Analyse Vidéo : Stephen Curry est-il le meilleur meneur de jeu à l’Ouest ?
Sélectionné par les fans en tant que titulaire pour le All Star Game, Stephen Curry aura l’occasion de vivre son tout premier match des étoiles à New Orleans, et cela semble on ne peut plus mérité. Enfin laissé tranquille par ses chevilles fragiles, Curry récite son meilleur basket depuis deux saisons maintenant. Au point que l’on en vient à se demander si l’ancien kid de Davidson, en train de devenir un des tous meilleurs shooteurs de l’histoire de la ligue, ne serait pas à l’heure actuelle tout simplement le meilleur meneur de jeu de la côte Ouest.
Jetons un coup d’œil à son profil.
Guillaume (@GuillaumeBInfos)
Physiquement, Stephen Curry ne rentre pas dans le prototype parfait d’un meneur de jeu NBA. S’il possède une bonne taille pour le poste (6’3 – 1m90), son envergure de bras reste courte (6’3 également) et il ne possède pas de superbes qualités athlétiques. Sa carrure assez frêle (185lbs – 83 kg) et le fait qu’il soit déjà dans sa cinquième année chez les pros suggèrent d’ailleurs qu’il ne devrait plus énormément gagner en muscle.
De même, sa mécanique de tir est loin d’être purement académique mais ça ne semble pas l’empêcher de devenir un des tous meilleurs (si ce n’est le meilleur) shooteur de la ligue. Il ne s’élève pas beaucoup sur jump-shot (et déclenche son tir lorsqu’il est encore en train de monter plutôt qu’au moment culminant du jump) mais demeure diaboliquement efficace de cette manière. De plus, sa vitesse de déclenchement et d’exécution du tir est remarquable. Conséquence directe : Curry n’a besoin que de très peu d’espace pour dégainer et peut scorer dans n’importe quelle situation, en face de n’importe qui (y compris les plus grands intérieurs de NBA).
Ce qui le départage également des autres shooteurs d’élite que l’on connait, c’est sa capacité à se créer son propre tir. Sa superbe qualité de dribble vient parfaire son jump-shot redoutable. Sur ISO et en sortie du Pick and Roll il se montre remarquable pour se créer assez d’espace et shooter, à deux points comme à trois. Plus impressionnant encore, Curry est un de ces shooteurs de folie (sans doute le plus dangereux d’entre tous) qui peuvent prendre feu n’importe quand et littéralement rentrer n’importe quel tir depuis n’importe quelle position sur le terrain.
Seul bémol, sa production offensive dépend entièrement de cette réussite au tir. Stephen Curry vit et meurt par son jump-shot : cette saison, plus de 85% de ses tirs tentés sont des jump-shots (88% l’an passé même), une proportion vraiment énorme, d’autant plus que sa réussite dans ce domaine n’est pas non plus phénoménale (41% cette année, 42% l’an passé).
Plus encore, le tir à trois points à lui seul représente 43% de ses tirs totaux. Il rentrait d’ailleurs dans les livres d’histoire l’an passé (600 trois points inscrits sur la saison, record NBA – 3.5/7.7 de moyenne à longue distance par match, 45% de réussite) mais il a trouvé le moyen de s’y reposer encore un peu plus dessus cette année (8.3 tentatives de moyenne, 39% de réussite). En termes d’effective field goal, il est passé pour le tir à trois points d’un superbe 66eFG% à un correct 56eFG% (les snipers d’élite comme Kyle Korver ou Marco Bellineli avoisinant les 70eFG% cette saison). Concrètement, il reste évidemment très bon dans l’exercice, mais devrait faire attention à ne pas trop forcer. Même pour Stephen Curry, plus de 8 tirs de moyenne à longue distance, ça reste énorme, d’autant plus que tous ne sont pas des excellents tirs ouverts qui ne se refusent pas.
Autre secteur du jeu où Curry est capable d’aligner de très belles lignes de stats, la distribution. On le savait déjà capable de créer pour les autres mais il a pris cette saison une nouvelle dimension en se haussant au deuxième rang des passeurs les plus prolifiques de la grande ligue avec 9.3 caviars par rencontre. Possédant une mentalité de scoreur plutôt que de passeur, il a su cette saison apporter un meilleur équilibre à son jeu (6.1 passes de moyenne sur ses quatre premières saisons).
Le départ de Jarrett Jack combiné à l’incapacité des Warriors à trouver en Bazemore, Douglas et Nedovic un backup décent à la mène sur cette première moitié de saison (peut-être l’arrivée de Jordan Crawford changera les choses), Stephen Curry s’est retrouvé à devoir mener la barque Californienne à chaque fois qu’il était sur le terrain. Sans pouvoir évoluer sans ballon en deuxième arrière autant que l’an passé donc. Conséquence directe : plus de ballons à disposition, plus de responsabilités dans la création de tirs pour les autres, et un Curry qui a su répondre aux attentes et augmenter de manière assez impressionnante sa production. Lecture et vision du jeu, précision de passe et même altruisme, Curry possède les qualités caractéristiques d’un excellent créateur. Sur transition, sur pénétration, et plus particulièrement sur Pick and Roll où il fait preuve d’une magnifique créativité, il peut distribuer partout et beaucoup.
Sur pénétration enfin, il y a du bon et du moins bons, mais ce n’est clairement pas une de ses forces. Sa très belle qualité de dribble et ses bons changement de rythme lui permettent de se créer intelligemment un chemin vers le panier en naviguant à travers les défenses. Néanmoins il reste très limité par son manque de qualités physiques et athlétiques, et ne peut pas scorer en masse rien qu’en attaquant le cercle. Plutôt frêle et pas explosif, il est incapable de conclure par-dessus le cercle et du mal à scorer en face de longs/grands intérieurs (plutôt bon floater mais pas excellent et assez irrégulier). De même, il ne peut pas vraiment marquer malgré les contacts, et n’est pas toujours enclin à provoquer les fautes sous le cercle (3.2FTA en carrière seulement malgré une amélioration jusqu’à 4.9 cette saison, enfin).
Plus généralement, Stephen Curry est indéniablement un des meneurs les plus prolifiques de NBA, capable de gros cartons tant au scoring qu’à la distribution. Néanmoins il manque de la réelle assurance à la mène, de la grande science du jeu et du contrôle de tout instant que l’on souhaite retrouver chez un meneur de jeu de métier. Comme évoquée précédemment, sa sélection de tir est parfois moyenne (savoir rentrer même le plus compliqué des jump-shot ne signifie pas devoir tous les tenter). Par moment, il shoote trop, et des tirs trop compliqués.
Il n’est clairement pas tout le temps sous contrôle, et précipite ou force les choses (passes ou tirs) encore trop souvent. D’ailleurs, avec l’augmentation de ballons et de responsabilités, ce ne sont pas que des passes décisives en plus qui sont venues : Curry tourne cette saison à un impressionnant 4.3 pertes de balle de moyenne (10 rencontres terminées à 7 turnovers ou plus, une pointe à 11 contre les Clippers). Au final, le ratio passes décisives/ballons perdus n’est que de 2.1, contre 2.2 l’an passé, et 2.0 en carrière. Il s’agit d’un ratio vraiment faible, surtout pour un meneur de jeu qui distribue plus de 9 caviars par rencontre (4.48 pour Paul, 3.0 pour Lawson, 3.28 pour Rubio, 2.64 pour Jennings). La perte d’un back up correct et vrai/faux meneur titulaire (Jarrett Jack) qui permettait à Curry de jouer sans le ballon s’avère donc à double tranchant (plus de passes mais aussi plus de turnovers) et finalement donc pour un apport pas plus avantageux.
Défensivement, Stephen Curry est plus que jamais handicapé par son manque de qualités physiques et athlétiques, malgré les bons efforts dont il fait preuve. Il peut vraiment être affecté par les écrans et différents contacts qu’il rencontre, que ce soit sur P&R ou lorsqu’il suit un shooteur à travers les écrans. Sa vitesse latérale moyenne et sa courte envergure de bras l’empêche d’être un bon défenseur sur ISO, de contenir le joueur ou même de contester efficacement les tirs.
Plus encore, loin du ballon il manque d’une excellente attention, et a tendance à ne pas maintenir à chaque instant un contact visuel avec son attaquant et le ballon, le laissant alors libre de tout marquage. Ces problèmes de concentration sont assurément quelque chose qu’il ne peut pas se permettre étant déjà limité par ses mensurations.
Curry reste donc un défenseur des plus moyens, sur l’homme ou loin du ballon, mais parvient tout de même à créer régulièrement des turnovers, grâce à des mains très vives, et une excellente anticipation sur trajectoires de passes/aides défensives, le tout pour un très bon total de 1.9 int/m. Ça ne fait pas oublier ses autres lacunes défensives, mais lorsque Golden State pratique sa zone défensive, ce sens de l’interception leur est précieux pour stopper une possession adverse et lancer rapidement une contre-attaque.
Tout bien considéré, Stephen Curry demeure un des meneurs de jeu les plus talentueux et prolifique de NBA à l’heure actuelle. C’est en défense qu’il souffre le plus de son manque d’excellentes qualités physiques/athlétiques. Mais dernièrement le recrutement d’Andrew Bogut (capable de rattraper beaucoup des erreurs de Curry de par sa protection du cercle) et l’instauration d’une défense de zone fréquemment utilisée par Mark Jackson permettent de limiter les dégâts. Néanmoins, Curry reste souvent ciblé comme le match-up favorable à attaquer par les équipes adverses.
Au-delà de sa très belle production offensive, on se rend compte que Stephen Curry n’est pas un vrai meneur de métier, un général sur le terrain, et il ne le deviendra sans doute jamais (trop de mauvais choix, sélection de tir discutable, bien trop de pertes de balle, pas toujours sous contrôle). Deux possibilités s’offrent aux Warriors : continuer dans cette formule et accepter les nombreuses pertes de balles qui viennent avec les multiples caviars distribué par Curry ; ou préférer réduire son nombre de ballons/responsabilités et le faire jouer plus souvent sans la gonfle. Le récent recrutement de Jordan Crawford semble suggérer que la franchise Californienne opte plutôt pour la seconde option, et si la mayonnaise prend on pourrait retrouver la configuration de l’an passé (Jack à 30min/m, Curry qui altère beaucoup plus mener l’attaque et jouer en second arrière). Une configuration que l’on sait diablement efficace pour cette formation des Warriors.
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Comme d'habitude, une super analyse. Merci !