui aide les gens à améliorer leur bien-être physique et émotionnel.

 

La bulle d’Orlando, un épisode douloureux ?

Si la saison NBA 2020-21 a été épuisante, sur l’aspect mental, mais aussi sur le plan physique, joueurs et entraineurs s’accordent une chose : la bulle de Disney ne manque à personne.

“Être dans la bulle, c’était un peu comme une prison”, explique Kyle Kuzma. “Vous ne pouviez pas partir. Nous mangions les mêmes trois ou quatre repas chaque jour pendant trois mois, et nous n’avons pas vu nos familles. Donc c’était vraiment dur”.

Doc Rivers, coach des 76ers, se montre, quant à lui, très critique envers la bulle sanitaire, en expliquant que cette dernière “était 1000 fois pire” que cette saison, et que la moitié de ses joueurs (à l’époque, il coachait les Clippers) ne voulaient pas être là en réalité. DMDR abonde : 

« C’est difficile », expliquait DeMar DeRozan. »Vous prenez des gars qui ont été avec leurs familles tous les jours au cours des derniers mois et tout d’un coup, vous séparez tout le monde dans cet espace confiné et vous nous enlevez les choses joyeuses que nous faisons en dehors du basket. … “.

Une bulle sanitaire qui a laissé des traces, forcément, comme l’explique Kevin Love : 

“Vous pouvez parler des protocoles, et vous pouvez avoir des appels Zoom jusqu’à être exténué”, explique Love. “Mais tant que vous ne l’avez pas réellement vécu, vous ne savez pas à quoi vous attendre”.

Pour pallier ces difficultés, la ligue avait mis en place un dispositif, que certains ont jugé trop léger. En effet, la NBA et la NBPA (Association des joueurs de la NBA)ont collaboré ensemble pour fournir des services de santé mentale, notamment en mettant à disposition un professionnel agréé sur place et en fournissant des services de télésanté hors site. L’ancien joueur et actuel conseiller en bien-être des joueurs pour la NBPA, Keyon Dooling, était ainsi sur place, dès le début des matchs, et des ressources en matière de santé mentale, comme un accès 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à un spécialiste sur place, étaient disponibles via une application pour smartphone.  Et si certaines équipes ont amené leurs propres spécialistes de la santé mentale, le Dr Kensa Gunter, un psychologue du sport aura été du voyage, afin d’accompagner les joueurs.

Mais au regard des difficultés traversées par les joueurs, difficile de croire que ces mesures ont réellement suffi. Aussi, pour garantir le bien-être des joueurs, encore faut-il que le corps puisse suivre. À cet égard, la ligue a encore beaucoup de progrès à réaliser. En effet, cette année, les joueurs ont souffert d’épuisement : avec une intersaison raccourcie, le rythme déjà infernal de la NBA s’est encore un peu plus accéléré, mettant les organismes à rude épreuve. À titre d’exemple, la ligue, en accord avec le syndicat des joueurs, a décidé de faire démarrer la saison le 21 et 22 décembre, notamment afin de maximiser les contrats TV qui englobaient ainsi les matchs de Noël. Rien d’étonnant, dès lors, à voir les Lakers, le Heat ou encore les Celtcis, finalistes de conférence l’an passé, échouer dès le premier tour des play-offs. 

 

Le cas Royce White : une épine dans le pied de la ligue ? 

Le 28 juin 2012, le jeune ailier est drafté en 16e position par les Houston Rockets. Promis à un bel avenir, Royce White ne restera pourtant que deux petites années en NBA, avant d’exploser au Canada, où il sera élu MVP avec les Lightning de London. La raison de cet échec ? La maladie. En effet, Royce White souffre d’hyperanxiété ainsi que de la peur de prendre l’avion. Dans un championnat où les déplacements en avion sont quotidiens, il est laissé à part par les Rockets et ne prend pas part aux rencontres. Pire, il est même suspendu par la franchise du Texas à qui il reproche de n’avoir rien mis en œuvre pour l’aider. Par exemple, White avait demandé à faire certains trajets en bus, chose que la ligue avait formellement refusée, menaçant les Rockets de suspension. Pour éviter ces amendes, les Rockets ont tout simplement retiré Royce White de la feuille de match.

« J’ai suggéré aux Rockets de collaborer avec les médecins pour un plan concernant mes troubles de l’anxiété » revèle White. « La réponse que j’ai eue, c’est que cette politique pour moi était impossible. On m’a dit qu’il aurait fallu beaucoup de temps aux 30 propriétaires pour s’accorder sur une telle mesure. Car si les Rockets le faisaient, toute la ligue aurait dû accepter. »

Courageux, le jeune joueur n’a jamais caché sa maladie. À cet égard, il estimait, dès 2013, que Houston et la ligue étaient en grande partie responsables de l’échec du jeune ailier. Il confie :

“Je suis un problème, car je n’ai pas peur de dire ce que je pense et de me tenir devant eux. Que ce soit la communauté NBA, les joueurs, le syndicat, David Stern ou Adam Silver. Je n’ai pas peur de leur dire, écoutez, vous ne respectez pas la santé mentale. Si je devais faire une supposition éclairée, je dirais que David Stern, Adam Silver, les Rockets, des propriétaires, des GM’s, veulent que je disparaisse. Pourquoi ? Parce que le business c’est être efficace, pas faire ce qui est nécessaire. Bien souvent, ce qui est le mieux pour nous en tant qu’être humain est complètement occulté pour les gens du business.”

White nourrit donc des regrets quant à sa carrière écourtée dans la meilleure ligue de basket au monde. Surtout, il nourrit de la rancoeur vis-à-vis des instances qui n’ont pas su le protéger ni l’aider. Dans un article de 2018, il racontait comment la ligue ne prenait pas au sérieux sa maladie :

 » Mes propos selon lesquels la maladie mentale était une « pandémie » ont été moqués et qualifiés de  » radicale « …. Lors des discussions internes, ceux qui s’exprimaient au nom de la NBA expliquaient que leur principale crainte et le principal rejet de notre proposition de politique de santé mentale était qu’elle créerait une possibilité illimitée pour les joueurs de faire semblant d’être malade ».

Des propos qui viennent noircir le joli tableau dressé par la National Basketball Association et par David Stern puis par Adam Silver, ce dernier qui a pourtant fait de la santé mentale des joueurs une des priorités de son mandat.

 

En définitive, si la NBA semble pionnière en la matière (dans la mesure , où contrairement à d’autres sports, la parole se libère plus qu’ailleurs), c’est avant tout grâce à ses joueurs. Certes, en 2018, l’Association nationale des joueurs de basket-ball (NBPA) a lancé un programme de santé mentale et de bien-être pour permettre aux joueurs d’avoir un meilleur accès à des conseillers en santé mentale; et la NBA a transformé son programme de formation des rookies afin de mettre davantage l’accent sur l’éducation à la santé mentale. Enfin, en 2019, la ligue a pris de nouvelles directives en la matière. On y retrouve, entre autres, la mise à disposition auprès des joueurs de professionnels agrées et expérimentés dans le domaine de la santé mentale, l’adoption d’un plan d’action écrit pour les urgences ou encore la mise en place de procédures spéciales en matière de respect de la vie privée et de confidentialité.

Cependant, en tant que visages d’un sport emblématique et de la ligue la plus célèbre du monde, les joueurs, qu’ils soient anciens ou nouveaux, ont été sans aucun doute, le facteur le plus important de cette libération de la parole. Leur volonté croissante de partager leurs difficultés personnelles et de discuter de sujets souvent considérés comme tabous aura, c’est certain, aidé d’autres personnes à se sentir plus à l’aise pour s’ouvrir ou chercher un traitement. À bon entendeur…

Via ESPN , USA TODAY, CNBC, NBA.com

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